Un chien Samoyède mâle de 2 ans est présenté à la consultation pour une dermatite scrotale évoluant depuis une quinzaine de jours
Dr Jean-Loup MATHET
Clin. Vét. des Glycines
24, rue Piedgrouille
45100 Orléans France
Commémoratifs
Le chien vit en milieu péri-urbain, sans congénères, et reçoit un aliment industriel de qualité ; il n’a jamais voyagé. Les traitements antiparasitaires externes mensuels (afoxolaner NEXGARD®) et internes (milbémycine et praziquantel MILBEMAX®) sont régulièrement effectués, ses vaccins sont à jour.
Deux mois auparavant, un épisode de furonculose pyotraumatique sur le flanc a été traité par une antisepsie topique (lingettes à la chlorhexidine CLX KimWipes®), des shampooings localisés PHLOX® assainissant, associés à une antibiothérapie orale (céfalexine, 15mg/kg bid, RILEXINE 600mg®). Aucune pathologie antérieure notable n’est rapportée.
Anamnèse
Les premières lésions du scrotum apparaissent deux semaines avant la présentation, avec dépigmentation, des érosions et un érythème marqué (photos 1,2). Le léchage est marqué et fréquent. La cytologie de surface met en évidence de nombreux neutrophiles et de rares cocci extra-cellulaires. Une pyodermite superficielle étant suspectée, une nouvelle antibiothérapie est prescrite, toujours avec la céfalexine à la même posologie, et des applications d’une mousse apaisante DOUXO Calm®. Le prurit est pris en charge par une dizaine de jours d’oclacitinib à 0,4mg/kg bid (APOQUEL®), associé les premiers jours au port d’une collerette afin de limiter l’auto-aggravation.
1- A distance : troubles de la pigmentation avec érythème du scrotum
2- Vue rapprochée : érosions
La dermatose ne concerne que le scrotum, et aucune autre région cutanée ou jonction cutanéo-muqueuse (JCM) n’est atteinte.
Au contrôle à 10 jours, une amélioration partielle est notée avec disparition des érosions (photo 3), le léchage a diminué mais persiste malgré tout suffisamment pour devoir maintenir la collerette. L’antibiothérapie et les soins topiques sont poursuivis 10 jours. Deux mois plus tard, le chien nous est présenté à nouveau pour récidive sévère de la dermatite scrotale. Le propriétaire signale que l’aggravation est progressive depuis le précédent contrôle.
3- Après 3 semaines d’antibiothérapie et antisepsie topique : amélioration partielle
Examen clinique
A distance, seule la région scrotale semble concernée. L’examen rapproché montre une large zone ulcérée et remaniée à bords nets hyperpigmentés, un érythème diffus et des plages érosives ou hypopigmentées en carte de géographie (photos 4,5). La manipulation est très inconfortable pour le chien ; le propriétaire signale une aggravation du léchage nécessitant le port de la collerette en permanence.
4- J0 : ulcére à bord net pigmenté, dépigmentation en carte de géographie
5- Vue rapprochée de la zone ulcérative et érosive
Il s’agit donc d’une dermatose chronique, exclusivement génitale (zone scrotale), érosive, ulcérative et croûteuse, associée à des troubles de la pigmentation, douloureuse, et avec une réponse partielle aux traitements anti-infectieux.
Hypothèses diagnostiques
On envisagera principalement une dermatose à médiation immune (lupus érythémateux, érythème polymorphe, toxidermie, voire pemphigus) ou une pyodermite superficielle ou des JCM, moins probablement une dermatite de contact, une dermatopathie ischémique (vascularite) ou une néoplasie (lymphome débutant).
Examens complémentaires
Des biopsies en marge de l’ulcère et sur des zones dépigmentées sont réalisées. L’examen histologique met en évidence une dermatite ulcérée lymphocytaire d’interface et lichénoïde. Les ulcérations sont multifocales, extensives, avec un amincissement de l’épiderme à leurs marges. Ce dernier présente par endroit quelques pustules granulocytaires sous-cornées sans phénomène d’acantholyse, des corps apoptotiques basaux et suprabasaux et de rares lésions de satellitose lymphocytaire. La membrane basale est multi-focalement épaissie. L’infiltrat lichénoïde lympho-plasmocytaire est marqué, et associé à une incontinence pigmentaire et de nombreux mélanophages.