L’hypothyroïdie est considérée, avec l’hyperadrénocorticisme, comme l’une des endocrinopathies les plus courantes chez le chien. Il s’agit d’une condition systémique caractérisée par un ralentissement général du métabolisme consécutif à une insuffisance dans la production ou la sécrétion des hormones thyroïdiennes.
La glande thyroïde, qui fait partie des glandes endocrines, est un organe bilobé situé dans la région cervicale, de part et d’autre de la trachée, et exerce un rôle fondamental dans la régulation de l’activité métabolique de la quasi-totalité des cellules de l’organisme. En dépit de sa prévalence, l’hypothyroïdie canine demeure une entité clinique dont le diagnostic est semé d’embûches, la rendant l’une des affections les plus surdiagnostiquées en pratique vétérinaire. La non-spécificité de ses manifestations cliniques et l’influence de nombreux facteurs confondants sur les tests diagnostiques imposent une démarche rigoureuse et fondée sur des preuves pour aboutir à un diagnostic de certitude et instaurer une prise en charge adéquate.
L’hypothyroïdie chez le chien est une maladie complexe qui nécessite une prise en charge adaptée et un suivi vétérinaire attentif.
Sévère alopécie chez un chien hypothyroïdien
Définition et causes
L’hypothyroïdie chien est un syndrome clinique qui résulte d’une baisse de la concentration circulante et de l’action périphérique des hormones thyroïdiennes, principalement la thyroxine (T4) et, à un moindre degré, la triiodothyronine (T3). Cette déficience hormonale affecte le fonctionnement de multiples systèmes organiques. Il existe différentes formes cliniques et étiologiques d’hypothyroïdie chez le chien, telles que les formes primaires, secondaires, tertiaires, congénitales ou subcliniques, ce qui complexifie le diagnostic. La majorité des cas, plus de 95%, sont une forme d’hypothyroïdie primaire acquise, signifiant une défaillance intrinsèque de la glande thyroïde elle-même.
Les deux principales étiologies de l’hypothyroïdie primaire sont la thyroïdite lymphocytaire et l’atrophie folliculaire idiopathique, survenant avec une fréquence approximativement égale. La thyroïdite lymphocytaire est une maladie auto-immune, analogue à la thyroïdite de Hashimoto chez l’humain. Dans ce processus, le système immunitaire du chien produit des auto-anticorps et des cellules immunitaires (lymphocytes, plasmocytes) qui ciblent et infiltrent le tissu thyroïdien, provoquant une destruction progressive et irréversible des follicules thyroïdiens. La détection d’auto-anticorps anti-thyroglobuline (TgAA) dans le sang est un marqueur de cette pathologie. L’atrophie folliculaire idiopathique, quant à elle, se caractérise par un remplacement progressif du parenchyme thyroïdien par du tissu adipeux, sans signe d’inflammation. Sa pathogénie exacte reste obscure, mais une hypothèse prévalente suggère qu’elle pourrait représenter le stade terminal, “épuisé”, du processus inflammatoire de la thyroïdite, une fois que toute la cible antigénique a été détruite. Bien que largement suspecté de représenter le stade terminal d’une thyroïdite auto-immune, le lien exact et les mécanismes pathogéniques de l’atrophie folliculaire idiopathique nécessitent nénamoins encore des recherches approfondies pour être pleinement élucidés. Cette vision d’un continuum pathologique, plutôt que de deux maladies distinctes, a des implications importantes pour le diagnostic, suggérant que l’absence d’anticorps ne réfute pas une origine auto-immune mais peut indiquer un stade avancé de la maladie.
Les autres causes d’hypothyroïdie sont beaucoup plus rares. L’hypothyroïdie secondaire, représentant moins de 5% des cas, est due à une insuffisance de sécrétion de l’hormone thyréotrope (TSH) par l’hypophyse, glande qui contrôle la fonction thyroïdienne. Un dysfonctionnement de l’hypophyse, souvent à la suite d’une tumeur ou d’une malformation, entraîne une production insuffisante de TSH et donc une altération de la sécrétion hormonale thyroïdienne. L’hypothyroïdie tertiaire (défaut de production de TRH par l’hypothalamus) est exceptionnellement documentée. L’hypothyroïdie congénitale, due à des défauts de développement de la glande ou de la synthèse hormonale, est également rare et se manifeste par un nanisme dysharmonieux. Enfin, des causes iatrogènes (chirurgie, radiothérapie), néoplasiques (invasion tumorale de la thyroïde) ou nutritionnelles (carence ou excès sévère en iode) peuvent être à l’origine de la maladie.
