Auteur : Eric Florant – Septembre 2008
Ces de Dermatologie – Ex chargé de consultation de dermatologie ENVA
Clinique vétérinaire Les Sablons
78370 Plaisir
Motif de consultation
Une femelle Golden Retriever âgée de trois ans, nous est référée pour une dermatose prurigineuse évoluant depuis 3 mois. Un traitement antibiotique de 3 semaines a été prescrit, avec une amélioration passagère suivie d’une aggravation rapide
Commémoratifs
Cette chienne vit en maison, a une alimentation industrielle, n’a jamais voyagé dans une région à risque. Elle est traitée régulièrement avec un antiparasitaire externe en spot on (Front line combo) et vermifugée 2 fois par an avec un vermifuge polyvalent. Elle n’a aucun antécédent médical.
Anamnèse
La propriétaire nous signale que sa chienne a toujours eu une peau sèche avec des « pellicules » et que la peau de son abdomen a toujours été noire, mais que cela ne l’avait jusque là pas inquiétée, car la chienne ne se grattait pas. Les signes ont augmenté avec le temps jusqu’à l’apparition des démangeaisons.
Examen général
L’examen général de la chienne est normal
Examen dermatologique
La chienne présente un état kératoséborrhéique marqué, avec des squames blanches de taille moyenne à grande sur le dos, et des squames grisâtres sur le bas du corps (pattes, bas du thorax, abdomen) (photos). On note également la présence de papules, de pustules et de lésions de grattage. Le reste du corps, et en particulier les oreilles (pavillons internes et conduits), les espaces interdigités, les lèvres, les paupières n’ont aucune lésion.
Une odeur forte est signalée par le propriétaire.
Diagnostic différentiel
Face à une dermatose prurigineuse chez un Golden Retriever jeune présentant un état kératoséborrhéique marqué avec la présence de papules et de pustules, une pyodermite plus ou moins associée à une dermatite à Malassezia est probable, mais un diagnostic différentiel doit être fait. En présence de pustules avec un état kératoséborrhéique, il faut toujours vérifier l’absence d’une démodécie, d’une dermatophytose, ainsi que d’une gale sarcoptique (prurit). Concernant la cause primaire, il convient de rechercher une cheyletiellose, une leishmaniose, une ichtyose, un lymphome cutané épithéliotrope, ou une adénite sébacée granulomateuse
Examens complémentaires immédiats
- Des calques cutanés confirment la pyodermite: coccis phagocytés dans des neutrophiles
- Les scotchs tests et les raclages cutanés sont négatifs.
- Un examen à la lampe de wood, et un examen des poils et des squames au microscope ne montre pas d’éléments en faveur d’une dermatophytie
À ce stade, nous confirmons uniquement la pyodermite, et nous éliminons, d’après l’aspect clinique, l’anamnèse et les examens complémentaires immédiats, la cheyletiellose, la démodécie, la leishmaniose, l’adénite sébacée. Une gale sarcoptique associée ne peut être totalement éliminée, car les raclages sont parfois négatifs. L’aspect clinique, l’âge et la race concernée sont très en faveur d’une ichtyose avec une pyodermite secondaire.
Traitement
Nous prescrivons un traitement de la pyodermite, ainsi qu’un traitement pour améliorer l’état kératoséborrhéique.
Etant donné l’échec relatif du traitement précédent, nous changeons d’antibiotique, et nous prescrivons de l’amoxicilline acide clavulanique à la dose habituelle de 12,5mg/kg matin et soir pendant 4 semaines minimum, c.a.d. jusqu’au contrôle suivant.
Des shampooings antiséborrhéiques hebdomadaires (Douxo séborrhée) sont prescrits avec entre 2 shampooings l’application de topiques régulateur de la séborrhée en spot on (Douxo séborrhée spot on)
Nous préconisons un changement de traitement antiparasitaire externe, car les spot ons classiques diffusent mal sur une peau lésée: nous laissons le choix entre le Stronghold et l’Advocate une fois par mois.
Suivi
Un mois après la chienne est revue en consultation. La propriétaire signale que les démangeaisons ont disparu au bout de 2 semaines, que l’odeur est moins forte et qu’il y a moins de squames. A l’examen clinique, les signes de pyodermite ont disparu, il persiste un squamosis nettement moins important. Nous proposons à la propriétaire de réaliser des biopsies, après avoir stoppé pendant 1 semaine les traitements topiques, afin de confirmer l’hypothèse d’une ichtyose. L’antibiothérapie est maintenue 10 jours de plus (tout traitement antibiotique pour une pyodermite doit être prolongé 7 à 10 jours après la guérison clinique).
Examens complémentaires différés
L’examen histopathologique des biopsies cutanées montre une hyperkératose orthokératosique lamellaire plus ou moins marquée, assez compacte par endroits, et s’étendant parfois à certains infundibulums. Cet aspect est en faveur d’une ichtyose non épidermolytique.
Diagnostic
Ce Golden Retriever présente une ichtyose, qui s’était, en l’absence de soins, surinfectée (pyodermite superficielle).
Suivi
Avec le maintien d’un shampooing antiséborrhéique toutes les semaines ou toutes les 2 semaines et l’application entre 2 shampooings de topiques régulateur de la séborrhée en spot on (Douxo séborrhée spot on), la chienne n’a pas jusque là eu de nouvelles surinfections, et garde un aspect satisfaisant malgré son ichtyose.
