Les urticaires ne sont pas si rares chez le chien ; la tendance « habituelle » est de les attribuer à des piqûres d’insectes ou d’hyménoptères. Pourtant cette présentation clinique mérite le plus souvent d’être replacée dans le contexte plus large d’un terrain atopique au sens large, incluant les allergies alimentaires, comme illustré dans ce cas clinique.
Emmanuel Bensignor
Docteur vétérinaire, Professeur associé Oniris, Spécialiste en dermatologie
Dip ECVD, DESV Dermatologie
Un chien Bouledogue, femelle stérilisée âgée de 8 ans, est référée pour l’exploration d’une urticaire chronique évoluant depuis plusieurs semaines.
La chienne vit en maison avec accès à un jardin, sans congénère ; elle est régulièrement traitée contre les puces et alimentée avec des croquettes de bonne qualité. Elle a depuis plusieurs années tendance à faire, surtout au printemps, des crises de prurit avec apparition d’érythème et de papules, facilement gérées par l’administation de traitements corticoïdes et/ou d’oclacitinib. Elle a fait deux épisodes précédents d’urticaire, améliorés avec l’administration d’antihistaminiques, mais le troisième épisode (qui date depuis 3 semaines) s’est accompagné de symptômes digestifs et d’un abattement, ce qui a motivé la consultation spécialisée.
L’examen clinique montre un chien en bon état général. Les lésions cutanées sont caractérisées par la présence de plaques en relief, nombreuses, généralisées, sur un fond érythémato-papuleux au niveau des grands plis (photo 1). Une diarrhée sanglante est rapportée.
Photo 1 : Aspect caractéristique des lésions urticariennes : plaques ortiées disséminées
Le prurit est côté à 7/10 sur une échelle VLAS. La présentation clinique est typique d’une urticaire. Des calques sont réalisés par précaution sur les ars; ils montrent une prolifération modérée de coccis.
Un traitement symptomatique avec de l’oclacitinib est mis en place pendant quelques jours, en association avec un traitement topique antiseptique à la chlorhexidine, et surtout un régime hypoallergénique est décidé avec Purina PROPLAN VETERINARY DIETS HypoAllergenic HA (croquettes à base d’hydrolysats de soja). Après un mois, une disparition presque complète des lésions est observée (photo 2).
Photo 2 : Aspect après un mois de régime d’éviction avec Purina PROPLAN VETERINARY DIETS HypoAllergenic HA
Le prurit est presque nul (côté à 2/10). Les selles sont normales. Le régime est poursuivi un mois de plus, et à la visite de contrôle le chien est complètement asymptomatique (absence de lésion, prurit à 1/10). Le propriétaire n’a pas accepté de réaliser de réintroductions alimentaires car il est très satisfait de l’aliment et après 2 mois aucune rechute n’est rapportée.
Les urticaires consistent en des éruptions cutanées constituées de papules oedémateuses et de plaques ortiées, localisées ou généralisées. La palpation est caractéristique car les lésions sont dépressives du fait de l’œdème. La taille est variable, de quelques millimètres à plusieurs centimètres. Chez les chiens à poils courts, il est facile de faire le diagnostic (poil légèrement surélevé) ; chez les chiens à poils longs, les lésions peuvent facilement passer inaperçues. L’érythème est variable, souvent difficile à apprécier sur les peaux pigmentées. L’examen histopathologique n’est que rarement indiqué, car l’aspect clinique est typique (il faut toutefois faire le diagnostic différentiel avec une folliculite, une vascularite, un érythème polymorphe voire une tumeur- mastocytome); lorsqu’il est réalisé, il permet de mettre en évidence de nombreux mastocytes dont l’activation (spécifique en présence d’un allergène ou non spécifique) puis la dégranulation est responsable de l’apparition des lésions. Les causes d’urticaire sont très variées (chez l’homme l’urticaire chronique est un challenge diagnostique, alors que chez le chien les hypersensibilités dominent) (tableau). Dans une étude prospective suisse assez récente portant sur 24 cas*, les piqûres d’insectes et les réactions à un aliment étaient très largement majoritaires (respectivement 10/24 et 11/24 cas). Notons que dans cette étude 11 chiens sur 24 étaient atopiques.
Pour notre chien, une allergie alimentaire est très probable; en effet la mise en place du régime d’éviction avec un aliment hydrolysé a permis une stabilisation puis une disparition des lésions, sans rechute après plusieurs mois. Il est donc important en cas d’épisodes récurrents d’urticaire chez un chien, sans cause identifiable évidente, de réaliser une démarche allergologique classique, qui passe nécessairement par l’éviction des trophallergènes (rappelons ici qu’aucun test diagnostique sanguin n’est valable ni validé chez les carnivores domestiques dans cette indication).
Une thérapeutique symptomatique peut être nécessaire initialement. Les antihistaminiques sont le traitement de choix, mais ils sont lents à agir. Les corticoïdes peuvent être indiqués pour les cas sévères et/ou en cas de risque d’anaphylaxie ou en présence d’un œdème de Quincke. L’oclacitinib, un inhibiteur des janus kinases, a été utile dans notre cas mais il faudra des études contrôlées pour valider son efficacité dans le futur.
* Rostaher A et al. Triggers, risk factors and clinico-pathological features of urticaria in dogs- a prospective observationnal study of 24 cases. Vet Dermatol, 2016 ; 28 : 38-e9.
Tableau 1: principales causes d’urticaire chez le chien
Aliments
Terrain atopique
Médicaments
Topiques, notamment shampooings
Vaccins
Piqûres d’insectes, morsures d’araignées
Poils de chenilles processionnaires
Réaction de contact (plantes)
Parasites intestinaux
Froid ou chaleur
Vasculite