Sur le plan épidémiologique, une étude majeure et récente menée au Royaume-Uni sur une population de plus de 900 000 chiens en soins primaires estime la prévalence annuelle de l’hypothyroïdie diagnostiquée à 0.23%. Ce chiffre, bien que robuste pour cette population, doit être interprété avec prudence, car la prévalence peut varier de manière significative en fonction des prédispositions génétiques au sein des populations canines locales, des régions géographiques et des critères diagnostiques employés. Historiquement, d’autres études ont rapporté des prévalences allant jusqu’à 0.8%.
La maladie affecte typiquement les animaux d’âge moyen ou avancé, avec un pic de diagnostic autour de 7.5 ans. Les animaux stérilisés des deux sexes et ceux en surpoids présentent un risque accru. Une forte prédisposition génétique est évidente, avec certaines races étant significativement plus à risque que d’autres.
Race |
Odds Ratio (OR) de Risque |
Catégorie de Risque |
---|---|---|
Doberman Pinscher Standard |
17.02 |
Très Élevé |
Terrier Tibétain |
11.25 |
Très Élevé |
Boxer |
10.44 |
Très Élevé |
Malamute d’Alaska |
9.71 |
Élevé |
Golden Retriever |
Prédisposé |
Élevé |
Setter Irlandais |
Prédisposé |
Élevé |
Beagle |
Prédisposé |
Élevé |
Bouledogue Français |
0.27 |
Protégé |
Carlin |
0.29 |
Protégé |
Yorkshire Terrier |
0.38 |
Protégé |
La connaissance de ces facteurs de risque est fondamentale pour le clinicien, car elle permet d’ajuster l’indice de suspicion et d’orienter la démarche diagnostique de manière plus rationnelle.
Rôle des hormones thyroïdiennes
La glande thyroïde, située dans la région du cou de chaque chien, joue un rôle fondamental dans le fonctionnement de l’organisme grâce à la production d’hormones thyroïdiennes, principalement la thyroxine (T4) et la triiodothyronine (T3). Ces hormones sont essentielles à la régulation du métabolisme, c’est-à-dire l’ensemble des réactions qui permettent aux cellules de produire de l’énergie, de croître et de se renouveler. Chez le chien, la thyroxine (T4) est la forme majoritaire circulante, qui sera ensuite convertie en T3, la forme active, au sein des tissus cibles.
Les hormones thyroïdiennes influencent de nombreux aspects de la santé canine : elles modulent la fréquence cardiaque, la température corporelle, la respiration, la croissance des poils et la qualité de la peau, ainsi que le bon fonctionnement du système nerveux. Leur action est donc déterminante pour le maintien d’un état général optimal et d’une vitalité normale chez le chien.
Lorsque la glande thyroïde ne produit pas suffisamment d’hormones, comme c’est le cas dans l’hypothyroïdie, on observe une baisse du métabolisme. Cette insuffisance hormonale se traduit par des signes cliniques variés : fatigue, léthargie, prise de poids sans augmentation de l’appétit, altération de la peau, et parfois une diminution de l’appétit. La gravité et la nature des symptômes peuvent varier selon la race, l’âge et le stade de la maladie. Certaines races, telles que le golden retriever, le doberman ou le setter irlandais, présentent une prédisposition génétique à l’hypothyroïdie, ce qui justifie une surveillance accrue de leur santé thyroïdienne.
La régulation de la production des hormones thyroïdiennes est assurée par l’hypophyse, une glande située à la base du cerveau, qui sécrète la TSH (hormone stimulant la thyroïde). Lorsque le taux de T4 diminue, la TSH augmente pour stimuler la glande thyroïde à produire davantage d’hormones. C’est pourquoi, lors du diagnostic de l’hypothyroïdie chez le chien, le vétérinaire s’appuie sur l’examen clinique et la prise de sang pour mesurer les taux de T4 et de TSH, permettant ainsi de confirmer l’insuffisance thyroïdienne et d’en évaluer la sévérité.
