Auteurs :
Jean-Loup MATHET
Clinique vétérinaire des glycines
45100 Orléans
Et
Frédérique Degorce Rubiales
Laboratoire d’Anatomie Pathologique
Vétérinaire du Sud Ouest (L.A.P.V.S.O.)
Identification et anamnèse
Une chienne Shetland âgée de 13 ans est présentée pour une dermatose évoluant depuis plusieurs années caractérisées par des nodules parfois hyperpigmentés répartis symétriquement de part et d’autre des flancs.
La chienne vit en maison avec jardin sans congénère, est nourrie avec un aliment industriel de qualité. Les vaccins et les traitements antiparasitaires sont à jour et correctement réalisés. Elle est régulièrement suivie par un confrère depuis son plus jeune âge, et n’a jamais présenté de maladies générales non dermatologiques.
Commémoratifs
Les premiers nodules sont observés au niveau de zones alopéciques à l’âge de 6 ans sur chaque flanc. Divers traitements anti-infectieux et anti-inflammatoires topiques et systémiques seront ensuite administrés sans résultat.
Une aggravation liée à l’ulcération de certains nodules et l’apparition d’un prurit conduit à nous présenter la chienne alors âgée de 12 ans. Un premier examen histopathologique concluait à une éclosion multicentrique de multiples naevi collagéniques, de localisation profonde, évoquant un syndrome paranéoplasique de type « dermatofibrose nodulaire ». Ces naevi accompagnent des tumeurs bénignes ou malignes rénales ou de la musculature lisse du tractus.
De ce fait une échographie urinaire et génitale ainsi qu’un bilan biochimique rénal sont réalisés et se révèlent normaux. Aucun traitement n’est instauré et seule une surveillance clinique régulière trimestrielle est mise en place. Une ovario-hystérectomie est proposée mais refusée par le propriétaire.
Examen clinique
La chienne est revue 10 mois après, la chienne est légèrement amaigrie, mais aucune atteinte systémique n’est décelable.
A distance, on observe une plage alopécique et hyperpigmentée, bilatérale de chaque côté des flancs, à proximité de la colonne vertébrale (photo 1).
Photo 1 : regroupement de nodules de taille variable (flanc G)
L’examen rapproché permet de deviner des déformations nodulaires masquées par le pelage mais alopéciques par endroit en écartant les poils longs. La tonte révèle de nombreux nodules cutanés et sous-cutanés, plus ou moins pigmentés ou érosifs, coalescents (photos 2 et 3). Leur nombre a augmenté. La palpation confirme l’extension diffuse et sous-cutanée, une consistance ferme et douloureuse à la pression. Quelques rares papules et pustules folliculaires sont présentes, ainsi qu’un érythème diffus.
Photo 2 : flanc D nodules hyperpigmentés, coalescents, parfois érosifs
Photo 3 : flanc G, vue rapprochée
Le bilan clinique est une dermatose chronique évoluant depuis des années, modérément prurigineuse, caractérisée par la présence d’une alopécie focale bilatérale des flancs avec hyperpigmentation, associée à des nodules fermes et douloureux, parfois pigmentés ou érosifs, coalescents, en extension symétrique depuis la colonne vertébrale, accompagnée d’une folliculite.
Les hypothèses diagnostiques regroupent diverses dermatoses néoplasiques et pseudo-néoplasiques (tableau I) :
- naevi collagéniques (dermatofibrose nodulaire)
- fibromes/fibrosarcomes
- lipomes/liposarcomes
- nodules fibro-histiocytaires
- tumeurs de la gaine des nerfs périphériques
Examens complémentaires
La cytologie par ponction de nodule montre des amas de cellules fusiformes à noyau oblong, à la chromatine finement piquetée, peu nucléolées, et à cytoplasme basophile (photo 4).
Photo 4 (*1000 immersion, RAL) : cytoponction d’un nodule, cellules fusiformes
La cytologie d’une pustule folliculaire montre des images de phagocytose bactérienne évocatrices d’une folliculite.
Un bilan sanguin est réalisé : les valeurs hématologiques, biochimiques et le ionogramme sont dans les valeurs usuelles.
Tableau I : hypothèses diagnostiques
Hypothèses diagnostiques |
En faveur |
En défaveur |
Ex comp |
Naevi collagéniques |
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Tumeurs de la gaine
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Fibromes |
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Lipomes |
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Néoplasies |
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Nodules fibro-histiocytaires |
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Plusieurs biopsies sont également réalisées sur plusieurs nodules pour un nouvel examen histologique.
Lors des prélèvements, des formations nodulaires indurées s’éliminent par pression sur le derme et l’hypoderme dans les zones atteintes (photo 5).
Photo 5 : aspect macroscopique (double-flèche = 1 cm)
des formations nodulaires sous-cutanées après exérèse chirugicale
Les nouvelles biopsies mettent en évidence dans le derme profond et l’hypoderme des images identiques de lésions multi-nodulaires, non encapsulées, au sein d’une prolifération cellulaire diffuse de cellules fusiformes. Ces cellules sont peu nombreuses, sans atypie cyto-nucléaire, organisées en faisceaux dans les tissus environnants et les structures annexielles. Ces lésions sont traversées par de nombreuses structures nerveuses périphériques normales. L’épiderme est hyperpigmenté en regard des zones nodulaires (photos 6 à 8).
Photo 6 (HE*40, LAPVSO) : lésions multinodulaires dans le derme profond
Photo 7 (HE*200, LAPVSO) : aspects hypo et hyper cellulaires de la tumeur (zones dites « Antoni A et B »)
Photo 8 (HE*1000, LAPVSO) : faisceaux de cellules fusiformes dans un stroma collagénique et myxoïde