Auteur : Bénédicte Gay-Bataille – 2008/span>
Consultante en Dermatologie
CHV – 74370 – St MARTIN BELLEVUE
ANNECY
Commémoratifs
Une chienne Shetland de 5 ans présente depuis 5 mois une dermatose subaiguë. Elle nous est présenté pour des lésions cutanées d’apparition progressive en divers endroits du corps.
Elle vit dans une maison, entourée d’un jardin clos, avec une autre femelle de la même race, ägée de 7 ans. Son alimentation est industrielle, de bonne qualité. Les chiennes pratiquent l’Agility avec leur propriétaire, et sortent en concours fréquemment.
Anamnèse
Des lésions érythémateuses, entourées de nombreuses squames sont apparues sur le ventre il y a cinq mois. Elles ont été suivies progressivement par des lésions identiques des grands plis, puis des lèvres. La chienne a été vue trois fois par le vétérinaire, et a recu les traitements suivants : corticothérapie et antibiothérapie pendant 3 semaines, deux fois à un mois et demi d’intervalle, shampooings bi-hebdomadaires à la chlorhexidine, puis antiséborrhéiques et kérato-régulateurs. Ces traitements ont apportés une amélioration, qui a été suivie très rapidement d’une aggravation. La chienne a été soumise également à une épreuve thérapeutique de gale, qui s’est avérée négative. Elle nous est référée, sous traitement antibiotique (amoxycilline-ac.clavulanique 25 mg/kg/j).
Symptômes cliniques
Nous notons à l’examen clinique un très bon état général.
L’examen dermatologique révèle tout d’abord des lésions faciales (chéilite) symétriques: érythème périorbitaire avec érosions au canthus interne, érythème des lèvres supérieures et inférieures, vésico-pustules face interne du bord des pavillons auriculaires ; puis des lésions ventrales (grands plis et ventre): vésico-pustules, lésions cible et collerette épidermiques, particulièrement nombreuses en région périvulvaire, ces lésions semblant avoir une distribution serpigineuse (peu aisé à observer entre les poils), et enfin des lésions périanales: érythème et érosions en marge de l’anus. Un squamosis pitiriasiforme est marqué sur tout le pelage.
Le prurit est faible, la chienne se lèche la région vulvaire et parfois le ventre.
Photo 1 et 2: Érosions péri-orbitaire : atteinte cutanéo-muqueuse
Photo 3 : Érythème des lèvres et du menton
Photo 4 : Érythème des lèvres supérieures
Photo 5 : Face interne des pavillons auriculaires: vésico-pustules, érosions.
Photo 6 : Lésions pustuleuses serpigineuses face ventrale de l’abdomen
Photo 7 : Vésico-pustules nombreuses en région péri-vulvaire
Photo 8 : Abdomen ventral : noter, sur un fond érythémateux, la vésico-pustule intacte (en haut), la collerette épidermique (au centre) et les érosions (en bas)
Photo 9 : Erythème violent et érosions péri-anales
Hypothèses diagnostiques
Les hypothèses diagnostiques face à cette dermite érythémateuse, vésiculeuse et érosive faciale et tronculaire, avec atteinte muco-cutanée, nous fait envisager les hypothèses suivantes.
- Lupus cutané, lupus vésiculeux (race prédisposée, topographie des lésions, vésico-pustules, plutot distribuées de façon serpigineuse, mais atteinte cutanéo-muqueuse)
- Dermatomyosite (race prédisposée, érythème et érosions faciales, mais bon état général, pas d’alopécie ni de dépigmentation)
- Érythème polymorphe (atteinte cutanéo-muqueuse, vésico-pustules tronculaires, mais pas de lésions distribuées en cocarde, pas de contexte médicamenteux évocateur)
- Cheylétiellose (squamosis généralisé, prurit faible, mais vésico-pustule, atteinte muco- cutanée)
Examens complémentaires
Des raclages cutanés sont réalisés, en région péri-orale , au niveau d’un ars près du coude, ainsi que des tests à la cellophane adhésive, entre les poils, sur la ligne du dos, puis des calques cutanés par impression d’une vésiculo-pustule et d’une collerette épidermique sur le ventre. Des biopsies cutanées sont réalisées en divers endroits du corps, et notamment sur une lésion vésiculo-pustuleuse intacte du ventre, et en marge d’une ulcération palpébrale.
Résultats
L’examen microscopique des produits recueillis pour les raclages ne met pas en évidence d’éléments figurés. Il en est de même pour l’examen du scotch au faible grossissement. La cytologie révèle soit la présence de bactéries coccoïdes en position extracellulaire et de nombreux neutrophiles non dégénérés (vésico-pustule) soit des bactéries phagocytées et de nombreux PNN dégénérés (lésion de folliculite).
L’observation histologique des biopsies cutanées apporte les éléments suivants :
- Acanthose épidermique et présence de corps colloïdes à tous les étages du massif malpighien
- Exocytose trans-épidermique de lymphocytes
- Infiltrat dermique superficiel et périvasculaire, à lymphocytes essentiellement, et aussi à mastocytes et plasmocytes.
- Pour une des biopsies, jonction dermo-épidermique obscurcie par un flux de petits lymphocytes épidermotropes isolés (pas de micro abcès de Pautrier), avec de nombreux corps colloïdes
Cette dermatite superficielle d’interface évoque, histologiquement, un érythème polymorphe ou une dermatite lupique
Diagnostic
La race de l’animal, la nature de ses lésions (érythème, vésiculo-pustules, érosions), leur topographie (tronculaire essentiellement), leur distribution serpigineuse (bien que difficile à observer : les propriétaires refusent d’envisager de tondre leur animal), les lésions microscopiques très évocatrices, avec l’absence d’éléments en faveur d’ une réaction médicamenteuse, permettent de porter un diagnostic de lupus érythémateux cutané vésiculeux.