Le traitement de l’hypothyroïdie chez le chien repose sur l’administration d’hormones thyroïdiennes de synthèse, adaptées à chaque animal en fonction de son poids, de ses besoins et de l’évolution de la maladie. Un suivi régulier, incluant des contrôles sanguins pour ajuster la posologie, est indispensable pour garantir l’efficacité du traitement et prévenir les complications. Grâce à une prise en charge appropriée, la majorité des chiens hypothyroïdiens retrouvent une qualité de vie et une espérance de vie comparables à celles des chiens en bonne santé. Il est donc essentiel de consulter un vétérinaire dès l’apparition de signes évocateurs, afin de préserver la santé et le bien-être de l’animal.
Signes cliniques et symptômes
Les symptômes de l’hypothyroïdie sont la conséquence directe du ralentissement métabolique généralisé. Ils sont souvent d’apparition insidieuse et non spécifiques, ce qui peut retarder le diagnostic. Les signes cliniques peuvent être regroupés en plusieurs catégories.
Les manifestations générales et métaboliques sont parmi les plus courantes. On observe chez le chien hypothyroïdien diverses modifications physiologiques et métaboliques, telles qu’une fatigue chronique, une léthargie et une baisse de l’entrain, affectant jusqu’à 48% des chiens. Une prise de poids progressive, survenant sans modification ou augmentation de l’appétit, est un autre signe cardinal, observé chez près de la moitié des patients. L’intolérance au froid, poussant l’animal à rechercher des sources de chaleur, est également caractéristique de cette baisse du thermostat interne.
Les manifestations dermatologiques sont au premier plan et constituent souvent le principal motif de consultation. Elles sont présentes chez 60 à 90% des chiens hypothyroïdiens. L’aspect le plus caractéristique est une alopécie ( perte de poils) typiquement non prurigineuse, bilatéralement symétrique, qui prédomine sur le tronc, les flancs, et le dos de la queue, créant une “queue de rat”. Une alopécie post-tonte, où les poils ne repoussent pas après avoir été coupés, est également très évocatrice. La qualité du pelage se dégrade : il devient sec, terne et cassant. D’autres anomalies cutanées incluent une séborrhée, une hyperpigmentation de la peau, et un épaississement cutané appelé myxœdème. Ce dernier, dû à des dépôts de mucopolysaccharides dans le derme, est particulièrement visible au niveau de la face, conférant une “expression tragique”. Enfin, des pyodermites et des otites externes récurrentes sont fréquentes, résultant d’une altération de la barrière cutanée et de l’immunité locale. La nature spécifique de ces signes cliniques cutanés, notamment le type et la distribution de l’alopécie, est un filtre diagnostique puissant qui doit orienter le clinicien.
Les troubles neuromusculaires sont moins fréquents mais peuvent être la seule manifestation de la maladie. Ils incluent une faiblesse généralisée (polyneuropathie), une démarche instable, et plus rarement, des atteintes des nerfs crâniens comme une paralysie faciale ou un syndrome vestibulaire (tête penchée). Des myopathies peuvent également survenir.
D’autres systèmes peuvent être affectés. Sur le plan cardiovasculaire, une baisse de la fréquence cardiaque (bradycardie) est le signe le plus constant. Des problèmes de reproduction, tels que l’infertilité ou des cycles anormaux, sont décrits mais le lien de causalité direct est parfois débattu. Des atteintes oculaires comme des dépôts de lipides sur la cornée peuvent aussi être observées.
Diagnostic
Le diagnostic de l’hypothyroïdie chez le chien est un processus par étapes qui intègre les données de l’examen clinique, des analyses de laboratoire de routine et des dosages hormonaux spécifiques. Aucune analyse prise isolément n’est suffisante pour poser un diagnostic de certitude.
