Auteur : Marie-Christine Cadiergues – Juillet 2004
The RoyalVeterinaryCollege, Queen MotherHospital,
Hatfield AL97TA, United Kingdom.
École Nationale Vétérinaire
31076 Toulouse cedex 3
France.
Identification
Caline est un chat Européen femelle stérilisée de 10 ans.
Motif de consultation
Le chat est présenté à la consultation en juin 2002 pour un ulcère de la lèvre supérieure ne répondant plus à la corticothérapie.
Commémoratifs
Caline a été adoptée à l’âge de 2 mois et vit sans congénères chez ses propriétaires, disposant d’un libre accès à l’extérieur. Elle reçoit une alimentation du commerce à base d’aliments secs (Friskies â – distribution à volonté). Elle est traitée mensuellement contre les puces avec du fipronil (Frontline spot-on chat â) et elle est correctement vaccinée contre la panleucopénie, le coryza et la leucose.
Anamnèse
Les lésions ont débuté en 1997, au niveau de la lèvre supérieure. Un examen histopathologique a montré un tableau compatible avec des lésions du complexe granulome éosinophilique. De nombreux épisodes d’ulcère labial ont été traités par corticothérapie (Acétate de Méthylprednisolone, DépoMédrol® – Prednisolone, Hydrocortancyl®). Une disparition passagère des lésions est notée à la fin de chaque cure de corticoïdes. Cinq à dix jours après l’arrêt des traitements, il y a réapparition de l’ulcère.
Examen clinique général
L’animal est en bon état d’entretien (4,1 kg) mais apparaît abattu. La propriétaire signale une dysorexie depuis 3 ou 4 jours. Aucun commémoratif de diarrhée ou de vomissement n’est signalé, ni d’augmentation de la quantité d’eau bue et d’urine émise.
L’animal est normotherme, les muqueuses buccales et oculaires sont rosées. Les fréquences cardiaque et respiratoire sont normales. On note une hypertrophie des nœuds lymphatiques rétro-mandibulaires. Un réflexe laryngé est mis en évidence.
Examen clinique dermatologique
Examen à distance
A distance, le regard est immédiatement attiré par la lèvre supérieure qui présente sur la partie gauche une lésion mesurant 3 cm x 1 cm (photographie 1). Le faciès est déformé par l’épaississement de cette zone. D’autre part, une zone alopécique de 15 cm x 5-6 cm est visible sur l’abdomen ; la surface est érythémateuse, plusieurs ulcères d’une dizaine de mm de diamètre sont visibles (photographie 3).
Photo 1 : Vue de la tête.
Photo 3 : Vue de l’abdomen.
Noter l’alopécie, l’érythème et les ulcères.
Examen dermatologique rapproché
La lèvre supérieure apparaît très épaissie à gauche, douloureuse lors de la manipulation. Sa surface est entièrement ulcérée (photographie 2). On note également une perte de substance au niveau de la périphérie de la truffe. La peau de la zone abdominale est fine. Aucune papule ou pustule n’est relevée. Seuls de l’érythème et des ulcères sont visibles.
Photo 2 : Vue rapprochée de la lèvre supérieure.
Noter l’intensité de l’épaississement et de l’ulcération
Synthèse clinique
Chat Européen femelle stérilisée de 10 ans ayant accès à l’extérieur, dont l’état général est légèrement altéré (dysorexie), présentant une lésion de la lèvre supérieure qui évolue sur un mode chronique (5 ans).
La lèvre présente sur sa partie supérieure gauche un épaississement important, sa surface est ulcérée. En outre, une lésion alopécique, érythémateuse et ulcérative est visible sur l’abdomen.
La lésion labiale est de moins en moins sensible à la corticothérapie au fil du temps.
Hypothèses diagnostiques
Les hypothèses à envisager sont un ulcère atone, un carcinome épidermoïde, un lymphome T épithéliotrope, un mastocytome..
Examens complémentaires réalisés
Recherche FeLV – FIV
La recherche est effectuée à l’aide d’un test rapide (Snap® Combo Plus FeLV/FIV), elle est négative.
Bilan biochimique et hémogramme
Les dosages biochimiques plasmatiques révèlent une augmentation significative de la protéinémie (104 g/L ; v.u. 55-71 g/L) et de la glycémie (14.3 mmol/L ; v.u. 4.2-11 mmol/L). Les paramètres rénaux sont compris dans les valeurs usuelles. L’hémogramme et la numération formule sanguine mettent en évidence une leucocytose (25.7 10 9/L ; v.u. : 5-19 10 9/L) avec neutrophilie (16.19 10 9/L ; v.u. : 2.5-12.8 10 9/L), monocytose et lymphopénie modérées, et éosinophilie marquée (5.14 10 9/L ; v.u. : 0.1-1.5 10 9/L).
Examen cytologique de la surface cutanée
Le calque cutané effectué à la surface des lésions (coloration RAL®) montre un profil éosinophilique avec invasion bactérienne (photographie 4).
Photo 4 : Examen cytologique de surface (R.A.L. x 1000).
On note un profil mixte : éosinophilique et neutrophilique avec figures de phagocytose.
Examen histopathologique de biopsies cutanées
Des biopsies sont réalisées au niveau labial et abdominal. Sur les deux sites, l’analyse histopathologique révèle une infiltration dermique massive, polymorphe à dominante éosinophilique. Des foyers de collagénolyse sont visibles. Aucune image suspecte de malignité n’est relevée. Dans ce contexte clinique, ce tableau histopathologique est fortement d’une lésion du complexe granulome éosinophilique.
Diagnostic
Diagnostic lésionnel
La conjonction de ces examens complémentaires avec le tableau clinique nous conduit à établir le diagnostic d’ulcèreatone, lésion du complexe granulome éosinophilique.
Diagnostic étiologique
Les causes du complexe granulome éosinophilique sont variées, mais il s’agit majoritairement de causes allergiques et/ou parasitaires, éventuellement bactérienne (une origine génétique est également évoquée mais dans ce cas, les lésions surviennent chez de jeunes animaux). Nous avons donc mis en œuvre une démarche d’éviction allergénique compatible avec le mode de vie de l’animal associée à une antibiothérapie.