Le jeune animal domestique présente des particularités physiologiques qui constituent des facteurs de risque pour certaines affections dermatologiques. En effet, le jeune est caractérisé par des systèmes immunitaire et endocrinien immatures, un phénotype en évolution constante, et des comportements qui lui sont propres, faisant de ce stade de vie une période préférentielle pour le développement de dermatoses précises.
Estelle BUENDIA
DV, Résidente ECVD, CES de Dermatologie vétérinaire
Dermvetmouv’
33 chemin du Bois Joli – 69160 Tassin-La-Demi-Lune
INTRO
Certaines de ces dermatoses sont des zoonoses, des maladies professionnelles, et/ou des pathologie d’élevage. Elles constituent un enjeu important dans leur prise en charge. Enfin, le caractère génétique des génodermatoses en fait une pathologie qui se manifeste dans les premières semaines de vie.
Dans cette présentation, nous nous limiterons aux affections qui touchent les jeunes chiens et chats de moins d’un an. Nous allons voir comment bien mener la consultation dermatologique du jeune, puis nous développerons certaines de ces affections les plus courantes qu’il est important de savoir reconnaître, diagnostiquer et traiter.
I) LA CONSULTATION DERMATOLOGIQUE DU JEUNE
La consultation de dermatologie demande de collecter un grand nombre d’informations indispensables à la compréhension de la clinique et à l’élaboration d’hypothèses diagnostiques. Cette étape de la consultation ne doit surtout pas être négligée et conditionne tout le reste du déroulement de la consultation.
Le jeune animal présente des particularités qui vont nous faire suspecter certaines affections précises.
1) Importance de l’âge d’apparition des signes cliniques
Il faut bien différencier l’âge de l’animal lors de la consultation de l’âge d’apparition des premiers signes cliniques. Les jeunes animaux présentant des signes cutanés sont préférentiellement concernés par les ectoparasitoses (démodécie, gale sarcoptique …), par les dermatophytoses, par les génodermatoses, et les dermatites allergiques.
Schéma 1 : Age d’apparition des principales affections en fonction de l’âge
2) Importance de l’origine et du mode de vie
Concernant les jeunes animaux, la provenance est importante à connaître. Si l’animal provient d’une collectivité (chenil, élevage, refuge), une dermatose parasitaire sera envisagée.
Il est également intéressant de savoir si d’autres animaux de la même portée présentent les mêmes signes cliniques, dans le cadre d’une génodermatose par exemple.
Le mode de vie est important également. En effet, la vie en milieu urbain peut évoquer une dermatite allergique, une pulicose, la vie à la campagne favorise l’exposition à certains parasites ou champignons comme les dermatophytes.
3) Importance de la race
La liste des prédispositions raciales peut être longue pour certaines maladies comme la dermatite atopique canine, la démodécie. Il est donc important de connaître les principales prédispositions raciales chez le chien et le chat.
Tableau 1 : Principales affections du jeune en fonction de la race
4) Importance de l’anamnèse
Il faut recueillir un maximum d’éléments de l’historique de la maladie comme les conditions d’apparition des signes cliniques, le mode dévolution, s’il existe un caractère saisonnier ou pas, la présence ou non de prurit, les résultats d’examens complémentaires déjà réalisés… etc.
5) Les examens complémentaires à réaliser lors de la consultation du jeune
A) les Raclages cutanés
Le raclage cutané est l’examen complémentaire immédiat qui doit être réalisé presque systématiquement au cours de la consultation de dermatologie. Il permet de récolter les éléments anormaux (poils, ectoparasites, filaments mycéliens…) présents à la surface de la peau ou dans l’épaisseur de l’épiderme.
La fiabilité (sensibilité et spécificité) de cet examen suppose qu’ils soient réalisés en grand nombre (5 ou 6), sur une zone choisie (poils coupés) et jusqu’à la rosée sanguine.
S’ils ne sont pas bien réalisés, la fiabilité de ce test chute. Elle chute également en fonction du parasite recherché : pour la gale sarcoptique, la sensibilité du raclage est modérée à faible en fonction des études, tandis que pour la démodécie, cette dernière est élevée.
B) le Test au ruban adhésif
Également appelé « Scotch test », il permet la mise en évidence de parasites présents à la surface de la peau.
Après avoir écartés les poils, on applique une bande de ruban adhésif transparent (cristal) sur les lésions. Il est ensuite collé directement sur une lame porte-objet et examiné directement au microscope sans coloration. Une goutte d’huile à immersion peut être rajoutée entre le ruban et la lame afin de faciliter l’observation. Ainsi, on observe facilement Cheyletiella, des larves de Trombicula, et des poux.