La démarche débute par une forte suspicion clinique, basée sur des signes cliniques compatibles et des prédispositions raciales. Une prise de sang pour un bilan de santé général révèle souvent des anomalies évocatrices. L’anomalie biochimique la plus fréquente est une hypercholestérolémie à jeun, retrouvée chez environ 75% des chiens hypothyroïdiens. Une hypertriglycéridémie est aussi courante. Sur le plan hématologique, une anémie légère à modérée, normocytaire, normochrome et non régénérative, est présente dans environ un tiers des cas.
Si la suspicion est forte, l’étape suivante est le dosage des hormones thyroïdiennes.
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Dosage de la T4 totale (TT4) : Il s’agit du test de dépistage initial. Un taux de T4 situé dans la moitié supérieure de l’intervalle de référence permet d’exclure l’hypothyroïdie avec une grande fiabilité. Cependant, un taux de T4 bas n’est pas diagnostique. De nombreuses conditions non thyroïdiennes (maladies systémiques, infections, traumatismes), regroupées sous le terme de “syndrome de l’euthyroïdien malade” (NTIS), ainsi que de nombreux médicaments (ex: corticoïdes, phénobarbital) peuvent entraîner une diminution de la TT4 chez un chien dont la thyroïde est saine.
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Dosages de confirmation (fT4 et TSH) : Lorsque la TT4 est basse ou dans la zone grise, des tests de confirmation sont impératifs.
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Le dosage de la T4 libre par dialyse à l’équilibre (t4 libre) mesure la fraction biologiquement active de l’hormone, qui est moins influencée par les facteurs confondants. Une fT4ed basse renforce la suspicion.
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Le dosage de la TSH canine endogène évalue la réponse de l’hypophyse. Dans une hypothyroïdie primaire, la baisse des hormones thyroïdiennes lève le rétrocontrôle négatif, entraînant une augmentation de la sécrétion de TSH.
L’interprétation combinée de ces tests est la clé du diagnostic. Le tableau classique et diagnostique de l’hypothyroïdie primaire est l’association d’une TT4/fT4 basse et d’une TSH élevée. Toutefois, un défi majeur réside dans le fait que 20 à 40% des chiens hypothyroïdiens présentent un niveau de TSH dans les limites de la normale. Dans ces cas ambigus (TT4/fT4 basses, TSH normale), il est crucial de différencier une véritable hypothyroïdie d’un NTIS sévère. La recherche rigoureuse d’une autre maladie concomitante est alors prioritaire. Le dosage des auto-anticorps anti-thyroglobuline (TgAA) peut aider : un résultat positif confirme une thyroïdite auto-immune sous-jacente et augmente la probabilité d’une hypothyroïdie vraie, présente ou future.
La complexité de l’interprétation a fait évoluer le défi diagnostique. Autrefois limité par la disponibilité des tests, le défi est aujourd’hui cognitif : il s’agit d’interpréter correctement un panel de résultats dans un contexte clinique parfois complexe, en évitant le piège du surdiagnostic.
Hypothyroïdie chez le chien : Traitement et gestion
Le traitement de l’hypothyroïdie chez le chien repose sur une hormonothérapie substitutive qui doit être maintenue durant toute la vie de l’animal. Il existe plusieurs traitements et options thérapeutiques, principalement basés sur l’administration d’une hormone thyroïdienne de synthèse, la lévothyroxine sodique (L-T4), administrée par voie orale.
Le protocole thérapeutique débute par une dose d’attaque, généralement fixée à 0.02 mg/kg, administrée deux fois par jour. Cette administration biquotidienne est initialement préférée pour assurer des concentrations hormonales plus stables dans le sang, bien qu’une administration uniquotidienne (SID) puisse également être efficace et suffisante pour de nombreux chiens après la stabilisation du traitement. La biodisponibilité de la lévothyroxine étant affectée par la nourriture, il est crucial d’établir une routine d’administration constante par rapport aux repas, soit à jeun, soit avec l’aliment, afin de garantir une absorption régulière.
