Un cas de dermatose améliorée par le zinc chez un chien adulte


Auteur : Marie-Christine Cadiergues
The RoyalVeterinaryCollege, Queen MotherHospital,
Hatfield AL97TA, United Kingdom.

École Nationale Vétérinaire
31076 Toulouse cedex 3
France.


Commémoratifs

Pluto est un chien mâle, non castré, de race Berger des Pyrénées âgé de 6 ans. Il est présenté mi-mars à la consultation de dermatologie de l’Ecole Nationale vétérinaire de Toulouse en raison d’une dermite érosive et croûteuse péri-oculaire sévissant depuis 2 mois.

Pluto a été acheté à l’âge de 3 mois dans un élevage. Depuis, il vit en compagnie d’un chat dans une villa avec jardin en périphérie de Toulouse, mais séjourne épisodiquement à Perpignan. Il couche à l’intérieur, dans le salon dans un panier en mousse recouverte de tissu ; la fraction de temps passé à l’extérieur est estimée à 50%. Son alimentation est principalement industrielle, achetée en grande surface (produits promotionnels de préférence), composée d’un mélange d’aliments secs et d’aliment humide distribués selon les recommandations du fabricant en deux repas quotidiens.

Le chien est correctement vacciné contre la maladie de Carré, l’hépatite de Rubarth, la parvovirose, la leptospirose et la rage. La lutte contre les puces est effectuée de façon irrégulière, le dernier traitement a été réalisé en septembre. Aucune affection particulière n’est signalée.

Anamnèse

Mi-janvier, des dépilations apparaissent autour des yeux. Aucun prurit n’est signalé. Un confrère consulté à ce stade prescrit un complément alimentaire à base d’acides gras essentiels après avoir effectué plusieurs raclages cutanés qui se sont avérés négatifs. Les lésions deviennent croûteuses puis des démangeaisons ainsi que des saignements sont notés ce qui motive une nouvelle consultation.

Examen clinique

Examen général

L’animal est en bon état d’entretien, son poids est de 15 kg, sa température rectale est de 38,2 °C. L’examen général ne révèle aucune anomalie hormis une adénomégalie rétromandibulaire bilatérale. La propriétaire ne signale pas de changement de comportement de soif ou alimentaire, par contre l’animal semble plus apathique par périodes depuis quelques semaines. Un prurit estimé à 3 sur une échelle de 0 à 5 est noté.

Examen dermatologique à distance

A distance, on note des lésions bilatérales limitées au pourtour oculaire. Elles apparaissent alopéciques et hyperpigmentées et s’étendent sur une surface de 2 cm de diamètre environ (photo 1).

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Examen dermatologique rapproché

L’examen rapproché montre une blépharite alopécique, hyperpigmentée, ulcérative et squamo-croûteuse (photo 2). Le reste de la surface est normal.

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Synthèse clinique – hypothèses diagnostiques – examens complémentaires – diagnostic.

Chien mâle non castré, B. des Pyrénées de 6 ans, en bon état d’entretien, périodiquement apathique, présentant depuis 2 mois une blépharite bilatérale prurigineuse, alopécique, hyperpigmentée, ulcérative et squamo-croûteuse associée à une adénomégalie rétromandibulaire.

Les principales hypothèses diagnostiques à envisager sont une démodécie, une dermatose de type auto-immun, un trouble de la kératinisation secondaire telle une leishmaniose ou un trouble primaire telle une dermatose répondant à l’administration de zinc.

Les examens complémentaires réalisés sont des raclages cutanés qui sont négatifs, une cytologie de surface à dominante neutrophilique avec de nombreuses figures de phagocytose de cocci ; un dosage par immunofluorescence indirecte des anticorps anti-leishmanies qui est négatif ; un examen histopathologique de plusieurs biopsies cutanées qui révèle une dermatite superficielle hyperplasique avec hyperkératose parakératosique diffuse, une réaction inflammatoire périvasculaire avec un infiltrat lymphocytaire mais surtout neutrophilique, une spongiose diffuse, associée à la présence de pustules contenant des granulocytes neutrophiles dégénérés avec présence de nombreuses bactéries. L’ensemble de ces lésions est d’une grande compatibilité avec la dermatose répondant à l’administration de zinc.

Traitement

Une supplémentation en zinc est prescrite (Zincaderm®), à raison de 1,5 comprimés par jour associée à une corticothérapie orale à base de prednisolone (0,1 mg/kg q. 24 h.) et une antibiothérapie orale (Céphalexine 15 mg/kg q. 12 h. – Rilexine® 300).

