Ichigo est un Berger australien mâle castré de 8 ans présenté pour une perte de pigmentation des babines et du nez évoluant depuis 1,5 mois. Un écoulement oculaire bilatéral séreux est également rapporté. La propriétaire ne signale pas de symptômes généraux. Le chien n’a jamais quitté la Belgique.
Isabelle Remy
CES Dermatologie, Consultante en dermatologie à la Clinique Vétérinaire Universitaire de Liège
Chaussée de Dinant, 51 5170 Profondeville Belgique
Examen clinique
On observe une dépigmentation partielle des jonctions cutanéo-muqueuses au niveau des paupières, des lèvres et plus discrètement au niveau de la truffe. On note également la présence de squames au niveau du planum nasal et une légère alopécie du chanfrein. Le chien est en bonne forme.
Hypothèses diagnostiques
Parmi les causes de dépigmentation des jonctions cutanéo-muqueuses faciales, sans symptômes généraux associés, on peut citer : un vitiligo, un lupus érythémateux discoïde, un pemphigus foliacé ou érythémateux, un syndrome uvéo-dermatologique ou un lymphome cutané épithéliotrope.
Etant donné la race et la clinique, un syndrome uvéo-dermatologique est la 1ère hypothèse retenue. Un rendez-vous spécialisé en ophtalmologie est d’emblée prévu (Dr Sébastien Monclin, Dipl. ECVO, Ophtalmovet) et ne révèle aucun signe d’uvéite. Des biopsies cutanées sont vivement recommandées mais déclinées par la propriétaire.
Un mois et demi-plus tard, le chien est représenté cette fois en urgence en ophtalmologie pour anisocorie. L’examen ophtalmologique montre une mydriase partielle et une hyperémie sévère des conjonctives bulbaires de l’œil droit. Les réflexes pupillaires sont absent à droite, indirect absent à gauche et direct présent à gauche. La réponse au test de la menace est absente des 2 côtés, le réflexe d’éblouissement est négatif à droite. L’examen du fond de l’œil révèle une uvéite et un décollement total de la rétine à droite. Le chien présente une hétérochromie irienne congénitale (yeux vairons) et seul l’œil brun (droit) est atteint. A l’examen dermatologique, on observe une aggravation de la dépigmentation des jonctions cutanéo-muqueuses (Photos 1,2,3,4).
Photo 1 : dépigmentation partielle de la truffe, présence de squames au niveau du planum nasal
Photo 2 : idem en gros plan, on note également une légère alopécie du chanfrein et une dépigmentation de la partie rostrale des lèvres supérieures
Photo 3 : dépigmentation du bord de la paupière gauche
Photo 4 : dépigmentation des lèvres
Examens complémentaires
Des biopsies sont réalisées sous anesthésie générale au niveau des zones de dépigmentation en évitant le bord des paupières. L’examen histopathologique (Dr Marianne Heimann, Dipl. ECVP, Anapet) confirme la suspicion clinique de syndrome uvéo-dermatologique.
En effet, les biopsies montrent un infiltrat superficiel lichénoïde, classique au niveau des muqueuses mais qui s’étend également le long des ostia folliculaires en région cutanée. Au sein de cet infiltrat, on distingue des îlots de macrophages dont de nombreux mélanophages, entourés de lymphocytes, de plasmocytes et par endroits de neutrophiles le long des annexes. Une acanthose épidermique est présente avec une hyperkératose de surface plus marquée en zone muqueuse. Le diagnostic est celui d’une dermatite d’interface lichénoïde, histiocytaire et lymphoplasmocytaire, compatible avec le VKH .
Photos 5 : Les cadrans A et B illustrent à faible grossissement (40X et 100X H&E) l’infiltration lichénoïde superficielle. Le cadran C (400x H&E) montre une infiltration nodulaire, presque granulomateuse, composée d’histiocytes et de quelques neutrophiles. Dans la majorité des biopsies, cette infiltration est diffuse et principalement histiocytaire (cadran D, 400X H&E).