Le suivi thérapeutique est une étape fondamentale de la gestion. Le premier contrôle sanguin est réalisé environ quatre semaines après l’instauration du traitement. Le moment de la prise de sang est critique : elle doit être effectuée 4 à 6 heures après la prise du comprimé (“pic post-pilule”) pour évaluer le pic de concentration de l’hormone. L’objectif est d’atteindre un taux de T4 totale se situant dans la moitié supérieure de l’intervalle de référence du laboratoire, voire légèrement au-dessus. La gestion thérapeutique est un équilibre subtil entre les valeurs de laboratoire et la réponse clinique du patient. L’objectif n’est pas d’atteindre un chiffre parfait, mais d’observer une résolution des signes cliniques (regain d’énergie, perte de poids, amélioration cutanée) sans induire de signes de surdosage (thyrotoxicose), tels que de la nervosité, une polyurie-polydipsie ou une tachycardie.
La posologie est ajustée par paliers en fonction des résultats du suivi et de l’évolution clinique du chien. Une fois l’animal stabilisé, un contrôle est recommandé tous les 6 à 12 mois. Les échecs thérapeutiques sont le plus souvent liés à un problème d’observance du propriétaire ou à un diagnostic initial erroné. Il est donc impératif de travailler en étroite collaboration avec le propriétaire, en l’éduquant sur l’importance capitale de la régularité du traitement et des suivis pour le bien-être de son compagnon.
Complications et pronostic
Si l’hypothyroïdie n’est pas traitée, l’état du chien se dégrade progressivement, menant à des complications potentiellement graves. Le ralentissement continu du métabolisme affecte tous les organes. Les problèmes cardiovasculaires peuvent s’aggraver, notamment avec le développement d’athérosclérose due à l’hyperlipidémie chronique. Les troubles neurologiques peuvent devenir sévèrement invalidants.
La complication la plus redoutable, bien que rare, est le myxœdème coma. Il s’agit d’une décompensation métabolique aiguë qui constitue une urgence vitale. Cet état se caractérise par une dépression mentale profonde pouvant aller jusqu’au coma, une hypothermie sévère (sans frissons), une bradycardie marquée et une hypotension. Le pronostic du myxœdème coma est réservé, même avec une prise en charge intensive en soins intensifs, incluant un réchauffement progressif, une fluidothérapie et l’administration de lévothyroxine par voie intraveineuse.
En revanche, pour un chien correctement diagnostiqué et traité, le pronostic est excellent. L’hypothyroïdie est une maladie chronique qui se gère très bien avec une hormonothérapie substitutive à vie. La majorité des symptômes sont réversibles : une amélioration de l’état général et de la fatigue est souvent visible en quelques semaines, tandis que la repousse des poils et la résolution complète des signes dermatologiques peuvent prendre plusieurs mois. L’espérance de vie d’un chien hypothyroïdien sous traitement n’est pas affectée par la maladie.
Prévention et suivi
Il n’existe actuellement aucun moyen de prévenir la cause fondamentale de l’hypothyroïdie acquise la plus commune, à savoir la destruction auto immune de la glande thyroïde (thyroïdite lymphocytaire) ou son atrophie idiopathique. La prévention ne peut donc s’envisager qu’à l’échelle des populations canines, par le biais de stratégies d’élevage responsables. Dans les races à risque identifiées, comme le Doberman, le Golden Retriever ou le Setter Irlandais, le dépistage des reproducteurs est une approche pertinente. Ce dépistage peut inclure des tests de la fonction thyroïdienne et la recherche d’auto-anticorps anti-thyroglobuline (TgAA) pour identifier les animaux atteints de thyroïdite subclinique avant qu’ils ne développent des signes cliniques et ne transmettent leur prédisposition génétique.
Une fois le diagnostic posé, un suivi vétérinaire rigoureux et régulier est la pierre angulaire de la gestion à long terme. Ce suivi, généralement programmé tous les 6 à 12 mois pour un chien stable, est indispensable durant toute la vie de l’animal. Il a pour objectifs de vérifier l’efficacité du traitement par un contrôle des hormones thyroïdiennes, d’ajuster la posologie si les besoins du chien évoluent avec l’âge ou l’apparition d’autres pathologies, et de s’assurer de la bonne observance du traitement par le propriétaire. Parallèlement, le maintien d’un régime alimentaire équilibré et d’une activité physique adaptée contribue à la santé globale du chien et l’aide à gérer la maladie de manière optimale. La surveillance attentive des signes cliniques par le propriétaire permet de détecter précocement toute modification nécessitant une réévaluation vétérinaire.
