Un chien Akita Inu, mâle castré de 3 ans, est présenté en urgence à la consultation de dermatologie pour une dermatose peu prurigineuse apparue 10 jours auparavant et s’étant aggravée ces cinq derniers jours.
Arnaud MULLER – Éric GUAGUERE
Clinique Vétérinaire Saint-Bernard. 598, avenue de Dunkerque F-59160 Lomme
Spécialistes en Dermatologie, Dip ECVD, CES Dermatologie Vétérinaire
Juillet 2023
Photo 0 : le chien en hospitalisation
Un syndrome uvéo-dermatologique a été diagnostiqué il y a un an (uvéite) et a justifié un traitement corticoïde local permanent (Flucon collyre) et des prises orales en cures répétées de prednisolone. De nouvelles lésions érosives labiales ont amené le vétérinaire traitant à pratiquer des biopsies cutanées 20 jours avant ce jour et à prescrire de l’amoxicilline-acide clavulanique pour 3 semaines (encore en cours au moment de la consultation de dermatologie).
Examen Clinique
Il montre un chien présentant un état général altéré, hyperthermique à 39,5°C, amorphe et atteint effectivement d’une dermatose peu prurigineuse (prurit évalué à 3/10 sur une échelle visuelle analogique), centrée sur le tronc, les pavillons auriculaires et les membres, caractérisée par des lésions ecchymotiques, initialement d’aspect punctiforme puis s’étant réunies en nappes, au départ planes et ayant pris secondairement du relief. La vitropression ne fait pas disparaitre les lésions. Sur la face interne des pavillons auriculaires, ces lésions forment de véritables bulles hémorragiques. Accompagnant les lésions cutanées sur les membres postérieurs, un gonflement de ces derniers est également responsable de difficultés à se déplacer.
Photos 1 à 3 : Lésions cutanées ecchymotiques sur le ventre, les membres et le tronc
Photo 4 : bulles hémorragiques en face interne des pavillons auriculaires
Hypothèses diagnostiques
L’aspect clinique et la cinétique d’apparition évoque en premier lieu l’hypothèse diagnostique de vascularite, dont la première cause à envisager ici est celle d’une toxidermie à l’amoxicilline-acide clavulanique, même si d’autres causes (infectieuses, dysimmunitaires ou tumorales) ne peuvent être écartées.
Examens Complémentaires
Compte tenu de l’état général altéré et de la rapidité d’évolution des lésions cutanées (extension sur la journée et aspect plus violacé de la peau), le chien est hospitalisé et des examens complémentaires sont alors réalisés :
– les raclages et le trichogramme sont négatifs (demodex, sarcoptes, dermatophytes)
– les temps de coagulation sont dans les valeurs usuelles
– le bilan hémato-biochimique montre uniquement une leucocytose modérée (22.109/L) par neutrophilie et une élévation significative de la CRP (43,2 mg/l, valeurs usuelles : 0-10)
– l’examen cytologique de lésions fermées révèle essentiellement des granulocytes neutrophiles altérés, sans envahissement bactérien, contrairement aux lésions ouvertes (nombreux cocci)
– la culture bactérienne sur les lésions ouvertes surinfectées confirme la présence de colonies de Staphylococcus aureus, multirésistant mais sensible aux fluoroquinolones
– cinq biopsies cutanées (LAPVSO) mettent en évidence un tableau de vascularite/vasculopathie urticarienne : dermatite péri-vasculaire superficielle œdémateuse d’intensité marquée, caractérisée par un infiltrat péri-vasculaire et angiocentré riche en éosinophiles, en mastocytes et en lymphocytes, sans détection d’éléments figurés.
Photos 5 à 7 : Infiltrat dermique superficiel, angiocentré et souvent pariétal, riche en éosinophiles, mastocytes et lymphocytes, montrant par endroits un épaississement de la paroi des petits vaisseaux avec des cellules endothéliales turgescentes (LAPVSO, HE X100, 200 et 400)
Diagnostic
Les résultats des examens complémentaires et l’ensemble des critères anamnestiques et cliniques permettent de privilégier le diagnostic de toxidermie sous forme d’une vascularite urticarienne.
Une démarche d’imputabilité est effectuée en collaboration avec le CNITV de Nantes et classe l’implication de l’amoxicilline-acide clavulanique comme probable : compatibilité de la classe médicamenteuse, du délai d’apparition, des symptômes cutanés et des lésions histopathologiques.
Remerciements
A Frédérique DEGORCE-RUBIALES du LAPVSO pour la lecture et les photos des lames histopathologiques.