Discussion
Les ichtyoses regroupent un ensemble de dermatoses secondaires à des troubles héréditaires et congénitaux de la cornéogénèse.
Étiopathogénie: les ichtyoses sont la conséquence d’un défaut d’une ou de plusieurs étapes intervenant dans la différenciation de la couche cornée. Les mécanismes sont encore mal connus chez le chien, d’où une classification difficile.
Chez l’homme, les formes d’ichtyoses sont nombreuses, et différents critères sont utilisés pour les distinguer: l’âge d’apparition, la localisation, la morphologie histologique et ultrastructurale, le mécanisme moléculaire et le mode de transmission génétique.
Chez le chien, pour l’instant, on distingue deux formes d’ichtyose selon l’aspect histopathologique (2,3): les ichtyoses épidermolytiques, dues à un défaut des kératines épidermiques, et les ichtyoses non-épidermolytiques, dues à un défaut d’activité de la transglutaminase, enzyme indispensable à la formation de l’enveloppe cornée. Les ichtyoses épidermolytiques sont plus particulièrement observées chez les terriers de Norfolk, et probablement le Cavalier King Charles (cas isolés observés chez des croisés Labrador, et des Rhodesian Ridgeback). Les ichtyoses non épidermolytiques le sont chez le Golden Retriever, le Cairn Terrier, le Jack Russel Terrier et le Bouledogue Américain (cas isolés décrits chez des West Highland White Terrier, Soft Coaten Wheaten Terrier, Pit Bull Terrier, Dobermann, Rottweiler, Setter Irlandais, Colley, Manchester Terrier, Australian Terrier, Yorkshire Terrier et quelques races croisées) (2,3).
Ces génodermatoses sont rares, mais la prévalence a nettement augmenté ces dernières années chez le Golden Retriever.
Une étude récente montre que l’index de prolifération (Ki 67) des kératinocytes de Golden Retrievers atteints n’est pas modifié, et une étude en microscopie électronique révèle la persistance de nombreux cornéodesmosomes ainsi que des structures hyalines au niveau du stratum corneum. Ces résultats sont en faveur d’une ichtyose par rétention, plutôt qu’une ichtyose par prolifération (4).
Cliniquement l’ichtyose du Golden Retriever se caractérise par des squames de taille moyenne à grande, plus ou moins adhérentes aux poils, souvent de coloration grisâtre en région déclive, alors que sur la partie supérieure du tronc elles sont plutôt blanchâtres. Une mélanose est souvent visible sur le bas du corps. Le prurit est absent, sauf en présence de complications infectieuses (pyodermite et/ou dermatite à Malassezia), ou en cas d’association avec une autre pathologie telle qu’une dermatite atopique fréquente chez le Golden Retriever.
Les signes sont visibles chez des animaux jeunes comme la majorité des génodermatoses. Cependant le diagnostic peut être tardif, car certains propriétaires ne sont pas forcément gênés les premières années.
Le diagnostic différentiel est important chez le Golden Retriever adulte. Les causes principales d’état kératoséborrhéiques à envisager sont la cheyletiellose, la démodécie, la leishmaniose, une dermatophytose, un lymphome cutané épithéliotrope, voire une adénite sébacée granulomateuse.
Le diagnostic est basé sur l’anamnèse (race et âge d’apparition), les signes cliniques (grandes squames grisâtres) et l’examen histopathologique (hyperkératose orthokératosique lamellaire à compacte d’intensité variable, localisée à l’épiderme, et pouvant d’étendre aux infundibulums).
Le traitement est exclusivement symptomatique et consiste en l’application de topiques (sous forme de shampooings, sprays et spot on) visant à éliminer (voire diminuer la production) des squames en excès (kératomodulateurs) et réhydrater la peau (émollients).
La supplémentation en acides gras essentiels est recommandée.
Dans les cas les plus sévères, les rétinoïdes de synthèse peuvent être essayés. Ils agissent en modulant la différenciation de l’épiderme (freination de la cinétique). L’acitrécine est utilisée à la dose de 0,5 à 1mg/kg/j par voie orale au moment d’un repas. Les effets secondaires de ce type de traitement sont fréquents: kératoconjonctivite sèche, perturbation hépatique (augmentation des ALAT, hyperlipémie), tératogénèse (3).
Bibliographie
- Cochet-Faivre N, Degorce Rubiales F et Prelaud P Ichtyose cutanée chez un golden retriever, Point Vétérinaire, 2007, 38, 63-66
- Credille K.M., Dunstan R.W. Troubles génétiques de la cornéogenèse, in Guide pratique de dermatologie canine, Guaguère E, Prélaud P, Merial 2006, pp 440-442
- Gross TL, Ihrke PJ, Walder EJ and all Skin diseases of the dog and cat, Clinical and histopathological diagnosis, 2nd Ed, Blakwell Science Ltd, Oxford, UK, 2005, pp 174-179
- Guaguere E, Bensignor E, Muller A. and all Epidemiological, clinical, histopathological and ultrastructural aspects of ichtyosis in golden retrievers: a report of 50 cases, in abstracts of the 22th Annual Congress of the ESVD-ECVD, 13-15 sept 2007, Mainz, Germany
- Scott DW, Miller JWH, Griffin CE Muller and Kirk’s Small Animal Dermatology. 6th edition Philadelphia Saunders 2001