La bonne gestion d’une otite à Malassezia en 10 questions

« Muck » est un Boxer mâle entier de 4 ans vu en consultation pour léchage podal évoluant depuis quelques semaines.  Après quelques questions de routine, une suspicion de dermatite atopique est rapidement émise (notamment : démangeaisons « depuis toujours », par poussées, répondant aux corticoïdes).

Céline DARMON

Spécialiste en dermatologie vétérinaire, dip ECVD

CHV Frégis, Arcueil.

 

Examen clinique

A l’examen général aucune anomalie n’est observée. L’examen dermatologique, quant à lui, révèle une pododermatite érythémateuse interdigitée antérieure bilatérale et symétrique. L’examen auriculaire systématiquement réalisé au cours de la consultation de dermatologie montre des conduits souples à la palpation, un érythème des conduits auriculaires et un excès de cérumen (photo 1).

La bonne gestion d’une otite à Malassezia en 10 questions

Photo 1 : érythème et cerumen en excès.

 

Encadré : la palpation des conduits auriculaires : un geste simple et rapide, souvent oublié. Il apporte cependant des informations importantes au clinicien : épaississement des conduits auriculaires, signe de chronicité, asymétrie de l’atteinte ou encore douleur.

 

Des cytologies cutanées podale et auriculaire sont indiquées pour explorer une éventuelle surinfection bactérienne et/ou fongique. La cytologie podale révèle une surinfection bactérienne et la cytologie auriculaire montre de nombreuses levures de type Malassezia spp.

Un traitement antiseptique topique est prescrit pour les espaces interdigités (shampoing contenant de la chlorhexidine) et un nettoyage auriculaire est associé.

 

A ce stade, plusieurs questions se posent pour le clinicien :

 

1 – Dois-je traiter l’otite?

            En effet, le motif de consultation ici n’est pas l’otite mais la pododermatite. S’il est fondamental en clientèle de répondre aux attentes initiales des propriétaires, il faut également considérer l’atteinte dermatologique comme un ensemble. Ainsi, l’examen dermatologique complet a mis en évidence une otite érythémato-cérumineuse bilatérale débutante qu’il faut prendre en compte. Si elle n’est pas correctement gérée, cette otite peut s’aggraver, entrainer prurit/douleur et nécessiter des traitements plus lourds par la suite.

 

2 – Dois-je prescrire un traitement topique ou systémique ?

            Le traitement est toujours topique en cas d’otite externe. Un traitement systémique n’est indiqué et utile qu’en cas d’otite moyenne/interne.

 

3 – Dois-je associer un nettoyage auriculaire ?

            Il est très important de bien nettoyer une oreille avant l’application d‘un traitement auriculaire. Il n’existe pas, à ce jour, de consensus sur la fréquence idéale des nettoyages en cas d’otite. Si les nettoyages sont insuffisants, les débris auriculaires s’accumulent dans les conduits et les topiques traitants ne peuvent être efficaces.

En revanche, si les nettoyages sont trop fréquents ou réalisés avec un nettoyant inadapté, l’inflammation auriculaire va s’accentuer en raison de  l’irritation liée aux nettoyages. Cette irritation ralentit encore le renouvèlement de l’épithelium auriculaire (déjà freiné en cas d’otite) et diminue l’élimination naturelle des débris auriculaires. Ces nettoyages sont alors contre-productifs et à éviter. Une fréquence adaptée est recommandée. Ici nous prescrivons un nettoyage deux fois par semaine à l’aide d’un nettoyant physiologique ayant montré une activité antimicrobienne in vitro (Sonotix) (ref 1).

 

4 – Doit-on associer un topique antifongique ?

L’examen cytologique ne révèle ici que la présence de levures de type Malassezia spp. (et pas d’élément bactérien). Or tous les traitements topiques anti-infectieux dont nous disposons en médecine vétérinaire sont une association d’antibiotique, antifongique et anti-inflammatoire. Nous pouvons légitimement nous interroger ici sur la pertinence de prescrire un traitement anti-infectieux. En effet, l’animal ne semble pas gêné par son otite (d’après ses propriétaires) et le nombre de levures est modéré (ref2). Par ailleurs aucun nettoyage auriculaire n’est réalisé par les propriétaires jusqu’ici et on peut espérer que, si des nettoyages seuls sont correctement réalisés régulièrement, ils suffiront à contrôler les symptômes débutants observés.

Il est donc décidé de ne prescrire que les nettoyages auriculaires.

 

5 – Combien de temps doit durer la prescription ?

La prescription doit être faite jusqu’au suivi de l’animal par le praticien. Ce suivi est le plus souvent réalisé au bout de 3 à 4 semaines, durée nécessaire au renouvellement épidermique complet chez le chien. C’est donc au bout de ce délai que nous maximisons nos chances d’observer une guérison clinique. Plus tôt, nous aurons du mal à déterminer l’efficacité réelle de notre traitement. Plus tard, nous risquons de voir pérenniser l’atteinte si le traitement est insuffisant ou mal réalisé.

 

6 – Pourquoi faire un suivi ?

