Danette, chatte européenne stérilisée de deux ans, est référée pour une dermatose d’apparition subaigüe, localisée sur une cuisse initialement.
Emmanuel Bensignor, DVM
Paris, Nantes, Rennes
Anamnèse
L’anamnèse rapporte une lésion alopécique (par léchage) en haut de la cuisse droite évoluant depuis 4 mois. La lésion assez large avait initialement un aspect de pyodermite profonde avec de petites fistules, une consistance de plaque épaissie, sensible à la pression. Un traitement antibiotique a été prescrit avec de la clindamycine. Après 2 semaines, peu voire pas d’amélioration est constatée : la surface de la lésion n’a pas diminué, les petites fistules sont toujours présentes, par lesquelles sortent un peu de pus à la pression. La lésion est toujours sensible à la pression et le derme et le conjonctif sous-cutané sont toujours épaissis.
Examen clinique
A l’examen clinique, nous observons des lésions localisées sur la cuisse droite et s’étendant au niveau de la croupe. Il s’agit d’empâtements œdémateux, parfois fermes, avec des nodules parfois fistulisés. Les lésions sont profondes à la palpation, qui est douloureuse.
Examens complémentaires
Les cytologies par ponction à l’aiguille fine montrent une réaction pyogranulomateuse marquée. Des biopsies sont réalisées (voir infra). Dans l’attente des résultats un traitement avec la doxycycline est mis en place.
Résultats des examens différés
Des biopsies pour examen histopathologique montrent la présence d’une dermatite avec furonculose, panniculite et myosite nécrotiques pyogranulomateuse et lymphoplasmocytaire fibrosantes chroniques. Les colorations spéciales (Ziehl) ne montrent pas de bactérie. La réaction au PAS ne montre pas d’élément fongique. Un examen bactériologique sur pièce d’exérèse biopsique ne permet pas de pousse bactérienne. Une PCR mycobactérie sur biopsie se révèle négative.
Diagnostic
Nous concluons donc à une panniculite nodulaire stérile.
Traitement
Un traitement à base de prednisolone (1 mg/kg/j) en association avec la ciclosporine (7 mg/kg/j) est mis en place
Suivi
Après 5 semaines, une très nette amélioration des lésions est observée. Le propriétaire ne rapporte plus de prurit. La cicatrisation est très correcte. Le poil repousse. Le traitement corticoïde est stoppé et la ciclosporine poursuivie en traitement de fond.
Commentaires
La panniculite nodulaire stérile idiopathique (PNSI) est une forme particulière de panniculite, caractérisée par l’apparition de nodules correspondant à une inflammation stérile du pannicule adipeux dont l’étiologie n’est pas connue chez les carnivores domestiques, alors que chez l’homme, au contraire, de nombreux facteurs ont été identifiés comme potentiellement responsables de l’apparition de la maladie (Maladie de Weber-Christian : déficit héréditaire en α1-antitrypsine, affections pancréatiques notamment). Quelques cas de PNSI ont été décrits chez le chien et le chat en association avec des lésions pancréatiques (carcinomes ou nécroses). Nous n’avons pas évalué la fonction pancréatique pour notre cas, car aucune anomalie ne laissait penser à une maladie interne (bon état général, palpation abdominale normale).
La dermatose se caractérise classiquement par l’apparition de nodules hypo-dermiques, isolés ou multiples, de taille variable (quelques millimètres à plusieurs centimètres). La palpation révèle des lésions fermes parfois, parfois au contraire de consistance plus molle, localisées dans les zones profondes de la peau. Elles ont tendance à s’ulcérer et à fistuliser pour laisser sourdre un liquide huileux assez évocateur. Le tronc, le cou, les parties déclives du thorax et de l’abdomen sont principalement touchés, mais la face abdominale ventrale l’est rarement, au contraire des mycobactérioses.
Un diagnostic différentiel est à faire : granulomes bactériens, fongiques, parasitaires, néoplasmes cutanés, kystes. La cytologie par ponction à l’aiguille fine (préférer le prélèvement d’un nodule non ulcéré) montre des macrophages souvent spumeux et l’absence d’agent infectieux. Des granulocytes neutrophiles peuvent être associés. L’examen histopathologique doit être réalisé par exérèse d’un nodule, le trépan n’est pas conseillé car il n’est pas toujours suffisamment « profond » pour atteindre l’hypoderme. Il est fondamental, même lorsque l’histopathologie évoque un phénomène stérile, de rechercher (par réactions et colorations spéciales, par culture et par PCR) des agents infectieux !
Le traitement fait appel à l’exérèse chirurgicale en cas de lésion unique, à un traitement immunomodulateur en cas de lésions multiples. A l’heure actuelle, la ciclosporine est à notre avis le traitement de choix, car bien supportée, très efficace, et parce qu’il est souvent possible de baisser la posologie avec le temps. Dans une série de 4 cas chez le chien, aucune rechute n’a été rapportée 8 mois après l’arrêt de la ciclosporine.