Un cas de gale sarcoptique associé à une ichtyose


Auteur : Emmanuel Bensignor – Juin 2011
Spécialiste en dermatologie vétérinaire
DESV Dermatologie, DIP ECVD, CES Dermatologie
Consultant en dermatologie
75003 Paris, 35510 Rennes-Cesson, 44000 Nantes


La dermatologie est une discipline par définition visuelle. Dans ce contexte, certaines entités peuvent avoir un aspect « classique » qui fait évoquer un diagnostic très rapidement lors de l’examen clinique. Il faut toutefois se méfier des raccourcis dans certains cas, et toujours réaliser un examen dermatologique complet en suivant les phases habituelles classiques de la consultation que sont l’anamnèse, l’examen clinique et la réalisation d’examens complémentaires adaptés avant de faire le diagnostic, sous peine d’erreurs, comme illustré par ce cas clinique.

Anamnèse

Un chien Golden retriever, mâle âgé de trois ans, est présenté à la consultation pour des lésions prurigineuses et squameuses évoluant depuis plusieurs mois.

L’animal vit en pavillon avec jardin, sans congénère. Il est régulièrement promené autour d’un étang. Son alimentation, industrielle sèche, est de bonne qualité. Il est régulièrement traité contre les puces et les tiques (application mensuelle d’un spot-on contenant une association d’un insecticide et de perméthrine). Les vaccinations sont à jour. Le passé pathologique ne rapporte pas d’anomalie notable. L’animal séjourne une fois par an en Corse pendant les vacances d’été.

La propriétaire a remarqué les lésions quelques mois plus tôt. Elle décrit initialement des « pellicules » de couleur « sale », d’abord sur l’abdomen puis sur l’ensemble du corps, qui nécessitent des passages répétés de l’aspirateur. Un prurit est apparu secondairement, initialement localisé sur la face, puis ayant tendance à l’extension sur les grands plis puis sur tout le corps. L’extension de la dermatose a justifié la consultation chez son vétérinaire.

Un diagnostic d’ichtyose a été réalisé sur la base de la présence des squames généralisées et un traitement a été mis en place avec un shampooing antiséborrhéique à base d’acide salicylique une fois par semaine. Une amélioration modérée de l’état kératoséborrhéique a été remarquée suite à cette thérapeutique, mais le prurit a eu tendance à s’aggraver. Le traitement topique a alors été modifié pour l’application d’un autre shampooing antiséborrhéique à la phytosphingosine, suivi de la pulvérisation d’un émollient non gras. Là encore une amélioration de l’état kératoséborrhéique est rapportée, sans effet sur le prurit. Devant l’absence d’amélioration marquée, des biopsies cutanées ont alors été réalisées et ont montré des lésions d’hyperkératose orthokératosique et d’hyperplasie épidermique compatibles avec une génodermatose de type ichtyose. En conséquence, un traitement avec un rétinoïde de synthèse utilisé chez l’homme pour l’acné et les troubles de la kératinisation a été entrepris en association avec une antibiothérapie par voie orale pendant un mois sans grande amélioration. L’animal a alors été référé à la consultation spécialisée.

Examen clinique

L’examen clinique général est normal, hormis un embonpoint modérément important (photo 1). L’examen dermatologique à distance montre des lésions localisées sur toute la surface cutanée. Sur la surface abdominale ventrale et sur le thorax, de nombreuses squames sont présentes. Elles sont de taille variable. Les grandes squames, peu adhérentes, sont foncées et parfois franchement noires, alors qu’il est possible de noter la présence de squames plus fines, blanchâtres, adhérentes à la peau sous-jacente, qui est parcheminée (photo 2). Par ailleurs, des lésions d’excoriations sont présentes sur les grands plis, la face et les pavillons auriculaires (photo 3). Ces zones montrent un fond érythémateux et par endroits, à l’examen rapproché, il est possible de visualiser des papules et des croûtes (photo 4).

 

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 Photo 1 : vue éloignée de l’animal
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Photo 2 : vue rapprochée du thorax : présence de grandes squames
noirâtres plus ou moins adhérentes, la peau est parcheminée

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 Photo 3 : vue de la face : présence d’alopécie et d’érythème
sur un pavillon auriculaire
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Photo 4 : vue rapprochée : présence d’érythème et d’excoriations

Hypothèses diagnostiques

Les hypothèses diagnostiques envisagées pour le squamosis regroupent principalement un trouble primaire de la kératinisation de type ichtyose (comme évoqué par l’examen histopathologique réalisé antérieurement) mais une cheyletiellose, une toxidermie et une leishmaniose sont également envisagées. Pour le prurit, les excoriations et les lésions papuleuses sur fond érythémateux, localisées sur les grands plis et la face, nous envisageons une cheyletiellose, surtout une gale sarcoptique, et éventuellement une dermatite allergique débutante.

Examens complémentaires

Des raclages cutanés sont réalisés sur les papules des coudes et sur les pavillons auriculaires. Il est possible de mettre en évidence la présence d’un acarien adulte, identifié comme Sarcoptes scabiei var. canis du fait de ses caractéristiques morphologiques (photo 5). Deux oeufs sont également présents. Les examens cytologiques réalisés par test au ruban adhésif coloré ne montrent pas d’anomalie. Une sérologie leishmaniose, réalisée par précaution, se révèlera négative.

 

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Photo 5 : examen microscopique direct d’un raclage cutanés
présence d’un Sarcoptes scabiei

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