Juin 2011
Auteurs :
Frédérique Degorce-Rubiales1 – CES de Dermatologie Vétérinaire, DESV d’Anatomie Pathologique Vétérinaire, Spécialiste en Anatomie Pathologique Vétérinaire
Agnès Poujade1 – DESV d’Anatomie Pathologique Vétérinaire, Spécialiste en Anatomie Pathologique Vétérinaire
1LAPVSO – 129 Route de Blagnac – 31201 Toulouse cedex 2 – www.lapvso.com
Avertissement
Le cas clinique présenté est un cas de dermatopathologie, aussi l’anamnèse, l’examen clinique, l’examen dermatologique et les examens complémentaires réalisés, se limiteront aux données présentes sur la fiche de commémoratifs reçue avec les prélèvements histologiques. Aucune photo clinique n’est disponible.
Commémoratifs
Un chien croisé (Labrador X Setter), mâle castré de 10 ans, présente une dermatite ulcéro-nécrotique, douloureuse, non prurigineuse, extensive, intéressant les points de pression des membres, les commissures labiales et les coussinets. On note des fissures cutanées sur les coussinets. Un bilan biochimique révèle une augmentation des ALAT et une échographie hépatique des lesions nodulaires du parenchyme hépatique. Le chien est hyperthermique.
Photo 1 : extrait de la feuille de commémoratifs
transmise avec les biopsies cutanées.
Hypothèses cliniques
- Érythème nécrolytique migrant
- Leishmaniose
Examens complémentaires
Cinq biopsies cutanées au trépan 6 mm de Ø sur le métacarpe droit, la pointe du coude droit, le carpe droit, le jarret droit, un coussinet de l’antérieur droit.
Examen histologique
L’épiderme revêt au faible grossissement un aspect en “drapeau français” bleu-blanc-rouge, bleu pour hyperplasie des couches basales, blanc pour vacuolisation des acanthocytes sous-cornés et rouge pour parakératose de la couche cornée.
L’hyperplasie épidermique se manifeste par un aspect hyperbasophile des cellules basales qui émettent des crêtes épithéliales très allongées, filiformes, ramifiées et branchues, avec parfois perte de polarité des cellules basales.
La vacuolisation des acanthocytes sous-cornés est due à un sévère œdème cellulaire (dégénérescence ballonisante) qui peut entraîner une pycnose nucléaire et la mort de la cellule, ce phénomène intéresse régulièrement des plages cellulaires produisant une nécrose confluente appelée nécrolyse épidermique. La nécrolyse peut se traduire par une vésiculation épidermique et l’apparition d’un clivage intra-épidermique.
La parakératose est diffuse. Elle intéresse l’épiderme et les infundibula folliculaires qui s’y abouchent. Elle s’accompagne souvent d’une diminution voire d’une absence de la couche granuleuse (agranulose).
Le derme superficiel montre une discrète angiectasie des capillaires sanguins et un infiltrat inflammatoire périvasculaire mononucléé d’intensité discrète à modérée.
Photo 2 (Hémalun Eosine X 40) : au faible grossissement, l’épiderme revêt un aspect bleu-blanc-rouge,
bleu pour hyperplasie des couches basales, blanc pour vacuolisation des acanthocytes sous-cornés et
rouge pour parakératose de la couche cornée. Le derme est faiblement à modérément inflammatoire.
Légendes de la Photo 2 :
- Flèche bleue : hyperplasie des couches basales
- Flèche blanche : vacuolisation des acanthocytes sous-cornés
- Flèche rouge : pour parakératose de la couche cornée
- Étoile rouge : Le derme est faiblement à modérément inflammatoire
Photo 3 (Hémalun Eosine X 100) : aspect bleu-blanc-rouge à plus fort grossissement,
bleu pour hyperplasie des couches basales, blanc pour vacuolisation des acanthocytes
sous-cornés et rouge pour parakératose de la couche cornée. Le derme superficial est
le siège d’un infiltrat inflammatoire mononucléé périvasculaire modéré.
Légendes de la Photo 3 :
- Flèche bleue pour hyperplasie des couches basales
- Flèche blanche pour vacuolisation des acanthocytes sous-cornés
- Flèche rouge pour parakératose de la couche cornée
- Étoile rouge : Le derme est faiblement à modérément inflammatoire
Photo 4 (Hémalun Eosine X 100) : aspect bleu de l’épiderme pour hyperplasie des couches basales, qui dessinent des crêtes épithéliales allongées, filiformes, ramifiées et branchues, peuplées de cellules basales hyperbasophiles. L’épiderme est multifocalement exulcéré. L’infundibulum folliculaire visible présente une hyperkératose parakératosique sans visualisation nette d’une couche des grains. Le derme montre une discrète angiectasie des capillaires du plexus superficial ainsi qu’un discret infiltrat inflammatoire périvasculaire superficial.
