Un chat européen mâle castré de 6 ans est présenté au centre hospitalier pour une diarrhée mixte avec hématochézie et vomissements chroniques évoluant depuis 4 mois. Le chat a été régulièrement suivi et ses vaccins sont à jour.
Paul REMMEL, DMV, Assistant hospitalier en Médecine interne – Gastroentérologie.
Valérie FREICHE, DMV, PhD, Spécialiste en Médecine interne (DESV-MI).
Centre Hospitalier Universitaire Vétérinaire d’Alfort (CHUVA)-ENVA
École nationale vétérinaire d’Alfort, 7 avenue du Général de Gaulle, 94704 Maisons-Alfort
Présentation de l’animal
Depuis 4 mois, le chat souffre de diarrhées qui répondent transitoirement aux traitements antibiotiques, symptomatiques et anti-inflammatoire (corticoïdes). Depuis 1 mois, s’ajoutent également des vomissements sporadiques. La propriétaire rapporte un prurit cervical.
Différents essais alimentaires ont été tentés, notamment avec Hill’s z/d et Specific FDD-HY Food Allergen Management.
Examen clinique de l’animal
A l’examen, l’état général de l’animal est bon (note d’état corporel NEC de 6/9), la palpation abdominale normale (anses digestives souples, palpation homogène et absence de masse abdominale).
Les bilans sanguin (y compris B12 circulante) et urinaire ne révèlent pas d’anomalie. Une coproscopie sur 3 jours est négative.
Un examen échographique révèle une adénopathie jéjunale isolée et nette de 7 mm, dont l’analyse cytologique ne révèle pas de cellule tumorale.
A ce stade une origine extradigestive, parasitaire ou infectieuse semble peu probable, surtout chez un animal en bon état général, sans anomalie décelable à l’examen clinique. On propose donc un régime d’éviction avec un aliment hypoallergénique.
Prise en charge thérapeutique et suivi :
Mise en place d’une nouvelle alimentation hypoallergénique.
Les précédents aliments testés comprenant des protéines hydrolysées d’origine animale (saumon, poulet), on propose donc une solution alimentaire différente, formulée avec une source unique de protéines végétales, un hydrolysat de protéine de soja de bas poids moléculaire (PURINA PRO PLAN VETERINARY DIETS HypoAllergenic HA).
On recommande un strict respect du régime après une transition alimentaire de 5 jours, avec l’arrêt total des à-côtés alimentaires ; une amélioration étant attendue rapidement et un suivi planifié sur 3 mois.
On complète le traitement avec des pansements digestifs (Diosmectite, au besoin) et un probiotique (FortiFlora ND pendant 1 mois, administré à distance du précédent).
Suivi :
Au cours des visites de suivi, l’examen clinique du chat est normal.
La propriétaire rapporte une nette amélioration de la fonction digestive dès 2 semaines après l’introduction du nouvel aliment (voir graphique) avec dissipation de l’hématochézie, normalisation de la fréquence de défécation et meilleure consistance fécale qui atteint un optimum en 8 semaines ; le chat présentant alors un score fécal de 2 sur une échelle de 1 (selles sèches souvent associées à une constipation) à 7 (selles liquides).
Les vomissements se réduisent après 2 semaines pour disparaitre complètement après 10 semaines. L’odeur fécale très marquée se réduit en un mois.
Les troubles cutanés associés au prurit cervical modéré disparaissent après un mois de régime d’éviction et la densité du poil s’améliore. Ensuite, une erreur alimentaire pendant le suivi fait récidiver les signes cutanés et confirment le diagnostic de trouble de la tolérance.
L’appétit du chat est stimulé et l’appétence de la ration est décrite comme excellente par le propriétaire. Le poids et la NEC augmentent.
Dans ce cas clinique, la réalisation trop précoce d’investigations plus invasives aurait conduit à des biopsies digestives qui, dans ce contexte, auraient sans doute simplement rapporté un état inflammatoire lymphoplasmocytaire non spécifique. Cela illustre l’importance d’une démarche standardisée dans l’exploration des troubles digestifs chroniques. Un suivi échographique de l’adénomégalie jéjunale reste recommandé avec éventuellement de nouvelles cytoponctions si les anomalies persistaient.
Discussion
Ce cas clinique concerne un animal jeune, en bon état général, présentant à la fois des troubles digestifs et cutanées modérés. Cela privilégie, au vu des résultats des examens complémentaires, l’hypothèse d’un trouble de la tolérance alimentaire. Ces derniers regroupent un ensemble de mécanismes physiopathologiques (allergie ou intolérance), indiscernables cliniquement (Verlinden et al., 2006).
Leur prévalence varie selon les études mais peut atteindre les 17% chez les chats présentant des signes cutanés ou digestifs (Guilford et al., 1998) et 49% chez ceux présentant des signes digestifs chroniques (après exclusion des formes néoplasiques, infectieuses et extra digestives) (Guilford et al., 2001).
