Simba, chien Boxer croisé, mâle castré de 10 ans, pesant 25,7 kilogrammes, consulte pour des suintements nauséabonds, associés à un prurit, localisés sur une masse cutanée présente depuis plusieurs années
Maria Dolores Sanchez
Oniris
Anamnèse
Le chien vit en maison, sans congénère. Il est régulièrement vacciné, alimenté avec des croquettes de supermarché, vermifugé 3 fois par an, et il n’est pas traité contre les parasites externes.
L’état général est bon, les propriétaires rapportent parfois des épisodes de boiterie après des promenades, sans doute liés à un début d’arthrose.
La masse est apparue en 2015 et a initialement peu évolué, ce qui n’a pas inquiété les propriétaires. Lors d’une consultation chez le vétérinaire, une cytoponction avait mis en évidence de nombreux mastocytes, évoquant un mastocytome. Un bilan d’extension n’avait pas permis de noter d’anomalie, et les propriétaires avaient refusé la chirurgie d’exérèse, de peur d’une dégranulation mastocytaire et avaient préféré opter pour une simple surveillance.
Depuis quelques semaines la masse a brutalement augmenté de volume, provoquant un prurit (surtout caractérisé par du léchage), puis des suintements malodorants sont apparus récemment justifiant la consultation au service de dermatologie.
Examen clinique
L’examen général est dans les normes, hormis une hyperthermie modérée (39°4) et une polypnée (50 RPM) attribuées au stress de la visite.
L’examen dermatologique montre la présence d’une masse localisée au niveau du sternum, d’une taille assez importante (8×10 centimètres de diamètre), très érythémateuse, dépilée, par endroits ulcérée et suintante (photos n°1 et n°2). Une autre masse, plus petite (6×5 centimètres de diamètre), sans dépilation ni ulcération, est également notée plus dorsalement.
Photo1 aspect de la lésion lors de la visite initiale
Photo 2 vue latérale de la lésion lors de la visite d’inclusion
Le prurit est sévère, rapporté comme « très intense et fréquent », avec du léchage et des frottements.
Une pulicose est associée, avec mise en évidence de déjections de puces au brossage.
Hypothèses diagnostiques
La principale hypothèse est un mastocytome, au vu des données anamnestiques. Une autre tumeur peut également être envisagée, moins probablement. Une superinfection bactérienne est également fortement suspectée au vu des suintements.
Examens complémentaires
Des calques cutanés par impression sont réalisés et mettent en évidence des bactéries coccoïdes, des hématies, de la fibrine, de rares polynucléaires neutrophiles, et des mastocytes.
Une cytoponction à l’aiguille fine de la masse ulcérée met en évidence de très nombreux mastocytes, avec des figures de mitose nombreuses et des polynucléaires éosinophiles (photo n°3).
Une cytoponction du plus petit nodule en revanche ne montre que des amas jointifs de cellules globuleuses, chargées de lipides avec des petits noyaux périphériques.
Une échographie abdominale ne montre pas d’élément suspect et une cytoponction de la rate est réalisée, sans anomalie.
Diagnostic
Mastocytome cutané ulcéré associé à une tumeur adipeuse.
Grading
La tumeur est gradée cytologiquement, en utilisant le système proposé par Kiupel (1) qui utilise des critères s’intéressant à la granulosité, le pléomorphisme, le nombre de mitose, l’anisocaryose, etc… (voir le détail figure 1).
Plan thérapeutique
Les options thérapeutiques sont discutées avec le propriétaire : sont proposés une exérèse chirurgicale large de la masse, associée à une chimiothérapie et/ou une radiothérapie, ou à défaut un traitement anticancéreux par voie orale avec le masitinib ou un traitement anticancéreux par injection intralésionnelle de tiglate de tigilanol.
Malheureusement, pour des raisons financières, toutes ces options sont refusées et seul un traitement symptomatique palliatif est accepté.
Prise en charge thérapeutique
Par voie systémique, une corticothérapie orale avec la prednisolone à la dose de 1 mg/kg/j en une prise unique le matin est mise en place, en association avec un traitement antihistaminique anti-H1 (association d’hydroxyzine et de chlorphéniramine) et avec un traitement anti-H2 (cimétidine 4 mg/kg trois fois par jour) pour diminuer les risques liés à une potentielle dégranulation mastocytaire.
Localement, une désinfection biquotidienne est conseillée avec de la chlorhexidine, et surtout une application de Vetramil® est conseillée quelques minutes après les désinfections pour ses potentiels effets bénéfiques sur la cicatrisation naturelle des zones ulcérées.
Un collier contenant de l’imidaclopride et de la fluméthrine est également associé pour la pulicose.
Evolution
Un contrôle réalisé 8 jours plus tard montre une amélioration nette des signes cliniques : la masse est moins suintante et les écoulements sont moins importants et moins malodorants (photo n°4). Une bonne amélioration du prurit est rapportée. Le traitement est poursuivi à l’identique pendant une semaine, puis la dose de prednisolone est diminuée à 0,5 mg/kg/j. Les soins locaux sont poursuivis sur un rythme biquotidien (désinfection suivie de l’application du Vetramil®).
