Un chien Berger Belge Malinois femelle stérilisée de 2,5 ans est présentée en consultation spécialisée pour des lésions cutanées évoluant depuis 3 mois, répondant modérément à des traitements à base d’antibiotiques (molécule non renseignée) et anti-inflammatoires (prednisolone 0.15mg/kg).
Thomas Brement
DMV, Dip.ECVD , Vet’Dermathome, Clinique Vétérinaire TouraineVet
Octobre 2023
Commémoratif/Anamnèse
Les lésions sont apparues initialement sur les pavillons auriculaires et le chanfrein avec une extension progressive sur le pourtour des yeux puis le reste du corps et les membres, en particulier les coudes. La chienne vit en maison avec jardin avec accès libre à l’extérieur, mange une alimentation sèche à base de protéines de saumon ou agneau et est par ailleurs traitée contre les parasites externes avec une spécialité de fluralaner et vermifugée tous les 6 mois (molécule non renseignée).
Examen clinique et diagnostic différentiel
L’examen clinique général ne révèle aucune anomalie. Le bilan de l’examen dermatologique est une dermatose chronique non à très modérément prurigineuse symétrique et multifocale intéressant les pavillons auriculaires (face interne et bords), le chanfrein, le pourtour des yeux, les faces latérales des coudes et jarrets caractérisée par des papules et plaques érythémateuses, squameuses voire croûteuses exophytiques (hyperkératose). (cf. photo 1 à 3).
Photos 1 à 3 : état clinique lors de la consultation initiale : notez la présence de papules et plaques érythémateuses, squameuses et hyperkératotiques sur les pavillons auriculaires, chanfrein et pourtour des yeux.
Le diagnostic différentiel inclut en priorité une dermatose lichénoïde (psoriasiforme), une dermatose à médiation immune (pemphigus foliacé, érythème polymorphe hyperkératotique), une papillomatose ou un trouble de la kératinisation primaire. Une dermatophytose est à exclure.
Examens complémentaires et diagnostic
Aucun élément figuré n’est observé aux raclages cutanés. La cytologie cutanée montre la présence de très nombreux polynucléaires neutrophiles sains et dégénérés, macrophages dont mélanophages en quantité modérée, très rares bactéries de type cocci sans image de phagocytose et une parakératose sévère des cornéocytes.
La culture fongique est négative. Des biopsies cutanées pour analyse histopathologique sont donc réalisées et examinées en coloration standard et APS.
Cette dernière montre de multiples foyers de dermatite hyperplasique parakératotique lichénoïde mixte (à base de lymphocytes, de plasmocytes, d’histiocytes et de quelques granulocytes neutrophiles et mastocytes) discrètement d’interface (exocytose lymphocytaire discrète à modérée dans les couches basales de l’épiderme associée à quelques images de dégénérescence hydropique, plus rarement d’apoptose) recouverts de croûtes adhérentes en plaques ou en colonnes. L’aspect histopathologique est compatible avec l’hypothèse d’une dermatite lichénoïde idiopathique / kératose lichénoïde, moins probablement d’une dermatite lichénoïde psoriasiforme (cf. photos 4 et 5).
Photos 4 et 5 : aspect histopathologique des lésions : notez l’hyperplasie épidermique sévère recouverte de croûtes adhérentes en plaques ou en colonnes (photo 4) et la discrète dermatite d’interface (apoptose focale des kératinocytes de la couche basale de l’épiderme ; photo 5)
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Crédits photos :
- Photos cliniques : Thomas Brément
- Photos histopathologiques : LAPVSO