Auteur : Christian Collinot – Février 2011
Clinique vétérinaire du ROC
117, avenue du maréchal LECLERC
86100 CHATELLERAULT
Anamnèse
Merlin est un chien mâle de race Terre Neuve de 8 ans. Il est correctement vacciné et reçoit régulièrement des APE et API. Il est nourri avec une alimentation industrielle de bonne qualité. Il a fait une piroplasmose à un an et une autre à six ans. A cinq ans, sa bouche a fait connaissance avec des chenilles processionnaires et la guérison s’est effectuée sans séquelles. Il n’a aucun passé dermatologique.
Commémoratifs
Il est vu une première fois en décembre pour des lésions mimant des hot spots, accompagnées d’un squamosis important sur le dos et de lésions croûteuses sur le ventre et les membres. Suite à un diagnostic de suspicion de pyodermite, un traitement à base de quinolone est institué. Les propriétaires ont choisi l’utilisation d’enrofloxacine à 10% (présentation buvable pour animaux de ferme hors AMM d’espèces pour le chien) à la dose de 5mg/kg/j soit 3,5ml de la solution associée à des shampooings à la chlorhexidine. Le traitement n’a donné aucun résultat et le chien devient de plus en plus algique. Malgré les soins généraux et locaux, le suintement et une odeur forte sont de plus en plus présents.
Examen clinique
Merlin a perdu du poids, il s’alimente irrégulièrement et est algique notamment lors de manipulations. Par contre l’examen général ne révèle rien de particulier.
Examen dermatologique
De loin, ce sont les lésions ventrales qui attirent l’œil en premier. La peau est érythémateuse et les poils sont collés, résultat d’exsudat mais aussi du mâchonnement et du léchage.
Photo 1 : lésions plus visibles ventralement
Les lésion sont réparties sur tout le corps, pattes, dos, tête et ventre, même, si n’étant pas alopéciantes, elles restent beaucoup plus discrètes sur le dos où l’on trouve principalement des squames-croûtes.
On visualise directement les lésions sur le ventre et les cuisses où le poil est moins dense.
Photo 2 : lésions du ventre
Les poils sont collés, la peau est le siège des lésions érythémateuses.
Photo 3 : poils collés et lésions érythémateuses
La peau semble infiltrée par des cordons qui sont ulcérés par endroits. On voit des zones hyperpigmentées.
Photo 4 : cordons érythémateux avec ulcération, zones hyperpigmentées
Le suintement est important et agglomère les poils.
Photo 5 : poils agglomérés par le suintement
On retrouve les mêmes lésions partout sur le corps.
Photo 6 : lésions croûteuses d’un antérieur
Photo 7 : après tonte de la patte, infiltration et ulcérations
Photo 8 : lésions corporelles après tonte
Photo 9 : résumé des lésions
En résumé (photo 9) : infiltration en cordons érythémateux plus ou moins arciformes ou en plaques (flèche rouge), avec ulcérations sur ces zones infiltrées (flèche bleue) associées à un exsudat formant des croûtes agglomérant le poils (flèche jaune) et hyperpigmentation (flèche noire).
Des lésions infiltrées plus nodulaires sont présentes sous la truffe,
Photo 10 : infiltrations nodulaires sous la truffe
Et le bord des lèvres est complètement infiltré.
Photo 11 : lèvres infiltrées
On retrouve aussi des infiltrations du bord de la paupière.
Photo 12 : infiltration du bord de la paupière
Hypothèses diagnostiques :
- Maladie auto-immune
- Processus néoplasique dont lymphome épithéliotrope
- Érythème polymorphe majeur
- Pyodermite infectieuse
- Érythème nécrolytique migrant
Examens complémentaires
Des calques cutanés sont effectués. Deux lectures différentes en zone ulcérée croûteuse :
- prédominance de polynucléaires neutrophiles et de nombreux coques extracellulaires mais aussi intracellulaires, présence d’histiocytes et de quelques cellules mononuclées en amas.
- Par pression sur un cordon érythémateux : présence de cellules mononuclées de type lymphocytes ou lymphoblastes en grande quantité.
Photo 13 : présence de cellules mononuclées sur la calque
Cinq biopsies au punch de 6 sont effectuées :
- plaque ulcérée
- plaque érythémateuse
- plaque érythémato-ulcéro-croûteuse
- cordon érythémateux en relief
- plaque hyperpigmentée.
Compte rendu du LAPVSO : Cinq biopsies cutanées sont examinées selon différents niveaux de section et après réaction au PAS. On observe un épiderme faiblement hyperplasique, siège d’une hyperkératose orthokératosique modérée et d’une exocytose assez régulière, multifocale à diffuse, intéressant également l’infundibulum folliculaire. Il s’agit d’une exocytose de cellules mononuclées qui a tendance à former des collections cellulaires intra-épithéliales de type « micro-abcès de Pautrier. Il s’agit surtout d’une exocytose de petites cellules à fort rapport nucléo-cytoplasmique, au noyau plicaturé, convoluté, à chromatine pâle, piquetée autour de discrets nucléoles et à cytoplasme peu étendu, pâle en couronne. Ces éléments sont parfois mitotiques. Focalement, ils sont visibles à l’interface des glandes sébacées et dans la paroi des glandes sudorales. En outre, cet infiltrat quelque peu atypique et convoluté, mononucléé, se retrouve autour des vaisseaux du derme superficiel où il est associé à quelques cellules mastocytaires et plasmocytes.
Conclusion : la cytologie et l’architecture sont en faveur d’un lymphome T cutané de type cérébriforme, rappelant le mycosis fongoïde humain (au stade érythémateux principalement).
Photo 14 : histologie, infiltration par cellules mononuclées
Photo 15 : histologie « micro-abcès » de Pautrier
Diagnostic
Il s’agit d’un lymphome épithéliotrope