Espérance de vie et bien-être
L’hypothyroïdie non traitée a un impact profondément négatif sur la qualité de vie et le bien-être du chien. La maladie transforme progressivement un animal actif et alerte en un compagnon léthargique, en surpoids, frileux et souvent affligé de problèmes de peau chroniques et inconfortables. Le ralentissement général du métabolisme affecte son comportement, son apparence et sa capacité à interagir normalement avec son environnement et sa famille.
Heureusement, l’instauration d’un traitement approprié change radicalement la donne. Avec une supplémentation en hormone thyroïdienne et un suivi régulier, la majorité des chiens hypothyroïdiens peuvent retrouver une excellente qualité de vie, tout à fait comparable à celle d’un chien en bonne santé. La fatigue et l’apathie disparaissent, le poids se normalise, et les poils repoussent, redonnant à l’animal son apparence et sa vitalité d’antan. L’espérance de vie n’est pas diminuée, et ces chiens peuvent mener une vie normale et heureuse.
La clé du succès réside dans une collaboration étroite et continue entre le vétérinaire et le propriétaire. L’éducation de ce dernier sur la nature chronique de la maladie et sur l’importance capitale d’une administration rigoureuse et quotidienne du traitement est fondamentale. Le suivi régulier permet d’ajuster la thérapie pour qu’elle reste efficace tout au long de la vie du chien, garantissant ainsi son bien-être à long terme.
Conclusion
L’hypothyroïdie canine est une endocrinopathie fréquente, résultant principalement d’une destruction d’origine auto-immune de la glande thyroïde. Son tableau clinique, dominé par un ralentissement du métabolisme et des manifestations dermatologiques, est souvent pléomorphe et non spécifique. Cette particularité, couplée à l’existence de nombreux facteurs confondants comme le syndrome de l’euthyroïdien malade, rend son diagnostic particulièrement délicat et explique pourquoi elle est souvent surdiagnostiquée. Une démarche diagnostique rigoureuse, combinant une forte suspicion clinique, des tests de dépistage (TT4) et des tests de confirmation (fT4 par dialyse, TSH), est donc impérative. Une fois le diagnostic correctement établi, le traitement par hormonothérapie substitutive à base de lévothyroxine est simple, très efficace et généralement peu coûteux. Avec un suivi régulier et une bonne observance, le pronostic est excellent, permettant aux chiens atteints de retrouver une qualité et une espérance de vie normales.
Malgré les avancées, plusieurs domaines justifient des recherches futures pour affiner notre compréhension et notre prise en charge de l’hypothyroïdie chez le chien.
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Génétique et Immunologie : Les études d’association pangénomique (GWAS) ont identifié un locus de risque majeur sur le chromosome 12 canin (CFA12), mais l’exploration d’autres gènes et voies métaboliques est nécessaire pour déchiffrer entièrement la base génétique complexe de la thyroïdite. Une caractérisation plus fine des sous-populations de lymphocytes T et des profils de cytokines impliqués dans la pathogénie de la maladie auto-immune chez le chien est également une piste prometteuse.
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Diagnostic : Le développement de biomarqueurs plus fiables pour différencier une hypothyroïdie débutante du syndrome de l’euthyroïdien malade reste un objectif majeur. L’application d’algorithmes d’intelligence artificielle pour créer des modèles prédictifs intégrant l’ensemble des données cliniques et biologiques pourrait révolutionner l’approche diagnostique en fournissant une probabilité de maladie plus objective.
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Pathophysiologie : Des recherches fondamentales sont encore nécessaires pour élucider la pathogenèse de l’atrophie folliculaire idiopathique et confirmer son lien avec la thyroïdite, ainsi que pour mieux comprendre les mécanismes moléculaires précis du syndrome de l’euthyroïdien malade chez le chien.
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Thérapeutique : L’évaluation scientifique rigoureuse de l’efficacité et de l’innocuité de thérapies adjuvantes, comme les nutraceutiques (sélénium, zinc), pourrait offrir de nouvelles options pour optimiser la gestion des patients, un domaine où les preuves actuelles sont largement anecdotiques.
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