Un cas de dermatite pyotraumatique due à une gale sarcoptique


Auteur : Marie-Christine Cadiergues
The RoyalVeterinaryCollege, Queen MotherHospital,
Hatfield AL97TA, United Kingdom.

École Nationale Vétérinaire
31076 Toulouse cedex 3
France.


Identification

Java est une chienne non castrée, de race Golden Retriever âgée de 5 ans.

Motif de consultation

Elle est présentée fin février à la consultation de dermatologie de l’Ecole Nationale vétérinaire de Toulouse pour « dépilations, plaques érythémateuses et suintantes et prurit ».

Commémoratifs

Java, née en Allemagne, vit dans une ferme gersoise à une cinquantaine de kilomètres à l’ouest de Toulouse en compagnie de deux chiens, deux chats, un cheval, des moutons et de la volaille. Elle loge à l’extérieur en compagnie des autres chiens et des chats, sur un support paillé.
Son alimentation est principalement ménagère, à base de résidus de volailles, d’œufs et de restes de table.
Le chien est irrégulièrement vacciné contre la maladie de Carré, l’hépatite de Rubarth, la parvovirose, la leptospirose et la rage et ne reçoit pas de traitement antiparasitaire. La propriétaire signale un antécédent de teigne 1 an auparavant. La chienne est potentiellement gestante (2-3 semaines).

Anamnèse

Les lésions sont apparues trois semaines auparavant sous la forme d’une alopécie céphalique, le prurit paraît peu important. Progressivement, des lésions semblables sont visibles chez les deux autres chiens puis chez les chats.. Aucun trouble cutané n’est constaté chez les propriétaires.
Un confrère, consulté à ce stade, diagnostique une teigne et prescrit pour les cinq carnivores des applications bi-hebdomadaires d’énilconazole (Imavéral®), l’application quotidienne de topiques associant antibiotiques et anti-inflammatoires : Cortanmycétine® (peau) et Cortyl® (oreilles) ainsi que l’administration orale quotidienne de griséofulvine. Les propriétaires, sur la base de la gestation éventuelle de Java, décident de ne pas lui administrer la griséofulvine et « compensent » en appliquant de l’énilconazole tous les jours. L’état cutané de Java s’aggrave ce qui motive la venue des propriétaires en consultation.

Examen clinique général

L’animal, plutôt apathique, est en bon état d’entretien, son poids est de 35 kg,. Il est normotherme. L’examen général ne révèle aucune anomalie. Aucune lymphadénopathie n’est à signaler.

Examen clinique dermatologique

Examen à distance

L’intensité du prurit est estimée à 2-3 sur une échelle allant de 0 à 5. A distance, nous notons la présence de lésions sur la joue et la face externe du pavillon auriculaire gauches (photographie 1). A droite, une lésion ovoïde croûteuse et suintante, à bord net est visible (photographie 2). Enfin, des lésions croûteuses, assez bien délimitées, sont présentes sur la face ventrale du cou (photographie 3). La visualisation des lésions est facilitée par la tonte des poils effectuée par les propriétaires. La plupart de ces lésions sont de grande taille (8-10 cm).

cas-de-dermatite-pyotraumatique-due-a-gale-sarcoptique1

Photographie 1 : profil céphalique gauche.
Nous notons la présence de lésions sur la joue,
la partie ventrale du cou et la face externe du pavillon auriculaire.

cas-de-dermatite-pyotraumatique-due-a-gale-sarcoptique2

Photographie 2 : profil céphalique droit.
Nous notons la présence d’une lésion ovoïde
croûteuse et suintante, à bord net.

cas-de-dermatite-pyotraumatique-due-a-gale-sarcoptique3

Photographie 3 : Vue de la partie ventrale du cou.
Nous notons la présence de lésions croûteuses
assez bien délimitées.

Examen dermatologique rapproché

Lors de l’examen rapproché, on observe la présence de lésions alopéciques, légèrement surélevées, épaissies, surmontées de croûtes grisâtres elles-mêmes très épaisses (5-7 mm), sous lesquelles le tégument est exsudatif (photographies 4 et 5). La lésion située face gauche du cou est très exsudative, l’exsudat est jaunâtre, rarement mêlé de sang et inodore (photographie 6). La manipulation de ces lésions semble non douloureuse. La périphérie lésionnelle est érythémateuse. Le réflexe oto-podal est négatif.

cas-de-dermatite-pyotraumatique-due-a-gale-sarcoptique4

Photographie 4 : Vue rapprochée de la joue gauche.
Les lésions sont croûteuses et exsudatives.
A noter les lésions croûteuses sur le bord du pavillon auriculaire.

cas-de-dermatite-pyotraumatique-due-a-gale-sarcoptique5

Photographie 5 : Vue rapprochée de la zone ventrale du cou.
Noter les lésions croûteuses, très épaisses.

cas-de-dermatite-pyotraumatique-due-a-gale-sarcoptique6

Photographie 6 : Vue rapprochée de la zone ventrale droite du cou.
Nous notons la présence d’une lésion très exsudative et croûteuse.

Synthèse clinique

Chienne de cinq ans, peut-être gestante, présentant :

  • Une baisse de l’état général sans hyperthermie et adénomégalie,
  • Une dermatose, caractérisée par des lésions alopéciques, purulentes et croûteuses localisées sur la face, le cou et le pavillon externe des oreilles,
  • Le caractère prurigineux est modéré et localisé au niveau des lésions.

Hypothèses diagnostiques

Les hypothèses à envisager sont une teigne, une dermatite pyotraumatique, une gale sarcoptique, une démodécie ou une dermatose d’origine médicamenteuse ou carentielle.

