Dysplasie des follicules pileux noirs chez un Border Collie

Un chien Border Collie, mâle castré de 16 mois, est présenté à la consultation de dermatologie pour des lésions cutanées apparues 8 mois auparavant (donc à l’âge de 8 mois).

Arnaud MULLER* – Eric GUAGUERE* – Thibault BURNOUF**

Clinique Vétérinaire Saint-Bernard. 598, avenue de Dunkerque F-59160 Lomme

*Spécialiste en Dermatologie, Dip ECVD, CES Dermatologie Vétérinaire

**Résident du Collège Européen de Dermatologie Vétérinaire

Novembre 2024

Dysplasie des follicules pileux noirs chez un Border Collie

Examen clinique

Il montre un chien en très bon état général, mais présentant effectivement une dermatose non prurigineuse (prurit estimé à 0/10 sur une échelle visuelle analogique) alopéciante et ne concernant que les zones de pelage noir (pavillons auriculaires, tronc et tarses notamment).

Dysplasie des follicules pileux noirs chez un Border Collie

Dysplasie des follicules pileux noirs chez un Border Collie

Dysplasie des follicules pileux noirs chez un Border Collie

Dysplasie des follicules pileux noirs chez un Border Collie

Photos 1 à 4 : aspect clinique à T0 avec plages alopéciques diffuses

(flancs, membres et pavillons auriculaires)

 

Compte tenu de l’aspect et de la localisation des lésions, l’hypothèse diagnostique principale est celle d’une dysplasie folliculaire et plus précisément une dysplasie des follicules pileux noirs (DFPN).

 

Des examens complémentaires sont alors réalisés :

– le trichogramme confirme la présence de déformations pilaires par des amas de mélanine dans le cortex

Dysplasie des follicules pileux noirs chez un Border Collie

Dysplasie des follicules pileux noirs chez un Border Collie

Photos 5 et 6 : Aspect microscopique des poils avec amas de mélanine

 

– les biopsies cutanées montrent des poils des zones noires modifiés avec des follicules plus ou moins atrophiés, parfois dysplasiques (contours folliculaires irréguliers) avec dilatation de l’infundibulum et présence d’amas de mélanine à tous les niveaux du follicule pileux (bulbe, gaine épithéliale externe et tige pilaire). En périphérie du bulbe pileux, des mélanophages remplis de mélanine sont également détectés.

 

Le diagnostic définitif est donc celui d’une dysplasie folliculaire des poils noirs.

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Les contrôles suivants (à T0 + 6 mois, T0 + 9 mois et T0 + 1 an) confirment une normalisation du pelage sur le tronc et les membres, mais pas du tout sur les pavillons auriculaires. Un implant de mélatonine est placé tous les 6 mois, depuis 2 ans maintenant, sans récidive apparente.

 

Dysplasie des follicules pileux noirs chez un Border Collie

Dysplasie des follicules pileux noirs chez un Border Collie

Dysplasie des follicules pileux noirs chez un Border Collie

 

Photos 11 à 13: Aspect à T0 + 6 mois avec repousse totale des poils

(sauf sur les pavillons auriculaires)

 

Ce cas illustre l’efficacité (estimé autour de 50% dans la plupart des études) de la mélatonine, orale ou en implant, dans la dysplasie folliculaire des poils noirs.

Discussion

La dysplasie folliculaire des poils noirs correspond à une entité appartenant au groupe des dysplasies folliculaires (DF), qui sont classiquement divisées en :

  • DF liées à la couleur de la robe: alopécie des robes diluées (ARD) et DFPN
  • DF indépendantes de la couleur de la robe: alopécie récidivante des flancs, dysplasie folliculaire raciale (Braque de Weimar, Epagneul Pont-Audemer, Irish Water Spaniel …), alopécie X

D’une façon plus générale, les dysplasies folliculaires sont des génodermatoses et se caractérisent par une anomalie structurale des follicules pileux, responsable d’une alopécie plus ou moins étendue.

