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William Bordeau, le il y a 4 mois et 1 semaine.
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10 juin 2025 à 11 h 58 min #17296
Aude Breton
ParticipantDepuis bientôt un an, Halloween chat de 14 ans est suivi pour une lésion de kératose actinique située en avant de son oreille droite. Il reçoit régulièrement des applications d’imiquimod, à raison de 3 fois par semaine avec par moment des “pauses” ( pour “alléger” le coût du traitement et aussi car des lésions suppurées sont parfois présentes).
J’aimerais connaître votre retour d’expérience pour ce traitement sur le long terme. Suivez vous un protocole plus précis?
Merci par avance.
11 juin 2025 à 17 h 03 min #17342William Bordeau
Maître des clésBonjour Aude,
Au “plus simple” une synthèse des 2 conférences sur la kératose actinique lors des dernières journées annuelles du GEDAC qui ont eu lieu à Strasbourg.
Très belle fin de journée
William
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La kératose actinique (KA) est caractérisée comme une lésion cutanée précancéreuse affectant les zones exposées au soleil, résultant d’un effet cumulatif de l’exposition sur la peau. Elle représente une étape dans l’évolution vers le carcinome épidermoïde (CE).
Étiopathogénie
L’exposition excessive et cumulative aux rayons ultraviolets (UV) est la cause fondamentale de la KA. Les UV induisent des altérations du matériel génétique (dommage oxydatif des acides nucléiques, mauvais appariements de bases au niveau de l’ADN), une inflammation, une immunosuppression et une mutagenèse. Ces processus conduisent à l’expansion clonale des kératinocytes précancéreux. Les UVA, dont les longueurs d’onde les plus dommageables sont de 320 à 340 nm, ont une action profonde et produisent des dérivés réactifs de l’oxygène. Les UVB provoquent des mauvais appariements des bases nucléotidiques au niveau de l’ADN, interférant avec ces appariements et causant des mutations. Le gène suppresseur de tumeur p53 est essentiel, car il détecte les altérations génétiques et peut induire l’apoptose ou arrêter le cycle cellulaire pour permettre la réparation. Des mutations de p53 sont fréquemment retrouvées dans les lésions de KA.
Chez les animaux, l’exposition excessive au soleil résulte en des lésions. Chez le chat, la dermatite solaire, fréquente chez les chats blancs ou à pelage dépigmenté, notamment sur les pavillons auriculaires, les paupières, la truffe et les lèvres, est la manifestation initiale de ce continuum lésionnel. Ces lésions peuvent s’aggraver d’été en été. Des études chez l’homme, les animaux de laboratoire, le chat et le chien ont montré une surexpression de la cyclooxygénase 2 (COX-2) dans les lésions de kératose actinique et de carcinome épidermoïde. L’acide arachidonique, médiateur pro-inflammatoire, est converti par les cyclooxygénases en prostaglandines, puissants médiateurs de l’inflammation favorisant la prolifération, l’invasion, l’angiogenèse et la croissance des cellules tumorales.
Présentation Clinique chez le Chat
La KA chez le chat affecte typiquement les zones peu poilues et peu pigmentées exposées au soleil, telles que les pavillons auriculaires, les paupières, la truffe et les lèvres. Les lésions évoluent souvent progressivement. Au départ, on observe des érythèmes, des squames et une dépilation. La dépilation rend la peau encore moins protégée et plus vulnérable. Les lésions peuvent ensuite devenir croûteuses, dépigmentées ou érythémateuses. Un enroulement du bord libre du pavillon auriculaire peut être observé. L’aspect clinique de la KA est variable, pouvant inclure des cornes cutanées, des dépilations, des squames, un aspect brunâtre, et parfois du prurit. Des lésions ulcérées peuvent résulter du prurit. Ces lésions initiales sont parfois difficiles à distinguer cliniquement de la dermatite solaire ou du carcinome épidermoïde débutant.
Diagnostic
Le diagnostic repose sur la suspicion clinique et doit être confirmé par un examen histopathologique. La difficulté à distinguer cliniquement les stades précoces (dermatite solaire, KA) des stades plus avancés (CE) rend la biopsie très rapidement nécessaire. L’examen histopathologique met en évidence une dysplasie de l’épiderme et de l’épithélium folliculaire, une hyperplasie épidermique, une hyperkératose souvent parakératosique, et une inflammation périvasculaire modérée chez le chat. Un élément clé du diagnostic histopathologique de la KA est la préservation de la membrane basale. La cytologie est également intéressante à réaliser, mais la biopsie est impérative pour ne pas laisser place au doute. Le diagnostic différentiel des lésions croûteuses inclut les dermatophytoses, les hypersensibilités secondaires, les phénomènes auto-immuns (lupus, pemphigus) et les parasitoses comme la gale notoédrique.
