Irc est un chat croisé Birman et Radgoll de 9 ans castré. Il vit à l’intérieur depuis le diagnostic d’IRC et reçoit une alimentation spécifique à cause de ses problèmes rénaux.
Christian Collinot
Aurore Dubois
Clinique du Roc 86100 Châtellerault
Mars 2019
Commémoratifs
Irc est un chat croisé Birman et Radgoll de 9 ans castré. Il vit à l’intérieur depuis le diagnostic d’IRC et reçoit une alimentation spécifique à cause de ses problèmes rénaux. A l’âge de 1,5 ans, une lésion prénéoplasique de type panniculite granulomateuse et fibroplasie extensive avec métaplasie osseuse secondaire (analyse LAPVSO) lui est retiré sur la région des lombes qui est un site vaccinal. Aucune récidive n’est notée, les vaccinations n’ont plus été répétées.
A l’âge de 5 ans, un écoulement oculaire et une ulcération du bout de la langue avec suspicion de calicivirose sont traités.
Six mois plus tard, suite à une baisse d’appétit et de forme un bilan sanguin est effectué. On note une augmentation de l’urée (1,19g/l) de la créatinine (37mg/l), le taux d’albumines est normal et il y a une légère anémie (hématocrite 26,5% taux d’hémoglobine 7,3g/l) , les tests de dépistage FeLV et FIV sont négatifs. Aucune exploration (biopsies, échographies) n’est réalisée (non acceptation par les propriétaires). Un traitement à base d’IECA (Nelio ND) et d’un soutien de la fonction rénale (Rubenal ND) est mis en place. Quelques mois plus tard, un sartan (Semintra ND) est ajouté. Pendant 1,5 ans, l’état général se maintient mais avec des urée, créatinine et phosphore systématiquement supérieurs à respectivement 1g/l, 40mg/l, 70mg/l. Au bout de ce laps de temps, l’anémie augmente et des injections régulières d’anabolisant (Laurabolin ND) sont mises en place pour essayer de l’aider, faute d’accès à l’érythropoïétine.
Photo 1 : Irc
Anamnèse
Quatre ans après la découverte de son IRC sont repérées des lésions au niveau des coussinets notamment du postérieur gauche avec des ulcérations. Des calques sont effectués. Ils révèlent la présence de polynucléaires et de coques extracellulaires principalement. Une antibiothérapie (cefalexine PO et acide fusidique localement) est mise en place avec une amélioration des ulcérations. Trois mois plus tard une aggravation des lésions podales nous fait intervenir.
Examen clinique
Général :
Comme décrit dans les commémoratifs, Irc est insuffisant rénal chronique depuis maintenant deux ans avec son cortège d’accompagnement, perte de poids, anémie, activité limitée et constantes biologiques affectées.
Dermatologique
En dehors des lésions des coussinets, aucune anomalie dermatologique n’est constatée.
Les coussinets principaux sont infiltrés en périphérie. On note de petites plaques ou nodules blancs et une desquamation de surface par endroit sur les mêmes sites.
Photo 2 : infiltration blanche coussinet principal
Photo 3 : plaque du bord du coussinet
Parfois, plus qu’une desquamation, on note de véritables ulcérations en regard de ces plaques.
Photo 4 : plaque avec ulcération du coussinet
Photo 5 : plaques blanches et ulcérations du coussinet principal
Hypothèses diagnostiques
Ces plaques évoquent des plaques de calcinose.
La connaissance préalable d’une insuffisance rénale oriente vers une hyperparathyroïdie secondaire à cette IRC.
Le diagnostic différentiel se fera avec une hyperparathyroïdie primaire, une calcinose paranéoplasique (lymphome…) moins probablement une calcinose circonscrite idiopathique ou des lésions traumatiques.
Examens complémentaires
Un calque est réalisé sur une partie ulcérée nettoyée à sec et va dans le sens d’un phénomène infiltratif non cellulaire.
Photo 6 calque sur plaque ulcérée
Une biopsie confirme la calcinose avec une hypothèse paranéoplasique.
Diagnostic
Il reste probable en l’absence de mesure de la PTH : calcinose cutanée due à une parathyroïdie secondaire à une insuffisance rénale chronique.
Suivi
Une chirurgie de retrait des plaques a été jugé trop mutilante et dangereuse compte tenu de l’IRC. Un essai de diminution des plaques par une application locale de DMSO n’a pas été retenu par les propriétaires. Un an et demi plus tard, Irc a été euthanasié.
Discussion
Rappelons que le calcium circule sous trois formes : lié aux protéines, libre ou libre ionisé (Ca++) qui est sa forme biologiquement active. Celle-ci est remarquablement stable et subit une triple régulation : l’absorption intestinale, la libération à partir de l’os et l’élimination urinaire.
La parathormone est sécrétée par les glandes parathyroïdes. Elle a un effet, avec le calcitriol, sur la régulation du métabolisme phosphocalcique. Son rôle principal est d’être hypercalcémiante en libérant du calcium à partir des os. Dans les reins, elle stimule la transformation de la vitamine D en sa forme active, le calcitriol et, aussi, la réabsorption rénale de calcium, elle inhibe la réabsorption de phosphate. Au niveau des os, elle favorise l’ostéolyse en transformant des monocytes en ostéoclastes et favorise donc la libération de calcium et de phosphates. Au niveau de l’intestin, par l’intermédiaire de l’augmentation de la transformation par les reins du calcitriol, elle augmente l’absorption du calcium et du phosphate.
La sécrétion de parathormone est régulée par la fraction ionisée du calcium (Ca2+) (à un niveau moindre par le magnésium) et subit un feedback négatif par le calcitriol.
Certains auteurs évaluent la prévalence globale de l’insuffisance rénale à 27% des chats de plus de dix ans et 30 à 49% des chats de plus de quinze ans .
Dans l’insuffisance rénale chronique l’augmentation de la phosphatémie, la baisse du calcium ionisé et la diminution du calcitriol entraine une augmentation par feed back de la parathormone et donc une hyperparathyroïdie secondaire. L’hypercalcémie en résultant, secondaire à l’IRC, est plus le fait d’une rétention d’anions (sulfate, phosphate citrate) et la concentration en calcium ionisé ne varie que peu voir en hypo. Des études sont menées, dans l’IRC, sur le bénéfice d’une supplémentation en calcitriol qui permettrait, à faible dose sans augmenter le taux de calcium circulant, de diminuer la stimulation des parathyroïdes et donc la sécrétion de parathormone avec tous ses effets délétères.
Malgré tout, l’étiologie de l’hyperparathyroïdisme secondaire d’origine rénale reste mal élucidée. L’hyperphosphorémie retrouvée lors d’IRC provoque un dérèglement du métabolisme phosphocalcique. Lorsque le rapport P/Ca excède 7000 (valeurs usuelles de 4500), un phénomène de calcinose se met en place.
Les dépôts de calcium se notent au niveau cutané mais aussi par la formation de cristaux et calculs d’oxalate de calcium mais aussi de néphrocalcinose.
Les effets de l’hypercalcémie aggravent l’IRC par vasoconstriction rénale, nécrose tubulaire, néphrocalcinose et fibrose tubulointerstitielle.