Photo 4 bonne évolution de la lésion après une semaine de traitement
Un contrôle après 4 semaines montre une poursuite de l’amélioration lésionnelle : la masse a légèrement diminué de volume mais surtout le prurit a complètement disparu et nous notons une cicatrisation très satisfaisante de la lésion, qui ne présente presque plus de suintement (photo n°5 et 6).
Photo 5 bonne évolution de la lésion après une semaine de traitement
Photo 6 évolution de la lésion cicatrisation absence de suintement après 1 mois de traitement
Un contrôle un mois plus tard montre la poursuite de la bonne évolution avec une lésion complètement cicatrisée.
Malheureusement, l’état général de Simba s’est dégradé très rapidement et les propriétaires ont décidé de l’euthanasier, même si le mastocytome était stabilisé et ne suintait plus.
Discussion
Le mastocytome est une des tumeurs cutanées les plus fréquentes chez le chien, notamment observé régulièrement dans la race Boxer qui est très prédisposée à ce cancer cutané (2). Le diagnostic est généralement facile, peut être obtenu par cytologie ou histopathologie. Un échantillon obtenu par aspiration à l’aiguille fine (FNA) est souvent suffisamment cellulaire pour porter un diagnostic, les mastocytes sont des cellules rondes discrètes avec une abondance de granules cytoplasmiques à coloration métachromatique. Certaines tumeurs mastocytaires peu différenciées peuvent manquer de granules métachromatiques caractéristiques, nécessitant des techniques plus spécialisées de coloration immunohistochimique pour déterminer l’origine exacte de la cellule (3).
Le traitement du mastocytome dépend du grade histopathologique, dans notre cas nous n’avons pas pu malheureusement avoir recours aux biopsies cutanées (et a fortiori à la biopsie-exérèse) à cause de contraintes financières majeures des propriétaires. Ceci nous a amené à envisager un traitement palliatif avec un traitement corticoïde qui a permis de stopper l’évolution de la tumeur. Par voie locale, pour les tumeurs ulcérées, l’application de traitements topiques est importante à envisager, pour soulager l’animal mais également pour satisfaire le propriétaire. Dans notre cas ce dernier avait initialement présenté son chien lors de la première visite en envisageant l’euthanasie car les suintements nauséabonds étaient à l’origine d’une gêne réelle dans la maison et d’une dégradation marquée de la qualité de vie, voire de disputes familiales. Dans ce contexte, nous avons décidé, en plus d’une désinfection « classique » à la chlorhexidine, de favoriser et d’accélérer la cicatrisation naturelle en utilisant en complément une pommade contenant du miel et des huiles essentielles qui présente une grande facilité d’utilisation grâce à sa galénique spéciale à base d’huile de paraffine.
Les propriétés thérapeutiques du miel (activités antimicrobiennes, anti-inflammatoires, immunomodulatrices) reposent sur des bases scientifiques et en font un accord universel car adapté à la gestion d’une grande variété de lésions quel que soit leur stade de cicatrisation. Le miel permet de réduire l’inflammation, des travaux in vitro ont mis en évidence la capacité du miel à inhiber directement la phagocytose, limitant ainsi la formation de radicaux libres et l’inflammation qui en découle (4), à éliminer l’infection grâce à son osmolarité élevée, son pH acide et les propriétés antimicrobiennes du peroxyde d’hydrogène, le miel constitue ainsi un milieu fortement défavorable à la survie de micro-organismes (5,6). Il possède un effet apaisant, forme une barrière protectrice de réparation non adhérente, permet de réduire les mauvaises odeurs, etc.
Nous avons préféré le miel de qualité médicale contenu dans le Vetramil® au miel conventionnel car ce dernier n’est pas stérile et peut contenir des restes de pesticides voire même des antibiotiques.
Les huiles essentielles contenues dans le produit commercial présentent également des propriétés antimicrobiennes, antioxydantes et apaisantes. Par ailleurs certaines huiles essentielles comme l‘huile de Patchouli sont répulsives pour les insectes et le goût amer d’autres (huiles au thym et basilic) limitent le léchage de la peau par l’animal.
Conclusion
Ce cas clinique illustre la nécessaire gestion adaptée des atteintes cutanées et irritations, ici secondaires à une tumeur cutanée chez un chien. Le Vetramil® a été intéressant dans notre cas pour accélérer et faciliter la cicatrisation naturelle et a permis une meilleure qualité de vie pour le propriétaire comme pour notre patient dans un contexte de traitement palliatif d’un cancer cutané.
Références
1- Kiupel M et al. Vet Pathol 2011; 48: 147-55
2- O’Keefe DA: Canine mast cell tumors. Vet Clin North Am SmallAnim Pract 20:1105-1115,1990.
3- Muller & Kirk’s. (2011) Small animal dermatology 7th edition: 806-809.
4- Molan P.C et al. (2009) Why Honey works. Honey in modern wound management. Wounds UK (Ed.): 7-20
5- Molan P.C. (2006) Using honey in wound care. INT J clin Aromather. 3(2): 21-24
6- Olaitan P.B, Adeleke O.E, Ola I.O (2007) Honey: a reservoir for microorganisms and an inhibitory agent for microbes. Afr Health Sci. 7(3):159-165