Nouveau cas clinique Vétoquinol : Prise en charge d’une pyodermite superficielle chez un chien

Les pyodermites superficielles sont des infections bactériennes de l’épiderme et de l’épithélium folliculaire. Elles sont très fréquentes chez le chien, beaucoup moins chez le chat. Elles sont la première cause d’utilisation d’antibiotiques systémiques en médecine des carnivores domestiques (Baker et al 2012).

Lecru Line-Alice1, Cadiergues Marie-Christine1,2

 

1 Université de Toulouse, ENVT, CHUV, service de dermatologie – 23, chemin des Capelles 31076 Toulouse cedex3, France

2 UDEAR, Université de Toulouse, INSERM, ENVT, 23, chemin des Capelles 31076 Toulouse cedex3, France

 

Introduction

Les folliculites bactériennes sont souvent secondaires à un traumatisme, une dermatose parasitaire, allergique ou hormonale. L’agent le plus fréquemment incriminé est Staphylococcus pseudintermedius (SPI), bactérie coccoïde Gram positive naturellement présente sur la peau. Lorsque l’équilibre immunitaire de la peau est perturbé, SPI prolifère et devient pathogène. L’émergence de résistances bactériennes en médecines humaine et vétérinaire doit inciter les prescripteurs à l’utilisation raisonnée de l’antibiothérapie. Les antibiotiques critiques doivent être réservés pour le traitement d’affections à germes résistants. (Décret 16 mars 2016).

 

Anamnèse

Un chien Berger allemand de 6 ans est reçu pour une dermatose prurigineuse évoluant depuis un an. Il vit dans une maison avec accès à l’extérieur avec un autre Berger allemand. Les chiens du foyer peuvent être en contact avec la faune sauvage. Il est nourri avec une alimentation industrielle sèche hypoallergénique (Royal Canin DR 21) depuis l’apparition des symptômes. Il est shampooiné deux fois par semaine avec un shampooing antiseptique à base de chlorhexidine (Pyoderm®, Virbac, France). Ses oreilles sont nettoyées avec un lait nettoyant et des cures de topiques antibiotiques sont réalisées une à deux fois par an lors de plainte et d’inflammation des conduits auditifs. Il est traité contre les parasites externes tous les mois avec un comprimé d’afoxolaner (Nexgard ®, Mérial, France) depuis 6 mois environ. Les protocoles de vermifugation et de vaccination sont à jour.

Un traitement antibiotique à base de céfalexine a été prescrit pendant 15 jours mais stoppé par les propriétaires suite à d’importants troubles digestifs.

 

Examen clinique

L’état général est bon ; une adénomégalie des nœuds lymphatiques préscapulaires et poplités est présente. L’animal est observé en train de se démanger, confirmant l’intensité  élevée (8/10) du prurit rapportée par les propriétaires.

 

Examen cutané

Une pyodermite superficielle généralisée dominée par des pustules folliculaires (photo 1) et des collerettes épidermique en zones abdominale, inguinale, thoracique ventrale et le long des quatre membres sont observées. Des lésions papulo-croûteuses sont présentes sur les bords libres des pavillons auriculaires et sur les coudes. Une blépharite bilatérale plus marquée à gauche ainsi qu’une inflammation des méats auriculaires sont notées.

Nouveau cas clinique Vétoquinol : Prise en charge d’une pyodermite superficielle chez un chien

Photo 1. pustules folliculaires et alopécie sur le flanc

 

Examens complémentaires

Les raclages et trichoscopies répétés permettent d’exclure une démodécie. Des raclages en zone abdominale, thoracique et sur les faces convexes des pavillons auriculaires ne mettent pas en évidence d’élément figuré. De nombreuses bactéries coccoïdes associées à un infiltrat de granulocytes neutrophiles sont observées sur les calques cutanés des pustules et des collerettes épidermiques (photo 2). Certaines bactéries situées en position intra-cytoplasmique, confirment l’hypothèse de pyodermite bactérienne.

 

Nouveau cas clinique Vétoquinol : Prise en charge d’une pyodermite superficielle chez un chien

Photo 2. Calque par apposition (coloration RAL® 555): granulocytes neutrophiles et composante bactérienne coccoïde avec figures de phagocytose (x 1000).

 

Des prélèvements sanguins pour sérologies leishmaniose et gale sarcoptique sont envoyés au laboratoire. La sérologie leishmaniose est négative. La sérologie gale sarcoptique est faiblement positive (titre 11 pour un seuil à 8).

