Auteur : Vincent Defalque – Liège 2001
Interne DAC, ENVL
Mars 2010
NDW: Contrairement à ce que certains pourraient penser, il ne travaille pas pour le laboratoire Novartis. Il avait uniquement le désir de faire le point sur ce sujet de polémique.
Résumé
Cet article fait le point sur les milieux de culture dits ” Dermatophyte Test Medium ” (DTM) et sur les différentes molécules, enregistrées en France en médecine vétérinaire, qui peuvent être utilisés dans le cadre du traitement par voie orale des dermatophytoses des carnivores domestiques.
Mots-clés : dermatophytose, diagnostic expérimental, DTM, DIM, traitement systémique, lufénuron, élevages félins.
Introduction
Les dermatophytoses sont des dermatomycoses superficielles, inoculables et contagieuses, dues au développement et à la multiplication de champignons ascomycètes kératinophiles et kératinolytiques, dans les couches kératinisées du tégument et dans les poils [6]. Ces dermatoses, plus fréquentes chez le chat que chez le chien, et chez les animaux jeunes plutôt que chez les animaux âgés, sont zoonotiques. Les infections humaines acquises au contact d’animaux de compagnie ou d’élevage sont fréquentes, tant en milieu urbain que rural [11]. Microsporum canis est l’agent principal de dermatophytoses chez les carnivores domestiques, suivi de M. gypseum et persicolor ainsi que Trichophyton mentagrophytes chez le chien.
Mise au point les milieux DTM (Dermatophyte Test Medium)
Il convient de suspecter une dermatophytose chez les animaux de races prédisposées devant un tableau clinique évocateur. Après un recueil soigné de l’anamnèse et un examen clinique complet, le diagnostic expérimental repose essentiellement sur quatre examens complémentaires que sont l’examen en lumière de Wood, l’examen direct des poils, l’histopathologie et la culture fongique [3].
La culture fongique demeure le test diagnostic de choix car elle permet l’identification du genre et de l’espèce de dermatophyte. De plus, elle fait preuve d’ une spécificité et d’une sensibilité supérieures aux autres tests diagnostics.
En pratique vétérinaire, l’utilisation des ” Dermatophyte Test Medium ” ou DTM est courante. Quatre préparations prêtes à l’emploi sont actuellement disponibles en France (tableau 1, photos 1 et 2).
Photos 1 et 2. Des kits de diagnostic des dermatophytoses, sous la forme de petits pots individuels en verre contentant une gélose inclinée de couleur rosée et prêts à l’emploi existent dans le commerce. Le coût et la facilité d’ensemencement sont des éléments importants dans le choix de ces milieux de culture fongique.
Il existe des variations de compositions entre ces tests mais tous contiennent des nutriments (polypeptides et hydrates de carbones) permettant la croissance de dermatophytes, des substances pharmacologiques à large spectre permettant d’inhiber sélectivement la croissance de contaminants fongiques (cyclohexamide) et bactériens (chloramphénicol), ainsi qu’un indicateur de pH : le rouge phénol. Le principe de l’utilisation de ces milieux sélectifs est le suivant : lorsqu’il y a croissance de dermatophytes, ces derniers utilisent préférentiellement les polypeptides, ce qui mène a la production de métabolites alcalins provoquant une alcalinisation du milieu qui se traduit par un virage au rouge du milieu, de couleur ambrée initialement. Ce changement de couleur précoce apparaît simultanément au développement de colonies de couleur blanches ou pâles.
1. Inconvénients
Ils ne sont pas négligeables. Ces milieux sont relativement chers, ce qui peut rebuter certains clients. De plus, ces kits de diagnostic des dermatophytoses, sous la forme de petits pots individuels en verre contentant une gélose inclinée, ne sont pas toujours faciles à ensemencer.
On estime à 82% la précision des milieux DTM dans le cadre du diagnostic des dermatophytoses [5]. Une évaluation de la performance d’un de ces tests commercialisés en France a mis en évidence les limites de ces milieux [7]. La rapidité de virage de couleur est clairement lié à l’espèce mycologique inoculée (3 jours pour M. canis, 5 jours pour T. mentagrophytes), à la température d’incubation (variation géographique, diurne et saisonnière; une température constante idéale est de 24 à 27°C.) et au nombre de poils infectés inoculés sur le milieu (on préconise l’inoculation de plus d’une dizaine de poils infectés). L’utilisation des DTM pose en outre des problèmes de spécificité et de sensibilité (tableau 2).