Légendes de la Photo 4 :
- Triangles bleus foncés : contours de crêtes épithéliales allongées, filiformes, ramifiées et branchues, peuplées de cellules basales hyperbasophiles.
- Triangles bleus clairs : exulcération épidermique
- Flèche rouge : parakératose épidermique et folliculaire
- Étoile rouge pleine :Le derme est faiblement à modérément inflammatoire (infiltrat mononucléé)
- Étoile rouge creuse : angiectasie des capillaires sanguins
- Étoile bleue claire : glandes sébacées
Photo 5 (Hémalun Eosine X 200) : ces crêtes épithéliales tout à fait particulières
(allongées, filiformes, branchues) peuvent également être présentes dans les couches les plus basales
de la gaine épithéliale folliculaire externe des infundibula folliculaires.
On note également l’aspect parakératosique diffus des infundibula folliculaires.
Légendes de la Photo 5 :
- Triangles bleus : contours de crêtes épithéliales allongées, filiformes, ramifiées et branchues, peuplées de cellules basales hyperbasophiles, émanant de la gaine épithéliale externe des infundibula folliculaires
- Flèches rouges : parakératose épidermique et folliculaire
- Étoiles rouge pleines : Le derme est faiblement à modérément inflammatoire (infiltrat mononucléé)
- Étoiles rouge claires : angiectasie des capillaires sanguins
- Ronds marrons : tiges pilaires
Photo 6 (Hémalun Eosine X 400) : vue rapprochée au fort grossissement d’une crête épithéliale
émanant de la gaine épithéliale externe d’un follicule pileux (portion infundibulaire).
L’aspect filiforme et longiligne s’accompagne d’une certaine perte de polarité des cellules basales
dont le grand axe cytoplasmique devient parallèle au grand axe de la crête épithéliale, au lieu
d’être perpendiculaire. La couche la plus basale perd ainsi son habituel aspect palissadique.
Légendes de la Photo 6 :
- Triangles bleus clairs : contours de crêtes épithéliales allongées, filiformes, ramifiées et branchues, peuplées de cellules basales hyperbasophiles, émanant de la gaine épithéliale externe des infundibula folliculaires
- Flèches rouge : parakératose folliculaire
- Étoiles rouge pleines : Le derme est faiblement à modérément inflammatoire (infiltrat mononucléé)
- Étoiles rouges claires : angiectasie des capillaires sanguins
- Ronds marron :tiges pilaires
- Flèches orange : mélanocytes
- Flèches jaune : mélanophages
Photo 7 (Hémalun Eosine X 400) : l’aspect blanc donné par les lésions de dégénérescence balonnisante
(œdème cellulaire sévère) des acanthocytes des couches épineuse et granuleuse, qui peut être associée
multifocalement à une pycnose nucléaire (mort cellulaire) aboutissant à un aspect nécrolytique.
Légendes de la Photo 7 :
- Étoiles rouges claires : noyaux pycnotiques (acanthocytes) zones de nécrolyse épidermique
- Flèches jaune : œdème cellulaire ou dégénérescence ballonisante des acanthocytes
Photo 8 (Hémalun Eosine X 1000 objectif à immersion) : vue rapprochée des lésions
de dégénérescence balonnisante et de nécrolyse des acanthocytes de la couche épineuse.
Légendes de la Photo 8 :
- Étoiles rouges claires : noyaux pycnotiques (acanthocytes)
- Flèches jaune : œdème cellulaire ou dégénérescence ballonisante des acanthocytes
- Flèche orange :discret œdème intercellulaire (spongiose)
Photo 9 (Hémalun Eosine X 400) : aspect rouge donné par l’hyperkératose parakératosique
diffuse de l’épiderme, qui s’accompagne d’une hypo voire d’une agranulose
(diminution à disparition de la couche granuleuse de l’épiderme).
Légendes de la Photo 9 :
- Flèche rouge : parakératose de la couche cornée
- Étoiles rouges claires : la couche cornée est pigmentée
- Triangles bleus clairs : contours de la couche granuleuse absente à très réduite (hypo à agranulose épidermique)
Photo 10 (Hémalun Eosine X 1000 objectif à immersion) : vue rapprochée
de l’hyperkératose parakératosique diffuse de l’épiderme.