 

Prise en charge

Compte tenu de l’extension et de la persistance des lésions infectieuses malgré l’utilisation bi-hebdomadaire d’un shampooing antiseptique ainsi que l’intolérance digestive rapportée suite à l’administration de céfalexine, un traitement antibiotique à base d’amoxicilline-acide clavulanique (Clavaseptin ®, Vetoquinol, France) est prescrit à la dose de 13.6 mg/kg matin et soir selon les recommandations du fabricant. Les shampooings antiseptiques sont  poursuivis à la même fréquence. Un spot-on à base de sélamectine (Stronghold 240, Zoetis, France) est prescrit une fois par mois pour les deux animaux.

 

Suivi

Au suivi 20 jours plus tard, le traitement a été correctement administré et il a été bien toléré par le chien. L’amélioration clinique est notable ; les propriétaires rapportent un prurit résiduel léger. L’inflammation cutanée a régressé ; on note quelques squames, un léger érythème abdominal et l’absence de pustules folliculaires. Un prélèvement à la cellophane adhésive des lésions séborrhéiques résiduelles met en évidence quelques polynucléaires neutrophiles dégénérés. L’état général est bon et un regain d’énergie est rapporté par les propriétaires. Il est décidé de poursuivre l’antibiothérapie à l’identique pendant 10 jours ainsi que les soins locaux antiseptiques.

Au contrôle dix jours plus tard, le pelage est en repousse, les démangeaisons sont absentes et on ne distingue pas d’érythème, de lésion de folliculite ou d’état kératoséborrhéique. Il est décidé de poursuivre l’antibiotique sept jours supplémentaires avant de stopper. Les shampooings antiseptiques sont poursuivis afin de maintenir une antisepsie locale suffisante. Un spray émollient est prescrit quotidiennement pour soutenir la barrière cutanée.

Au contrôle six semaines après, le pelage a quasiment repoussé et aucun prurit n’est rapporté. Les shampooings antiseptiques sont espacés mais poursuivis tous les 15 jours.

 

Discussion

Les pyodermites superficielles sont la première cause d’utilisation d’antibiotiques par voie systémique en médecine vétérinaire. (Baker et al 2012)

Elles sont souvent secondaires à une dermatose sous-jacente qu’il est important d’identifier et de prendre en charge afin d’éviter les récidives. Les causes primaires à rechercher peuvent être d’origine parasitaire (démodécie, pulicose), infectieuse (dermatophytose), hormonale ; un état d’hypersensibilité ou un trouble de la cornéogenèse sont également possibles. Dans le cas présent, une gale sarcoptique a été suspectée cliniquement compte-tenu du contexte épidémiologique, du prurit intense et de la localisation de lésions caractéristiques (papulo-croûtes, alopécie sur les pavillons, faces externes des membres et zone abdominale).

La visualisation de granulocytes neutrophiles et de bactéries coccoïdes en position intra-cytoplasmique après le prélèvement d’une pustule intacte permet de confirmer une pyodermite (Hillier et al 2014).

Un traitement local antiseptique seul peut suffire à traiter une pyodermite superficielle (Borio et al 2015; Loeffler et al 2011). Les topiques antiseptiques assurent une concentration maximale sur le site concerné ; par conséquent, leur action est complémentaire lors d’association aux antibiotiques systémiques.

Le recours à une antibiothérapie systémique est parfois nécessaire lors d’atteinte extensive. (May 2006). Dans le cas ici rapporté, la pyodermite généralisée, le gabarit du chien et la difficulté pour les propriétaires à réaliser les shampooings antiseptiques de manière optimale ont motivé l’utilisation d’un traitement antibiotique systémique probabiliste (amoxicilline-acide clavulanique, 13.6 mg/kg deux fois par jour). En l’absence d’éléments épidémiologiques permettant de suspecter une antibiorésistance, une bactériologie n’a pas été réalisée. Le choix s’est porté sur une molécule possédant un large spectre, une bonne diffusion dans le tissu cutané et dont l’efficacité dans la prise en charge des pyodermites superficielles est prouvée (Summers et al 2012). Ce chien avait auparavant reçu un traitement à base de céfalexine interrompu en raison de la mauvaise tolérance de la spécialité. Les effets indésirables de l’association amoxicilline-acide clavulanique sont peu fréquents, principalement digestifs (vomissements, diarrhées) et cessent à l’arrêt du traitement (Beco et al 2013; Mueller et Stephan 2007). Les doses d’amoxicilline-acide clavulanique recommandées dans le traitement  d’une pyodermite superficielle sont comprises entre 12.5 et 25.0 mg/kg deux fois par jour (Hillier et al 2014). La durée du traitement est variable, en moyenne deux à trois semaines. Il est recommandé de poursuivre pendant 7 jours après guérison clinique (Beco et al 2013).

