C’est l’histoire de 3 chats qui vivent exclusivement en appartement, âgés de 1 à 5 ans et stérilisés. Ils sont nourris avec des aliments industriels de grande surface, ne sont pas vaccinés mais reçoivent un traitement anti-puces mensuel par voie orale (spinosad) depuis plusieurs mois.
Isabelle Remy
CES Dermatologie, Consultante en dermatologie à la Clinique Vétérinaire Universitaire de Liège
Chaussée de Dinant, 51 5170 Profondeville Belgique
Motif de consultation
Depuis 2 à 3 mois, les 3 chats présentent un prurit sévère de la tête et des lésions principalement localisées au niveau des oreilles. L’un des chats a fait l’objet un mois auparavant d’une culture mycologique qui s’est révélée négative. Cependant, tous les 3 ont été traités avec de la griséofulvine pendant 1 mois sans amélioration. Un 4ème chat, qui est le seul à présenter des poils longs, est exempt de lésion.
Examen clinique
Les 3 chats atteints montrent des lésions principalement localisées au niveau de la face externe des pavillons auriculaires (Photos 1 à 4). On observe de l’alopécie et la présence en nombre variable de croûtes et de petites érosions. Deux des chats montrent également des lésions faciales. L’examen général est tout à fait normal.
Photos 1 à 4
Photo 5 : légère alopécie du chanfrein
Photo 6 : squames-croûtes sur le nez ; lésions alopéciques, érythémateuses et croûteuses au niveau des lèvres supérieures et du menton
Hypothèses diagnostiques
Sur base de la clinique, une éventuelle démodécie ou une dermatophytose pourraient être mentionnées. Mais si on tient compte de l’atteinte simultanée des 3 chats, de l’intensité du prurit et de la localisation des lésions, une hypersensibilité à des piqûres d’insectes et notamment de moustiques pourrait être retenue. Toutefois, cette hypothèse paraît peu probable car les chats ne sortent pas, les symptômes ont démarré en novembre et la Belgique ne se situe pas (encore !) en zone tropicale. De plus, les cas décrits dans la littérature présentent généralement une atteinte nettement plus sévère du chanfrein.
Examens complémentaires
Des raclages, trichogrammes et scotch-tests pour examen direct sont négatifs. Un examen cytologique au niveau de zones érosives montre uniquement des polynucléaires éosinophiles, ce qui renforce l’hypothèse d’un phénomène d’hypersensibilité.
En discutant avec le couple de propriétaires, de nouvelles informations sont mises à jour. Il s’avère que leur appartement est véritablement envahi par des punaises de lit. Les chats partagent assidument le canapé et le lit dont les draps sont maculés de tâches de sang. La propriétaire présente d’ailleurs du prurit et des lésions sévères sur les bras, principalement des excoriations et des croûtes assez semblables aux lésions observées sur les oreilles des chats (Photo 7). Par contre, son époux ne présente pas de lésion.
Photo 7
De nombreuses tentatives ont déjà été réalisées pour éradiquer les punaises de lit, à l’aide d’insecticides en pulvérisation, mais l’invasion récidive assez rapidement car tous les appartements de l’immeuble sont touchés. Les propriétaires envisagent de déménager.
Il s’agit donc probablement d’une hypersensibilité aux piqûres de punaises de lit chez ces 3 chats. Il est possible que le 4ème chat ne montre pas de lésion soit parce qu’il est protégé des piqûres par la longueur de ses poils, soit parce qu’il n’a pas développé de réaction d’hypersensibilité.
Bibliographie
- Sahil, E. Laffitte, P. Sudre, O. Lacour, N. Eicher, L. Toutous Trellu. Punaise de lit : mieux la connaître pour mieux s’en débarrasser. Revue Médicale Suisse 2013 ; 9 : 718-22.
- Legrand, F. Verheggen, E. Haubruge, F. Francis. Synthèse bibliographique sur le comportement de l’hôte chez la punaise de lit (Cimex lectularius) et applications dans le cadre de la lutte intégrée. Biotechnol.Agron.Soc.Environ. 2016 ; 20(2), 195-202.
- Bilan, M. Amy de la Bretèque, C. Sin, e. Mahé, M-L. Sigal. Piqûres de punaises de lit. Presse Médicale, 2015 ; 44 : 255-257.
- Nagata M., Ishida T. Cutaneous reactivity to mosquito bites in cats. Veterinay Dermatology, 1997 ; vol.8(1) : 19-26.
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