Après coloration, ce test permet de visualiser les proliférations bactériennes ou fongiques de surface entre autres.
C) la Trichoscopie
Cet examen consiste à examiner les poils, leur structure, ainsi que les éléments qui les entourent, après une épilation franche d’une petite touffe de poils entre le pouce et l’index ou au clamp, ou par un éventuel raclage.
On regarde la partie folliculaire (où l’on verra principalement les démodex, les spores de dermatophytes, ou l’on pourra noter un arrêt du cycle folliculaire en fonction de l’aspect du bulbe pilaire et de la phase dans laquelle les poils se trouvent,) et la tige du poil (où se trouvent fixés les poux, les lentes et les Cheyletiella, ou lieu des défauts de pigmentation lors d’alopécie des robes diluées) et l’apex (aspect en pinceau ou en biseau en cas de léchage).
D) les Examens mycologiques
Dans la cadre d’une suspicion de dermatophyties, alors le diagnostic repose sur :
- Un examen en lumière de Wood : positif dans 50% des cas de teigne à Microsporum canis.
- Un examen direct des poils et des squames (fermer le diaphragme et utiliser un liquide éclaircissant comme le lactophénol)
- Culture mycologique sur DTM ou milieu de Sabouraud et surtout identification de l’élément fongique.
E) la Sérologie
Le dosage des IgE spécifiques permet de révéler des sensibilisations à certains allergènes de l’environnement comme les acariens de poussière, les moisissures, les pollens.
Une recherche d’anticorps anti-Sarcoptes peut être très utile en complément des raclages cutanés profonds.
F) les Biopsies cutanées
L’histopathologie cutanée est indiquée lors de la consultation du jeune lors de suspicion de furonculose éosinophilique, de cellulite juvénile, de génodermatoses ou toute autre dermatose non déterminée dans la cadre du diagnostic différentiel. Le choix du laboratoire est important et ce dernier doit être compétent en dermatologie vétérinaire.
6) Importance du motif de consultation
C’est l’élément qui a motivé la consultation du jeune animal. Chez le jeune, les principaux motifs de consultation sont du prurit, une perte de poils anormale, un défaut anatomique, la présence de croûtes, ou même parfois une contagion aux congénères ou aux propriétaires.
Malgré les spécificités de la consultation du jeune, le raisonnement reste tout de même identique à celui des consultations classiques.
Toute la dermatologie ne sera pas abordée ici mais nous allons présenter les principales dermatoses du jeune en fonction du motif de consultation.
II) LE JEUNE QUI SE GRATTE
Le prurit est le premier motif de consultation en dermatologie du chien. Il peut se manifester par du léchage, du grattage, des mordillements, des frottements, et évolue ou s’accompagne d’emblée par des lésions cutanées comme de l’érythème, des érosions, des croûtes, des dépilations, une exsudation…
L’appréciation du prurit est très objective par les propriétaires mais peut être quantifiée sur une échelle de 0 à 10.
La démarche diagnostique d’une dermatose prurigineuse est rigoureuse car le tableau clinique est souvent peu spécifique et doit suivre les étapes classiques de la consultation dermatologique :
- Recueil de l’anamnèse et des commémoratifs,
- Examen clinique éloigné puis rapproché avec la liste de toutes les lésions visualisées (primaires et secondaires),
- L’élaboration d’hypothèses diagnostiques hiérarchisées,
- La réalisation d’examens complémentaires bien choisis pour confirmer ou infirmer les hypothèses choisies.
Lors de prurit, les principales hypothèses diagnostiques sont :
- Les ectoparasitoses
- Les dermatoses allergiques avec la DAPP et la Dermatite Atopique Canine (DAC)
- La folliculite du jeune chien.
- La dermatophytose
1) Les ectoparasitoses
Les ectoparasitoses sont dues à la présence d’acariens ou d’insectes ou d’helminthes dans l’épaisseur de l’épiderme. Elles sont fréquentes et nombreuses chez les jeunes carnivores domestiques, cela implique de bien les connaître pour pouvoir les suspecter, les rechercher et les diagnostiquer. La variété des présentations cliniques et des types de lésions fait qu’elles entrent dans le diagnostic différentiel de nombreuses dermatoses et notamment les dermatoses prurigineuses.
A) Les principales ectoparasitoses du jeune
Les principales ectoparasitoses rencontrées chez le jeune sont la démodécie, la pulicose, la gale sarcoptique, la cheyletiellose, la trombiculose, les dermatites à Rhabditidés.
Comment diagnostiquer les differentes ectoparasitoses ?
Le recueil des éléments anamnestiques et des commémoratifs sont importants.