La réalisation d’un antibiogramme n’est jamais contre-indiquée. Elle doit être entreprise si après 15 jours d’une antibiothérapie systémique adaptée, l’extension des lésions n’a pas diminué de 50% ; de nouvelles lésions de folliculite (papules, pustules, collerettes) apparaissent après deux semaines de traitement ; des lésions de pyodermite persistent après 6 semaines de traitement ; des bactéries bacillaires sont observées en position intra-cytoplasmique ou encore si des antécédents de résistance bactérienne sont rapportés dans le foyer (Hillier et al 2014).

Face à l’émergence de résistances bactériennes, les antibiotiques systémiques disponibles ont été organisés en trois classes : la première regroupe les antibiotiques destinés au traitement probabiliste d’une pyodermite superficielle non compliquée (cefadroxil, céfalexine, amoxicilline-acide clavulanique, clindamycine, lincomycine). La seconde regroupe des molécules utilisables lorsque qu’un antibiogramme contre-indique l’utilisation des molécules de première classe (céfovécine, cefpodoxime, difloxacine, enrofloxacine, marbofloxacine, orbifloxacine, pradofloxacine). Enfin la troisième est réservée à la prise en charge des pyodermites à germes multi-résistants (aminoglycosides, azithromycine, ceftazidime, chloramphénicol, clarithromycine, florfénicol, imipenème, phosphomycine, piperacilline, rifampicine, tiamphenicol et ticarcilline) (Beco et al 2013; Hillier et al 2014).

 

Conclusion

L’association amoxicilline-acide clavulanique utilisée dans ce cas clinique a montré une bonne efficacité sans entraîner d’effet indésirable. L’association à des shampooings antiseptiques à base de chlorhexidine a permis de contrôler l’infection sur site et a été poursuivie après arrêt de l’antibiothérapie systémique. La cause primaire suspectée a été prise en charge et une résolution complète a été observée au contrôle après 45 jours.

 

Points clés

 

Identifier et confirmer une pyodermite

Evaluer la profondeur et l’extension

Privilégier les antiseptiques locaux

Mettre en place une antibiothérapie selon les bonnes pratiques d’utilisation

Aménager des suivis réguliers pour adapter le traitement selon la réponse

Identifier la cause primaire et la prendre en charge pour empêcher les récidives.

 

 

Références bibliographiques

Baker SA, Van-Balen J, Lu B, Hillier A,Hoet AE. Antimicrobial drug use in dogs prior to admission to a veterinary teaching hospital. J Am Vet Med Assoc. 2012;241(2):210-7.

Beco L, Guaguere E, Lorente Mendez C, Noli C, Nuttall T,Vroom M. Suggested guidelines for using systemic antimicrobials in bacterial skin infections: part 2– antimicrobial choice, treatment regimens and compliance. Vet Rec. 2013;172(6):156-60.

Borio S, Colombo S, La Rosa G, De Lucia M, Damborg P,Guardabassi L. Effectiveness of a combined (4% chlorhexidine digluconate shampoo and solution) protocol in MRS and non-MRS canine superficial pyoderma: a randomized, blinded, antibiotic-controlled study. Vet Dermatol. 2015;26(5):339-44, e72.

Hillier A, Lloyd DH, Weese JS, Blondeau JM, Boothe D, Breitschwerdt E, Guardabassi L, Papich MG, Rankin S, Turnidge JD,Sykes JE. Guidelines for the diagnosis and antimicrobial therapy of canine superficial bacterial folliculitis (Antimicrobial Guidelines Working Group of the International Society for Companion Animal Infectious Diseases). Vet Dermatol. 2014;25(3):163-e43.

Loeffler A, Cobb MA,Bond R. Comparison of a chlorhexidine and a benzoyl peroxide shampoo as sole treatment in canine superficial pyoderma. Vet Rec. 2011;169(10):249.

May ER. Bacterial skin diseases: current thoughts on pathogenesis and management. Vet Clin North Am Small Anim Pract. 2006;36(1):185-202, viii.

Mueller RS,Stephan B. Pradofloxacin in the treatment of canine deep pyoderma: a multicentred, blinded, randomized parallel trial. Vet Dermatol. 2007;18(3):144-51.

Summers JF, Brodbelt DC, Forsythe PJ, Loeffler A,Hendricks A. The effectiveness of systemic antimicrobial treatment in canine superficial and deep pyoderma: a systematic review. Vet Dermatol. 2012;23(4):305-29, e61.

 

 

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