La thérapeutique raisonnée des dermatophytoses repose sur le traitement de l’animal malade, sur la décontamination des animaux congénères et sur la « stérilisation » de l’environnement, comme illustré par ce cas clinique et par un récent article.
Auteur : Emmanuel Bensignor – Janvier 2010
Spécialiste en dermatologie vétérinaire
DESV Dermatologie, DIP ECVD, CES Dermatologie
Consultant en dermatologie
75003 Paris, 35510 Rennes-Cesson, 44000 Nantes
Un chat, Européen, femelle stérilisée, âgé de 3 ans, est référé à la consultation pour échec du traitement d’une dermatophytose. Cet animal vit seul, dans un appartement, sans accès à l’extérieur. Il n’est pas traité contre les puces, mais est vermifugé et vacciné régulièrement. La dermatose a débuté trois mois auparavant. Les lésions sont apparues après un séjour dans une pension féline. Elles consistaient initialement en des zones érythémateuses, calvescentes, localisées sur la face. Un diagnostic de dermatophytose a été réalisé par le vétérinaire traitant, par positivité d’un examen en lampe de Wood et un traitement avec la griséofulvine a été mis en place. Devant l’absence d’amélioration clinique, et l’extension de la dermatose à toute la face ainsi qu’à l’avant-main, le traitement a été modifié : administration d’itraconazole, à la dose de 5 mg/kg/j per os, une semaine sur deux, pendant un mois. Un traitement topique avec l’énilconazole a été associé en lotions, par voie locale, deux fois par semaine. Une nette amélioration est rapportée avec ce traitement, mais une rechute est survenue quelques semaines après son arrêt (sans qu’une culture fongique de contrôle ne soit effectuée) et des lésions cutanées sont apparues sur un enfant de la famille. L’animal a alors été référé.
A l’examen clinique, le chat est en bon état général. Les lésions cutanées regroupent une alopécie diffuse, un érythème et un état kératoséborrhéique (photo 1). Un prurit modéré est rapporté par la propriétaire. Celle-ci, ainsi que sa fille âgée de 4 ans, présente des lésions cutanées à type d’épidermophytie circinée, surtout marquées sur les avant-bras mais également observées sur le thorax (photo 2). Les hypothèses diagnostiques envisagées sont principalement une dermatophytose à Microsporum canis, moins probablement une ectoparasitose (démodécie, cheyeletiellose), une dermatite allergique ou une folliculite murale. Des raclages cutanés, des trichogrammes et des scotch-tests montrent la présence de nombreuses spores fongiques envahissant les poils (envahissement endo-ectothrix) (photo 3). L’examen en lampe de Wood est nettement positif. La culture fongique, envoyée à un laboratoire de mycologie vétérinaire, révèlera la présence de nombreuses colonies de Microsporum canis. Pour évaluer l’éventuelle contamination environnementale, il est demandé à la propriétaire d’appliquer dans son appartement, sur les zones de vie du chat, un carré de moquette stérile qui est ensemencé sur une gélose de Sabouraud modifiée. Cet examen montrera la présence de nombreuses colonies de dermatophytes (photo 4).
Photo 1 : Vue rapprochée de la face: lésion alopécique,
érythémateuse et squameuse
Photo 2 : Lésion d’épidermophytie circinée
sur la propriétaire (contamination humaine)
Photo 3 : Envahissement endo-ectothrix des poils
par des spores fongiques
Photo 4 : Culture fongique positive signant
la contamination de l’environnement