Traitement de la Kératose Actinique chez le Chat
La prise en charge de la KA vise principalement à prévenir la progression vers le carcinome épidermoïde et à gérer les symptômes associés.
Éviction Solaire et Photoprotection
C’est la première mesure et elle semble logique. Il est recommandé d’éviter l’exposition au soleil, en particulier entre 10h et 17h. Les siestes derrière les vitres, même filtrées, sont à éviter. La prévention doit être mise en place dès le plus jeune âge, surtout chez les animaux qui aiment prendre le soleil. Les écrans solaires sont une mesure complémentaire. Il existe deux types :
Filtres Physiques (dioxyde de titane, oxyde de zinc)
Ils forment une barrière opaque qui réfléchit la lumière. Ils résistent relativement bien à l’eau et nécessitent moins d’applications fréquentes. Ils peuvent laisser un aspect blanchâtre et graisser le pelage. Une ingestion en grande quantité peut présenter un risque de toxicité. En général, ils sont préférés car ils limitent le nombre d’applications.
Filtres Chimiques
Ils sont plus transparents et sont stockés dans la couche cornée. Ils se décomposent avec le rayonnement solaire et nécessitent donc des applications plus fréquentes, idéalement 3 à 4 fois par jour.
Le choix dépend du cas et de la présence de poils.
Traitements Anti-inflammatoires
Ces traitements sont indiqués en cas de prurit ou de douleur associés aux lésions.
Glucocorticoïdes
Ils peuvent être utilisés localement (hydrocortisone 1 à 2 fois par jour pendant 7 à 10 jours) ou par voie orale (prednisolone à 1 mg/kg/jour pendant 7 à 10 jours).
Anti-inflammatoires Non Stéroïdiens (AINS)
Le diclofénac topique à 3 % (Solaraze®) est une option utilisable en application locale. Une étude chez le chien a évalué l’effet du firocoxib, un inhibiteur sélectif de la COX-2, montrant une normalisation de la prolifération kératinocytaire épidermique bien que les altérations dermiques persistent. L’utilisation du diclofénac topique chez un chat avec une lésion de kératose actinique a donné un résultat modeste, mais le chat a développé une insuffisance rénale, potentiellement liée au léchage. L’utilisation doit être faite avec grande précaution, en raison du risque lié à la pénétration par léchage.
Traitement Immunomodulateur Topique
L’imiquimod topique est une option pour les lésions plus avancées (dans le continuum KA vers CE). Il agit comme un immunomodulateur qui stimule la production d’interféron alpha et de TNF alpha dans la peau. Le protocole recommandé est de deux à trois applications par semaine, pendant six semaines. Il est très important de prévenir les propriétaires des réactions locales attendues, notamment une forte inflammation, un aspect très croûteux et ulcératif, potentiellement douloureux, à J+15. Ces réactions précèdent souvent un résultat clinique intéressant quelques semaines plus tard. Le port de gants est indispensable lors de l’application. L’efficacité clinique de l’imiquimod a été démontrée chez le chat pour des lésions de KA et de CE débutants. Une étude a montré une réponse spectaculaire et une disparition complète des lésions après traitement.
Autres Modalités
Certaines options sont moins documentées spécifiquement pour les lésions de KA pure, mais sont mentionnées dans le contexte du traitement des lésions liées à l’exposition solaire qui peuvent évoluer vers des stades plus avancés (carcinome in situ ou invasif). Elles peuvent être envisagées pour des lésions plus problématiques ou en transition vers le CE :
- Rétinoïdes Systémiques : Leur efficacité reste à confirmer.
- Cryochirurgie
- Exérèse Chirurgicale
- Laser CO2
Ces interventions sont généralement réservées aux lésions infiltrantes, nodulaires ou évolutives, qui correspondent plus souvent aux stades de carcinome épidermoïde in situ ou invasif. Néanmoins, les traitements topiques, comme l’imiquimod ou le diclofénac, offrent des solutions efficaces et moins invasives, particulièrement adaptées aux animaux âgés chez qui la chirurgie peut être moins souhaitable.
Pronostic et Suivi
Les premiers stades de la kératose actinique peuvent être réversibles si l’exposition solaire est limitée. La KA est une pathologie à surveiller attentivement, et la reconnaissance clinique et l’analyse histologique sont essentielles pour anticiper ou diagnostiquer précocement un carcinome épidermoïde. Un suivi clinique rigoureux est nécessaire, particulièrement lors de l’utilisation de traitements topiques.
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