Plus particulièrement, la dysplasie folliculaire des poils noirs (DFPN), décrite en 1972 par Selmanowitz, se rencontre chez des chiens présentant dans leur robe des plages noires ou de couleur foncée (marron). Les races concernées sont très nombreuses : Basset Hound, Bearded Collie, Beagle, Caniche, Chihuahua, Cocker, Dobermann, Jack Russel terrier, Pointer, Setter Gordon, Teckel … Concernant le mécanisme d’apparition de la DFPN, il reste encore mal connu, mais, compte tenu des prédispositions raciales et de la description d’atteinte familiale, l’origine génétique ne fait aucun doute (Cf infra).

Cliniquement, la DFPN apparaît dans les premières semaines à mois de la vie du chiot et se traduit sans traitement par une perte complète des poils dans les zones noires au bout d’un an. Chez les chiens à pelage de plusieurs couleurs, c’est la couleur la plus foncée qui sera concernée.

Les poils présentent un aspect incurvé, tordus ou crochetés. Un squamosis et des comédons reflétant un trouble de la cornéogénèse peuvent être présents. Une pyodermite superficielle secondaire est régulièrement signalée, accompagnée alors parfois de prurit.

Microscopiquement, le trichogramme permet notamment d’observer des amas de grains de mélanine le long des poils, des fractures de la cuticule et des déformations des poils. Toutefois, ces « anomalies » pouvant se retrouver, dans une moindre mesure, sur des chiens sains à robe diluée, les biopsies sont indispensables pour poser un diagnostic définitif : anomalies structurales des futs pilaires (tortueux, incurvés), hyperkératose orthokératosique, mélanocytes épidermiques, dermiques et folliculaires remplis de grains de mélanine en amas.

Concernant le traitement, il est fondé sur des soins locaux kératomodulateurs lors  de squamosis ou de pyodermites superficielles. La complémentation en acides gras essentiels permet également d’améliorer la qualité du film lipidique de surface.

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Etiopathogénie et prévention

Souvent méconnues et sous-diagnostiquées, l’ARD et la DFPN (DFPN) ont été considérées pendant longtemps comme deux dermatoses différentes, mais certaines données tendent à faire penser qu’il s’agit en fait d’une expression différente (atteinte localisée ou généralisée) d’une même entité :

  • En 1990, Carlotti démontre sur des cas d’ARD et de DFPN qu’il n’existe pas de différences histopathologiques significatives entre ces deux affections.
  • En 1991, Miller propose l’hypothèse pathogénique suivante pour les dysplasies folliculaires liées à la couleur, en faisant intervenir le gêne de dilution des couleurs (l’allèle D, dominant, empêche la dilution, l’allèle d récessif entraîne la dilution de la couleur) : un allèle particulier, nommé d1, récessif pour la couleur par rapport à D, serait vecteur de la dysplasie folliculaire liée à la couleur de la robe (Cf. Tableau). Les formes variables de DFPN seraient en outre dues à une pénétrance variable et incomplète de d1.

Génotype de la dilution

Phénotype de la robe

Dysplasie folliculaire liée à la couleur

DD

Non diluée

Non

Dd

Non diluée

Non

Dd1

Non diluée

DFPN possible : robe non diluée mais portage de d1

dd

Diluée

 Non : chien sain à robe diluée

dd1

Diluée

Possible : chien à robe diluée mais DF dépend de la pénétrance de d1

d1d1

Diluée

Oui : ARD

 

Dès lors et puisqu’il n’existe pas à ce jour de test génétique de dépistage des dysplasies  folliculaires, il semble logique, afin de limiter la propagation de ces dermatoses au sein d’une race,

d’éviter de faire reproduire :

  • les chiens atteints, leur ascendance (parents) et descendance (chiots issus d’un chien atteint)
  • la fratrie d’un chien atteint (risque de portage du gêne)

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