Légendes de la Photo 10 :
- Flèche rouge : parakératose de la couche cornée
- Étoiles rouges claires : les cornéocytes conservent leur noyau
- Triangles bleus clairs : présence de granulations pigmentaires mélaniques dans le cytoplasme des acanthocytes et des cornéocytes
- Flèches jaune : œdème cellulaire ou dégénérescence ballonisante des acanthocytes
Diagnostic histologique
Érythème nécrolytique migrant ou syndrome hépato-cutané.
Discussion
Il est rare de pouvoir disposer sur des biopsies cutanées d’un tableau lésionnel aussi caractéristique où l’aspect bleu-blanc-rouge s’exprime avec autant d’intensité et de netteté, les trois aspects étant parfaitement exprimés (hyperplasie épidermique, dégénérescence balonnisante des acanthocytes sous-cornés et parakératose épidermique diffuse). Bien souvent, les trois aspects lésionnels sont exprimés de façon tout à fait inégale, l’un pouvant occulter les deux autres. Parfois le tryptique lésionnel n’est que très focalement exprimé et l’examen microscopique doit être particulièrement minutieux et vigilant. En voici quelques exemples.
Photo 11 (Hémalun Eosine X 100) : dans certains cas les lesions de dégénérescence ballonisante
et de nécrolyse des acanthocytes prédominant largement le tableau histologique.
Légendes de la Photo 11 :
- Flèches jaune : œdème cellulaire ou dégénérescence ballonisante des acanthocytes
Photo 12 (Hémalun Eosine X 200) : vue rapprochée de la fig 11, dans certains cas
les lésions de dégénérescence ballonisante et de nécrolyse des acanthocytes
prédominent largement le tableau histologique, donnant lieu à la formation de
vésicules au niveau desquelles un clivage intra-épidermique peut se former,
les couches les plus superficielles de l’épiderme pouvant s’exfolier.
Légendes de la Photo 12 :
- Flèches jaune : œdème cellulaire ou dégénérescence ballonisante des acanthocytes formation de vésicules amorçant une zone de clivage intra-épidermique
Photo 13 (Hémalun Eosine X 200) : dans certains cas les lésions d’hyperplasie épidermique,
avec émission de crêtes épithéliales ramifiées, prédominent largement le tableau histologique.
Légendes de la Photo 13 :
- Flèche bleue :hyperplasie des couches basales de l’épidermr
- Flèche rouge : parakératose de la couche cornée
- Triangles bleus clairs : contours de crêtes épithéliales allongées, filiformes, ramifiées et branchues, peuplées de cellules basales hyperbasophiles.
Photo 14 (Hémalun Eosine X 400) : vue rapprochée de la fig 13, les lésions d’hyperplasie épidermique,
avec émission de crêtes épithéliales ramifiées, prédominent largement le tableau histologique.
On notera l’aspect très focal et subtil des lésions de dégénérescence balonnisante
d’un groupe de quatre acanthocytes inclus dans la couche cornée.
Légendes de la Photo 14 :
- Triangles bleus clairs : contours de crêtes épithéliales allongées, filiformes, ramifiées et branchues, peuplées de cellules basales hyperbasophiles un petit foyer de 4 acanthocytes ballonisés
Photo 15 (Hémalun Eosine X 100) : dans certains cas, c’est la parakératose diffuse
de l’épiderme et des infundibula folliculaires qui prédomine le tableau histologique.
Légendes de la Photo 15:
- Parakératose épidermique (coussinet)
Photo 16 (Hémalun Eosine X 200) : vue rapprochée de la Photo 14
où prédomine la parakératose diffuse de l’épiderme.
Légendes de la Photo 16 :
- Flèche rouge : parakératose épidermique
- Flèches jaune : rares zones de ballonisation des acanthocytes sous-cornés.
Pour en savoir plus
À consulter sur Dermavet
Un cas de syndrome hépato-cutané, Bensignor E
Bibliographie
- Scott DW et coll Small Animal Dermatology, WB Saunders, Philadelphia, 2001.
- Gross TL et coll Skin diseases of the dog and cat. Blackwell, Oxford, 2005.
- Bensignor E et Germain PA Dermatologie du chien et du chat. MedCom, Paris, 2005.
- T Mizuno, H Hiraoka, C Yoshioka, Y Takeda, Y Matsukane, N Shimoyama, M Morimoto, T Hayashi, M Okuda: Superficial necrolytic dermatitis associated with extrapancreatic glucagonoma in a dog. Veterinary Dermatology, 2009, Vol 20, Iss 1, pp 72-79