Examens complémentaires réalisés

Examen en lumière de Wood, trichogramme et culture fongique

L’examen avec la lampe de Wood ainsi que le trichogramme sont négatifs. Des poils et des croûtes sont prélevés en vue d’effectuer une culture fongique sur milieu de Sabouraud.

Raclages cutanés

Différents raclages effectués sur les zones lésées mais également en périphérie ainsi que sur le bord libre du pavillon auriculaire se sont avérés négatifs.

Cytologie de surface

Les prélèvements effectués par calques et par la méthode du « scotch–test » et colorés grâce au kit rapide RAL®555 ont permis de mettre en évidence un profil inflammatoire avec des granulocytes neutrophiles dégénérés et des bactéries (coques) en position intra et extra-cellulaire.

Biochimie plasmatique

Les concentrations plasmatiques en urée, créatinine, alanine amino-transférase et phosphatases alcalines sont comprises dans les intervalles des valeurs usuelles du laboratoire.
A l’aide de ces examens complémentaires, nous avons :

  • exclu en partie l’hypothèse de teigne (attente des résultats de la culture fongique, absence d’examen des congénères),
  • exclu l’hypothèse de démodécie,
  • mis en évidence une pyodermite dont la cause primaire reste à déterminer.

Nous n’avons pas :

  • éliminé l’hypothèse de gale sarcoptique,
  • exploré les hypothèses de dermatose médicamenteuse (en partie seulement) et de dermatose carentielle.

Nous établissons provisoirement le diagnostic de dermatite pyotraumatique et devant le caractère « contagieux » de l’affection, nous demandons à examiner un autre chien du foyer.

Examen d’un congénère

Nous examinons donc Sami, chien mâle non castré Golden Retriever âgé de 12 ans, dont les conditions de vie sont comparables à celles de Java et qui, aux dires des propriétaires a manifesté des signes cutanés semblables sans pour autant présenter de modifications de son état général.
L’examen à distance permet de constater la présence de discrètes lésions alopéciques en moucheture sur l’épaule gauche (photographie 7) et de quelques lésions croûteuses sur le coude droit, visualisables grâce à la tonte d’une zone de 4 cm x 4 cm par les propriétaires (photographie 8).

cas-de-dermatite-pyotraumatique-due-a-gale-sarcoptique7

Photographie 7 : Samy, vue latérale gauche.
Noter quelques mouchetures sur l’épaule.

cas-de-dermatite-pyotraumatique-due-a-gale-sarcoptique8

Photographie 8 : Samy, vue de l’épaule droite.
Noter les lésions croûteuses apparentes suite à la tonte par les propriétaires.

L’examen rapproché ne permettant de mettre en évidence davantage de lésions, nous avons procédé à la tonte de toute l’épaule droite, permettant de visualiser de multiples lésions érythémateuses, papuleuses et croûteuses (photographies 9 et 10).

cas-de-dermatite-pyotraumatique-due-a-gale-sarcoptique9

Photographie 9 : Samy, vue de l’épaule droite après tonte.
Noter les multiples lésions érythémateuses et croûteuses inapparentes avant la tonte.

cas-de-dermatite-pyotraumatique-due-a-gale-sarcoptique10

Photographie 10 : Samy, vue rapprochée de l’épaule droite.
Noter les lésions érythémato-papulo-croûteuses.

La mise en évidence de telles lésions nous conduit à considérer à nouveau l’hypothèse de gale sarcoptique. A cette fin, un raclage cutané est effectué sur l’épaule sur une surface d’environ 30 cm 2 à l’aide d’un bistouri mousse. L’examen microscopique du produit de raclage, entre lame et lamelle dans du chloral lacto-phénol permet de mettre en évidence un exemplaire adulte de Sarcoptes scabiei (photographies 11 et 12).

cas-de-dermatite-pyotraumatique-due-a-gale-sarcoptique11

Photographie 11 : Examen microscopique du produit de raclage cutané
au niveau des lésions de la photographie 11 (x50).
Noter l’élément globuleux au centre.

cas-de-dermatite-pyotraumatique-due-a-gale-sarcoptique12

Photographie 12 : Examen microscopique du produit de raclage cutané au niveau des lésions de la photographie 11 (x250).
Sarcoptes scabiei var. canis.

Pour autant, il convient de ne pas oublier le fait que les chats présentent des lésions similaires. Cela peut être dû au passage de sarcoptes des chiens aux chats lors de contacts étroits (les deux espèces vivent en effet de manière très rapprochée), ou bien à l’évolution d’une autre affection (teigne p. ex.).

Examen des chats

L’examen des deux chats a montré un bon état général et des lésions de grattage essentiellement situées sur la face.
Les peignages et les raclages n’ont pas permis de mettre en évidence d’ectoparasites, les trichogrammes se sont avérés négatifs. Les cultures fongiques sur milieu de Sabouraud (prélèvements effectués par la méthode du tapis) n’ont pas permis la pousse de dermatophytes.

Diagnostic

L’examen de ces deux animaux et les résultats des examens complémentaires nous conduisent à établir le diagnostic de gale sarcoptique , compliquée d’une dermatite pyotraumatique dans le cas de Java, non compliquée dans le cas de Samy. La transmission éventuelle de sarcoptes des chiens aux chats peut expliquer les lésions de grattage chez ces derniers.

SI VOUS ETES VETERINAIRE : Pour lire la suite de cet article, veuillez vous enregistrer en haut à droite. Merci
Retour en haut