Le tableau clinique décrit dans notre cas est le plus fréquent. Des vomissements sont présents dans un cas sur deux et généralement modérés (Guilford et al., 2001). La prévalence de la diarrhée varie mais peut atteindre les 80% lors d’une comparaison d’entéropathies chroniques félines (Gianella et al., 2017). L’hématochézie n’est pas rare avec des signes d’atteinte colique dans la moitié des cas de diarrhée (Guilford et al., 2001). En revanche, une perte de poids est souvent notée (70%) et n’est pas observée ici (Guilford et al., 2001). Aucun signe clinique ou paraclinique ne permet de différencier les entéropathies répondant à un changement alimentaire des formes idiopathiques ou néoplasiques (Guilford et al., 2001). Néanmoins, la concomitance de signes cutanés, gastro-intestinaux et l’absence de fonte musculaire sont évocateurs (Wills and Harvey, 1994).
Ce cas est assez original par l’âge de présentation et le délai de réponse. En effet, la population de chat atteints de trouble de la tolérance alimentaire est significativement plus jeune que celle atteinte de MICI ou de lymphome digestif de bas grade (Gianella et al., 2017; Wills and Harvey, 1994) et une amélioration des signes cliniques est attendue quelques jours après le changement alimentaire (Guilford et al., 2001). Cependant, des études plus récentes rapportent une médiane d’âge de présentation à 5 ans avec une échelle allant de 6 mois à 14 ans (Guilford et al., 2001) et certains cas peuvent nécessiter 1 à 2 semaines avant de montrer une amélioration et jusqu’à 9 semaines avant de montrer une réponse satisfaisante (Wills and Harvey, 1994).
L’absence de réponse à des premiers changements diététiques ne semble pas exclure un trouble de la tolérance. Cette observation est corroborée par des cas isolés (Gianella et al., 2017) et peut s’expliquer par le fait que 50% des chats atteints sont sensibilisés à plusieurs ingrédients (Guilford et al., 2001).
Ainsi, après exclusion des formes extradigestives ou néoplasiques de gastroentéropathie, lorsqu’un trouble de la tolérance reste possible, plusieurs essais peuvent être indiqués. L’aliment PRO PLAN Hypoallergenic HA présente l’avantage d’être formulé avec un hydrolysat de protéine de soja de bas poids moléculaire associé à des sources de glucides purifiées plutôt que sur des hydrolysats de protéines animales diverses auxquelles le patient peut être déjà sensibilisé.
L’appétence de l’aliment a été évaluée comme excellente. L’amélioration des signes cliniques a été très progressive avec une amélioration notable mais modérée après 2 semaines et complète après 6 – 8 semaines. La prise de poids a conduit à une diminution des rations recommandées.
Conclusion
Les entéropathies répondant aux changements alimentaires sont des troubles fréquents et affectent majoritairement les individus jeunes. Ils ont de plus en plus décrits dans la littérature. Ainsi, la nouvelle classification des entéropathies, qui repose sur la réponse thérapeutique, présente comme première étape de la démarche la recherche de troubles de la tolérance alimentaire. Ici, le tableau clinique n’est pas caractéristique mais la concomitance de signes digestifs modérés et de troubles cutanés est évocatrice. Le diagnostic repose sur un régime d’éviction hypoallergénique et peut nécessiter plusieurs essais. Ce cas illustre l’efficacité de l’aliment Purina ProPlan Veterinary Diets Hypoallergenic HA dans le diagnostic et la prise en charge d’un cas réfractaire.
Bibliographie
Gianella, P., Pietra, M., Crisi, P.E., Famigli Bergamini, P., Fracassi, F., Morini, M., Boari, A., 2017. Evaluation of clinicopathological features in cats with chronic gastrointestinal signs. Pol J Vet Sci 20, 403–410. https://doi.org/10.1515/pjvs-2017-0052
Guilford, W.G., Jones, B.R., Markwell, P.J., Arthur, D.G., Collett, M.G., Harte, J.G., 2001. Food sensitivity in cats with chronic idiopathic gastrointestinal problems. J Vet Intern Med 15, 7–13. https://doi.org/10.1892/0891-6640(2001)015<0007:fsicwc>2.3.co;2
Guilford, W.G., Markwell, P.J., Jones, B.R., Harte, J.G., Wills, J.M., 1998. Prevalence and causes of food sensitivity in cats with chronic pruritus, vomiting or diarrhea. J Nutr 128, 2790S-2791S. https://doi.org/10.1093/jn/128.12.2790S
Verlinden, A., Hesta, M., Millet, S., Janssens, G.P.J., 2006. Food allergy in dogs and cats: a review. Crit Rev Food Sci Nutr 46, 259–273. https://doi.org/10.1080/10408390591001117
Wills, J., Harvey, R., 1994. Diagnosis and management of food allergy and intolerance in dogs and cats. Aust Vet J 71, 322–326. https://doi.org/10.1111/j.1751-0813.1994.tb00907.x