Un régime alimentaire de meilleure qualité à base de protéines hyperdigestibles est également préconisé.

Évolution

L’animal est revu deux semaines plus tard. Le propriétaire rapporte la disparition des périodes apathiques et du prurit. L’adénomégalie a régressé. L’intégrité cutanée est restaurée : les ulcères et les squamo-croûtes ont disparu (photos 3 & 4). Seules persistent l’hyperpigmentation et l’alopécie, mais on perçoit à l’examen rapproché un début de repousse pilaire. La supplémentation en zinc est poursuivie à l’identique ainsi que le régime alimentaire. Deux mois plus tard, la peau a retrouvé un aspect totalement normal, la repousse pilaire est complète. Le traitement est arrêté. Un contrôle effectué 6 mois plus tard ne montre aucune récidive.

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Discussion

La dermatose améliorée par le zinc est une dermatose rare du chien, plus fréquemment rencontrée lors de périodes de forts besoins métaboliques (croissance, puberté, gestation, lactation, affections intercurrentes, efforts intenses). Certaines races sont prédisposées comme les Siberian Husky ou les Alaskan Malamutes, cependant cette affection a été décrite dans d’autres races : Labrador retriever, Golden retriever, Dogue allemand, Beauceron, Berger allemand…Classiquement, deux syndromes sont décrits : le syndrome I survient principalement chez des chiens de race nordique, alimentés avec une ration correctement équilibrée, ces animaux semblent incapables d’absorber correctement le zinc même lorsque leur ration est correcte, ils nécessitent alors une supplémentation durant toute leur vie. Le syndrome II survient chez de jeunes animaux ou sur des animaux soumis à un stress important alors qu’ils sont alimentés avec une ration pauvre en zinc, riche en phytates (rations à base de céréales) ou en calcium (qui chélate le zinc dans la nourriture et empêche son absorption).

La dominante clinique est une dermatose érythémato-croûteuse à localisation péri-orificielle et au niveau des points de pression. Les lésions sont habituellement bien délimitées, recouvertes de squames épaisses et adhérentes ou des squame-croûtes, et entourées d’une zone érythémateuse. Le prurit est souvent marqué. Les complication infectieuses, bactériennes ou fongiques, sont fréquentes. Une polyadénomégalie ainsi qu’une atteinte de l’état général avec syndrome fébrile cyclique sont souvent notées et peuvent précéder l’apparition des lésions cutanées.

Le diagnostic repose sur l’examen histopathologique de biopsies cutanées. Les lésions observées sont une dermatite superficielle hyperplasique avec hyperkératose parakératosique diffuse et, dans les cas graves infundibulaire. Une réaction inflammatoire périvasculaire est fréquente avec un infiltrat à dominante lymphocytaire mais également d’autres cellules mononuclées et quelques granulocytes dont des éosinophiles. Une infiltration neutrophilique plus intense, une spongiose diffuse, la formation de pustules ou des lésions de folliculites sont présentes dans le cas de complications bactériennes et/ou fongiques (Malassezia). L’ensemble de ces lésions est d’une grande compatibilité avec la dermatose répondant à l’administration de zinc. La mesure de la concentration sanguine en zinc ou son dosage dans le poil n’ont aucun intérêt.

Généralement, le pronostic est bon. Habituellement, seuls les chiens de race nordique nécessitent une supplémentation à vie. Le traitement se fait par administration orale de zinc sous forme de gluconate (10 mg/kg q. 24 h.) ou de zinc méthionine (5 mg/kg q. 24 h.). La prise du médicament doit se faire au cours du repas pour éviter d’éventuels troubles digestifs. Une corticothérapie orale à faible dose (prednisone ou prednisolone – 0,1 mg/kg q. 24 h.) facilite l’absorption du zinc. L’amélioration est rapidement obtenue en 1 à 4 semaines. En cas de réponse insuffisante au bout de 4 semaines, la posologie peut être augmentée de 50%. Le traitement doit être poursuivi pendant plusieurs semaines. Dans des cas rebelles, des injections mensuelles par voie intra-musculaire de produits destinés aux bovins peuvent être réalisées. Il conviendra de mettre en place une gestion adaptée de l’état kératoséborrhéïque (topiques kérato-modula teurs et émollients) mais également de traiter les complications infectieuses par des moyens appropriés (antibactériens et/ou antifongiques).

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