Un certain nombre d’espèces fongiques saprophytes peuvent également se développer et produire une variation de couleur similaire à celle produite par des dermatophytes. L’identification du dermatophyte et sa différenciation d’un champignon saprophyte passe par l’examen microscopique d’un fragment de culture qui met en évidence les organes de fructification (micro- et macro-conidies). Deux autres éléments permettent d’orienter cette différenciation. Premièrement, les colonies de champignons saprophytes cultivées dans un milieu DTM sont pigmentées et apparaissent de couleur foncée (brun, gris, vert, jaune). Deuxièmement, on n’observe pas de changement de couleur du milieu de manière concomitante au développement des colonies. L’explication est simple : les champignons saprophytes utilisent préférentiellement les hydrates de carbones, ce qui provoque une acidification du milieu qui ne vire pas de couleur. Un fois la source d’hydrates de carbone épuisée, les protéines peuvent ensuite être utilisées et un virage ” tardif ” au rouge est ensuite observé.
Le rouge phénol peut altérer l’aspect micro- et macroscopique des colonies fongiques et la croissance de macroconidies [10].
Le diagnostic est lent. Une observation quotidienne du DTM, conservé pendant 21 jours, est nécessaire pour détecter la simultanéité du virage de couleur du milieu et du développement de colonies. La croissance des colonies dure généralement une dizaine de jours, mais cette durée peut être de 14 à 21 jours dans les cas de prélèvement effectués sur des animaux traités aux antifongiques ou chez des chats asymptomatiques. La culture fongique ne permet en outre pas de différencier les animaux infectés sub-cliniques et les chats porteurs mécaniques de spores.
2. Recommandations
Lors de l’ensemencement, il ne faut pas enfoncer le spécimen dans la gélose mais le presser en sa surface. En cas de prélèvement de petite taille, il est recommandé d’utiliser la majeure partie, voire tout le prélèvement pour la culture fongique étant donné que ce test est plus spécifique et sensible que l’examen direct des poils.
Lors de la fermeture du bouchon, il convient de ne pas trop le serrer, de façon à assurer les échanges d’air et éviter la formation d’humidité (ce qui retarde la réaction et augmente le risque de contamination bactérienne) et la dessication du milieu. Une source d’humidité (un petit récipient rempli d’eau) doit être présente à proximité.
Il est recommandé de conserver les milieux DTM à température ambiante, dans l’obscurité (des boites en carton sont adéquates) [10].
En cas de doute sur l’identification de l’espèce fongique, il est recommandé d’envoyer d’ envoyer toutes les colonies ne présentant pas un aspect macroscopique typique ou des éléments microscopiques caractéristiques à un laboratoire de référence pour repiquage sur des milieux de sabouraud et identification.
3. Alternatives
Il est possible de se procurer d’autres milieux de cultures fongiques prêts à l’emploi, importés de laboratoires situés aux Etats-Unis d’Amérique [10]. Le laboratoire californien de Bacti-Labs commercialise des boites composées de deux compartiments rectangulaires contenant une gélose plate donc plus facile à ensemencer : l’un contient un DTM et l’autre soit un milieu de Sabouraud (Sab-Duets®), soit un milieu de sporulation rapide (Derm-Duet®). Les milieux de sporulation rapide (RSM) permettent d’accroître le développement de conidies et utilisent le glucose et le bleu de bromothymol comme indicateur de couleur (le virage de couleur vire au bleu ou au vert).
Enfin, des milieux de Sabouraud, complémentés en antibiotiques, sont commercialisés sous forme de poudre déhydratée (Mycobiotic Agar® de Difco et Mycosel® de BBL). Ces milieux représentent un alternative économique mais ne contiennent pas d’indicateur de couleur et demandent une préparation fastidieuse à l’utilisateur.
4. Perspectives d’avenir
Récemment, de nouveaux milieux furent conçus en médecine humaine pour l’isolement et l’identification des dermatophytes. Les ” Dermatophytes Identification Medium ” ou DIM permettent d’éliminer les problèmes liés à l’utilisation des DTM classiques, notamment par une spécificité (approchant les 100%) et une sensibilité (entre 95 et 99%) supérieure. Les différences de composition avec les DTM sont les suivantes : une plus haute concentration en cyclohexamide, le pourpre de bromocrésol comme indicateur de couleur et le néopeptone comme substrat peptonique issu de protéines animales (au lieu du phytone extrait des protéines du soja). Il est très probable que seule la différence de concentration d’antibiotiques joue effectivement un rôle fonctionnel. L’évaluation de ces tests reste encore à faire en Médecine Vétérinaire.