Auteur : Eric Florant – Mars 2011
Ces de Dermatologie – Ex chargé de consultation de dermatologie ENVA
Clinique vétérinaire Les Sablons
78370 Plaisir
Motif de consultation
Un chien Labrador nous est référé pour une dermatose prurigineuse récidivante évoluant depuis 4 mois
Commémoratifs et anamnèse
Ce chien mâle âgé de 2,5 ans sans antécédent présente depuis le mois de juin, une dermatose prurigineuse ayant conduit le vétérinaire traitant à prescrire un traitement antiparasitaire externe Advocate ® (moxidectine + imidaclopride ), puis divers traitements antibiotiques et corticoïdes. Les lésions se sont améliorées momentanément, puis la dermatose s’est aggravée.
Dans le questionnaire rempli par les propriétaires, le seul élément qui attire notre attention concerne le fait que le chien a accompagné ses maîtres en vacances l’été précédent dans le sud de la France.
Examen clinique
Les propriétaires signalent une fatigue, et un amaigrissement modéré. Nous notons une hypertrophie nette des ganglions. Le chien présente une dermatose généralisée, plus marquée sur la face et les pattes : état kérato-séborrhéique important (en particulier érythème et squamosis net avec des squames de grande taille) ainsi que des ulcérations au niveau des articulations, des paupières et des oreilles.
Bilan clinique
Nous sommes en présence d’une dermatose kératoséborrhéique prurigineuse généralisée avec une hypertrophie ganglionnaire et une atteinte de l’état général chez un labrador de 2 ans ayant séjourné dans le Sud pendant l’été ne répondant pas aux corticoïdes et aux antibiotiques.
Hypothèses diagnostiques
Leishmaniose, démodécie, dermatophytie, gale sarcoptique, lymphome cutanéo-muqueux épithéliotrope, adénite sébacée granulomateuse, ichtyose.
Hypothèses |
Arguments en faveur |
Arguments contre |
Examens complémentaires |
Leishmaniose |
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Démodécie |
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dermatophytie |
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Gale sarcoptique |
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Lymphome cutanéomuqueux |
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Adénite sébacée granulomateuse |
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Examens complémentaires immédiats
Les raclages sont négatifs, le trichogramme est normal, l’examen à la lampe de Wood est négatif
Les calques cutanés montrent au niveau des zones ulcérées de nombreux coccis phagocytés dans des neutrophiles, et au niveau des zones squameuses des Malassezia en grand nombre
Le bilan sanguin révèle une hyperprotidémie 91mg/ml (52-82) avec une hyperglobulinémie 63g/l (25-45) et une albuminémie plutôt basse 28 (27-38), une anémie GR : 4,4M/l (5,5-8,5), Hgb 10,4g/dl (12-18), hématocrite 31,9% (37-55)) et une thrombopénie 133000/mm3 (175000-500000).
La sérologie montre la présence d’anticorps anti-leishmania à un taux de 2560 (<80) et l’électrophorèse des protéines sériques un pic marqué en gammaglobulines.
Diagnostic
Le chien est donc bien atteint d’une leishmaniose à un stade II (voir discussion)
Traitement
Des injections sous cutanées quotidiennes d’antimoniate de méglumine ( Glucantime ®) sont prescrites à raison de 75 mg/kg/ jour pendant 4 semaines, ainsi qu’un traitement par voie orale d’allopurinol à raison d’environ 10mg/kg/ jour
Le dernier traitement antibiotique commencé peu de temps avant par le vétérinaire traitant à base de marbofloxacine est maintenu pour traiter la pyodermite secondaire ainsi que pour son action potentielle sur les leishmanies.
Des shampooings à base de miconazole 2% et chlorhexidine 2% (Malaseb ® ) pour contrôler la dermatite à Malassezia sont préconisés.
Évolution
Au contrôle 1 mois après, on note une très nette amélioration des lésions, les ganglions ont retrouvé leur taille normale, le chien est plus tonique. La numération formule réalisée montre une normalisation des globules rouges et des plaquettes. Nous continuons pour 15 jours de plus l’association Glucantime et Allopurinol puis l’allopurinol seul.
Au contrôle suivant 3 mois après, le chien est redevenu cliniquement normal, il a repris du poids et est en pleine forme. Le bilan biochimique et hématologique est normal. La sérologie a diminué de 2560 à 640. Le traitement à base d’allopurinol seul est maintenu avec une surveillance tous les 6 mois (bilan biochimique, hématologique, sérologique et urinaire)
Discussion
La leishmaniose est une maladie grave, pas toujours facile à diagnostiquer de part le caractère polymorphe des signes cliniques. La zone d’endémie ayant tendance à s’étendre amène à l’inclure dans le diagnostic différentiel des dermatoses kératoséborrhéiques et/ou ulcératives. L’objectif de ce cas clinique n’est pas de reprendre tous les aspects de cette maladie, mais de faire un focus sur certains points suite à la publication des travaux d’un groupe d’experts (Leishvet, 2009 référence 1)
La notion de stade clinique
Stades | Signes cliniques | Examens complémentaires | Pronostic | Traitement |
I |
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ou
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ou
ou
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II |
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à
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Ou
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III
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à
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Ou
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IV |
ou
ou
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Les signes cliniques les plus fréquents (fréquence décroissante) sont les lésions cutanées, l’adénomégalie généralisée, la perte de poids progressive, l’amyotrophie, l’intolérance à l’effort, la léthargie, la splénomégalie, la PUPD, les lésions oculaires, l’épistaxis, l’onychogryphose, les boiteries, les vomissements, et les diarrhées.
La démarche diagnostique
La démarche diagnostique est reprise dans cet algorithme, à noter que les sérologies quantitatives sont préférées aux tests rapides qualitatifs.