La visite de suivi est indispensable quelque soit le motif de consultation. Il permet d’évaluer l’appréciation des propriétaires, l’évolution des lésions cliniques et l’évolution des données microscopiques. Ces trois facettes de la consultation de contrôle permettent d’adapter le traitement et d’éviter la rechute.

 

Visite de suivi à 3 semaines

Ainsi, les propriétaires déclarent être globalement satisfaits. L’animal de gratte encore, mais nettement moins. Les soins auriculaires ont été réalisés correctement de même que l’antibiothérapie. Tout le traitement a bien été poursuivi jusqu’au jour de la visite, sans interruption.

Dans notre cas, après 3 semaines de traitement, nous allons réévaluer les lésions podales et auriculaires dans un premier temps. Nous observons une pododermatite érythémateuse interdigitée antérieure modérée. Les lésions sont toujours présentes mais moins marquées. De même, l’érythème auriculaire est discret. Plus aucun excès de cerumen n’est observé (photo 2).

La bonne gestion d’une otite à Malassezia en 10 questions

Photo 2 : suivi à 3 semaines. Persistance d’un érythème modéré.

 

Puis, dans un deuxième temps, nous allons réaliser deux nouvelles analyses cytologiques. Le test à la cellophane adhésive réalisé au niveau des espaces interdigités révèle l’absence d’élément figuré visible. L’écouvillon auriculaire, après coloration rapide, montre à l’examen microscopique, des levures de type Malassezia sp.

 

7 – Pourquoi renouveler les cytologies au cours de la visite de suivi ?

L’examen cytologique podale ne montre plus d’élément figuré. Le traitement antiseptique peut être stoppé. Cette information nous permet de déterminer que le prurit résiduel rapporté par les propriétaires n’est pas dû à la persistance de la surinfection, mais bien à la cause primaire de l’infection bactérienne, la dermatite atopique. Une gestion de cette atteinte est donc nécessaire si nous voulons aller plus loin et éviter les récidives.

Pour les oreilles, si on observe toujours des levures, il est important de remarquer que celles ci sont en plus faible nombre.

 

8 –  Comment adapter son traitement ?

Les levures sont en plus faible nombre et les lésions se sont améliorées. Il est donc raisonnable de maintenir des nettoyages qui ont montré leur efficacité. La fréquence peut être diminuée à une fois par semaine en entretien. Ces nettoyages réguliers permettront :

  • un maintien de la flore auriculaire a un niveau acceptable
  • de servir d’alerte en cas de réapparition de débris trop importants
  • d’éducation de l’animal pour l’acceptation de soins auriculaires sans doute nécessaires tout au long de la vie d’un animal atopique

 

9 – Faut il prescrire un traitement antiallergique de fond ?

Il n’existe pas de traitement unique et parfait de la dermatite atopique. Chaque couple animal/propriétaire doit être évalué selon les lésions de l’animal et son confort. Ici, il s’agit d’une poussée modérée de dermatite atopique et avec des soins locaux corrects (nettoyages auriculaires notamment) il est tout a fait possible d’espacer suffisamment les crises pour ne pas avoir à mettre en place un traitement de fond anti-allergique. Il convient de s’assurer que les propriétaires ont bien compris l’importance de réaliser des nettoyages réguliers et sont confortables avec les gestes à réaliser en routine.

 

10 – Quel nettoyant prescrire et quand ?

Il existe trois types de nettoyants auriculaires :

  • les nettoyants physiologiques
  • les nettoyants céruminolytiques à prescrire en cas d’amas importants de cérumen, débris, bouchons.
  • les nettoyants antiseptiques à associer à un traitement topique anti-infectieux en cas d’otite suppurée

En entretien, prévention de récidive ou en cas d’otite débutante, les nettoyants physiologiques sont les plus indiqués.

 

Conclusion

Nous voyons ici que des nettoyages auriculaires adaptés peuvent suffire à la gestion d’un symptôme encore trop souvent négligé de la dermatite atopique : l’otite. Le choix d’un topique ayant montré son efficacité sur le microbisme auriculaire est fondamental (Sonotixâ) et permet d’éviter un traitement antibiotique/antifongique pouvant etre irritant, difficile à appliquer et mener à l’automédication.  Eduquer les propriétaires aux soins des oreilles de leur animal est fondamental pour que les traitements soient ensuite correctement appliqués et efficaces. Nous voyons encore souvent en clinique des chiens atopiques sous traitement systémique au long cours, jugés inefficaces. Avant d’augmenter les doses, d’associer ou de modifier ces traitements, il est fondamental de rétablir des gestes hygiéniques de base dont le nettoyage auriculaire.

 

Références :

1 – Fantini O., Petit JL, El-Garch F. Comparative Time-kill Kinetics of two commercial ear clearners. Poster Communication, ESVD Congress, Dubrovnik, 2018.

2 – Ginel PJ, Lucena R, Rodriguez JC, Ortega J. A semiquantitative cytological evaluation of normal and pathological samples from the external ear canal of dogs and cats. Vet Dermatol. 2002 Jun;13(3):151-6.

 

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