Auteur : Émmanuel Bensignor
Spécialiste en dermatologie vétérinaire
DESV Dermatologie, DIP ECVD, CES Dermatologie
Consultant en dermatologie
75003 Paris, 35510 Rennes-Cesson, 44000 Nantes
Introduction
La sclérodermie localisée est une dermatose peu fréquente, décrite chez l’homme et anecdotiquement chez les carnivores domestiques, chien et chat. Sa pathogénie et son traitement sont encore mal cernés. Le diagnostic est essentiellement clinique, l’examen histopathologique permettant de confirmer une collagénose.
Description du cas clinique
Un chien Shi Tzu, âgé de 1 an et demi, femelle non stérilisée, est présenté à la consultation de dermatologie pour une lésion unique localisée sur le sommet du crâne.
Le chien vit en appartement, sans congénère. Il est correctement vacciné et vermifugé. Son alimentation, industrielle sèche et restes de table, est de bonne qualité. Les traitements antiparasitaires sont effectués régulièrement et correctement.
La lésion a débuté trois mois auparavant, a évolué lentement dans le temps, puis a semblé se stabiliser. La propriétaire rapporte qu’elle a initialement observé des poils «emmellés» sur la tête, qu’elle a coupés aux ciseaux. Rapidement, une calvescence a été observée. Aucun traitement n’a été mis en place avant que l’animal ne soit présenté.
L’examen clinique général est normal.
L’examen dermatologique à distance montre une dermatose très localisée (photo 1). La lésion est située sur le sommet du crâne. A l’examen rapproché, elle se présente sous la forme d’une zone dépilée, en relief, d’une taille d’environ 2 centimètres (photo 2). La lésion est clairement indurée à la palpation. Sa couleur, blanc ivoire, est assez inhabituelle. Par ailleurs, on note une dépression centrale, et en périphérie il est possible d’observer un liseré érythémateux discret (photo 3). La propriétaire rapporte que ce liseré était plus prononcé dans les stades initiaux de la maladie.
Aucun prurit n’est rapporté. La lésion n’est pas douloureuse.
Photo 1 : vue éloignée de l’animal: absence de lésion sur le corps
Photo 2 : vue de la lésion sur le sommet du crâne:
alopécie, plaque de couleur ivoire avec dépression centrale
Photo 3 : vue de la lésion: le liseré érythémateux,
bien qu’en voie de disparition, est encore perceptible
Les hypothèses diagnostiques retenues sont une sclérodermie en plaque localisée (morphée), une alopécie cicatricielle, une dermatopathie ischémique, une alopéceia areata et une alopécie de traction. Toutefois, les hypothèses alopéciques sensu stricto sont rendues improbables par l’aspect en plaque de la lésion (dans les maladies alopéciques rapportées ci dessus, la zone atteinte n’est pas en règle générale en relief).
L’examen histopathologique montre le remplacement du tissu dermique par des fibres de collagène d’arrangement presque normal; une densification des fibres de collagène avec des faisceaux épais et tassés, le remplacement par un tissu fibreux des annexes folliculaires et la présence d’un infiltrat inflammatoire discret périvasculaire et périnerveux (photo 4).
Photo 4 : examen histopathologique de la lésion:
remplacement du tissu dermique normal
et des annexes par des fibres de collagène
Le diagnostic retenu est celui de sclérodermie localisée en plaque. Un traitement topique à base d’acéponate d’hydrocortisone en spray (Cortavance®, Vibac) est prescrit à la dose d’une pulvérisation locale par jour pendant 15 jours, puis une application un jour sur deux pendant 15 jours.