Un cas de séborrhée chez un chat âgé


eric-florantAuteur : Eric Florant
Ces de Dermatologie – Ex chargé de consultation de dermatologie ENVA
Clinique vétérinaire Les Sablons
78370 Plaisir

 


Motif de consultation

Pitchounette, chatte européenne stérilisée âgée de 15 ans, pesant 3,8kg, nous est présentée à la consultation car ses propriétaires s’inquiètent suite à l’apparition de nœuds en quantité importante sur le dos.

Commémoratifs

Cette chatte n’a pas d’antécédent particulier. Elle est vaccinée tous les ans, et vermifugée.

Anamnèse

Les signes ont commencé progressivement depuis plusieurs mois. Ces maîtres n’arrivent plus à brosser Pitchounette, car elle paraît sensible.

Examen général

Il n’y a pas d’atteinte de l’état général. L’appétit et la prise de boisson sont normaux. Les propriétaires n’ont pas constaté de changement de comportement.

A l’examen clinique, Pitchounette paraît sensible à la palpation pression de la colonne vertébrale. Une légère amyotrophie est notée sur les pattes arrière. En questionnant les propriétaires sur d’éventuelles difficultés au saut, ceux ci nous confirment qu’effectivement Pitchounette ne peut plus sauter sur les canapés et les lits, et qu’ils ne se sont pas inquiétés attribuant cela simplement à l’âge. En leur demandant, si ils voient leur minette se laver normalement, ils pensent effectivement après réflexion qu’elle se contente de se laver un peu les pattes avant et un peu le bas de l’abdomen. Le reste de l’examen clinique ne révèle rien d’anormal (en particulier cavité buccale, palpation de la thyroïde, auscultation cardiaque, palpation abdominale).

Examen dermatologique

On note une séborrhée du dos en particulier, avec la présence de nœuds au niveau des poils et un squamosis. Il n’y a pas de prurit.

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Photos 1, 2 et 3

Diagnostic différentiel

Suite à l’examen clinique, nous envisageons l’hypothèse d’une séborrhée secondaire à un manque de toilettage consécutif à une douleur du dos de type arthrose.

D’une manière générale, en présence d’une séborrhée sans prurit chez un chat âgé sans surpoids, et sans atteinte de l’état général, d’autres hypothèses sont à envisager (cf discussion):

  • Affection douloureuse induisant un manque de toilettage : affections buccales (problèmes dentaires, gingivites et stomatites), maladies très variées comme celles provoquées par les virus immunodépresseurs (FeLV, FIV), néoplasies, maladies inflammatoires chroniques des intestins…
  • Un trouble du comportement 
  • Une hyperthyroïdie
  • Une dermatophytie

Examens complémentaires immédiats

Bilan hématologique et biochimique normal (urée, créatinine, protéines totales, Phosphatases alcalines, Alanine Aminotransférase, glycémie)

Radiographie : signes d’arthrose vertébrale

Diagnostic

Séborrhée du dos secondaire à un manque de toilettage chez un chat atteint d’arthrose

Traitement

Nous prescrivons pour un mois:

  • Un traitement avec du meloxixam (METACAM chat ®) 0.05mg/kg par voie orale.
  • Un traitement de fond à base de chondroprotecteurs AGILIUM PLUS ® par voie orale
  • Une application de DOUXO SEBORRHEE Spot on ® une fois par semaine sur la peau du dos
  • Dès que possible un brossage régulier du pelage

Suivi

Après 1 mois de traitement, l’amélioration est très nette, la séborrhée a très nettement diminué. Pitchounette fait sa toilette plus régulièrement y compris sur le bas du dos. Ses maîtres peuvent à nouveau la brosser.

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Photos 4, 5, et 6

Nous maintenons une application 1 à 2 fois par mois de DOUXO SEBORRHEE Spot on ®, le traitement de fond d’AGILIUM , et nous préconisons de recommencer des cures longues de METACAM chat selon les signes cliniques.

Discussion

La séborrhée du pelage chez un chat âgé, se traduisant par un squamosis et la présence de nœuds sur le dos, même si il n’y a pas souvent de demande de la part du propriétaire qui considère cela comme un signe normal du vieillissement, ne doit pas paraître anodine. Elle est le plus souvent l’expression d’un manque d’entretien, lequel peut être secondaire à de multiples affections, dont certaines peuvent avoir des conséquences vitales, et d’autres altérer le confort de vie de l’animal :

Douleurs chroniques :

La douleur chronique chez le chat âgé est très probablement sous estimée et à l’origine le plus souvent de troubles ou d’arrêt du toilettage se traduisant par une altération du pelage. Dans d’autres cas, elle se manifeste par une alopécie auto-induite dans la zone douloureuse.

Les causes principales en sont l’arthrose, comme dans le cas présenté, et tous les états inflammatoires dont les affections buccales (problèmes dentaires, gingivites et stomatites), mais aussi des maladies très variées comme les virus immunodépresseurs (FeLV, FIV), les cancers, les maladies inflammatoires chroniques des intestins…

La douleur est difficile à reconnaître par le propriétaire et le plus souvent difficile à mettre en évidence en consultation.

Ce sont plus des modifications dans le comportement du chat qui attireront l’attention du maître :

perte d’activité ou au contraire hyperactivité, diminution de l’appétit, troubles du sommeil, gémissements ou  cris (mais le plus souvent mutisme),  respiration de faible amplitude; agressivité, tendance à se cacher, malpropreté, self auscultation du site douloureux et postures anormales, en sphinx au lieu de se coucher en boule. Ces modifications du comportement ne sont pas proportionnelles à l’intensité de la douleur. Un examen général complet, y compris neurologique, doit être réalisé, ainsi que des examens hématologiques et biochimiques afin de rechercher les causes sous jacentes associées ou à l’origine de ces troubles.

La réponse au traitement est souvent le meilleur moyen diagnostique. Le retour à un comportement normal permet d’objectiver la réussite thérapeutique et d’adapter les doses.

Les traitements associant plusieurs molécules à une dose faible semblent plus efficaces que les monothérapies. L’association d’un AINS, avec un antagoniste des récepteurs NMDA, et un antidépresseur tricyclique paraît intéressante.

Les AINS ont démontré leur efficacité. Le meloxicam (METACAM*) dispose maintenant d’une amm chez le chat, nous l’avons utilisé dans ce cas.

Les récepteurs NMDA jouent un rôle important dans les douleurs chroniques, d’où l’intérêt d’administrer des antagonistes. Ils permettent de supprimer les mécanismes d’amplification de la douleur et d’annuler les états de douleurs chroniques. L’amantadine (Mantadix ND) peut être administrée hors amm (utilisée dans le traitement de la maladie de Parkinson et des grands syndromes douloureux chez l’homme), à la posologie de 3mg/kg/jour Une période d’adaptation avec de possibles états d’hyperexcitation et des épisodes hallucinatoires de quelques jours est nécessaire et le propriétaire doit en être prévenu. Un reconditionnement est nécessaire car l’amantadine disponible en France se présente sous la forme d’une capsule épaisse renfermant un excipient huileux qui peut aisément être dilué dans de l’huile pour adapter la dose.

Les antidépresseurs tricycliques (ex clomipramine (Clomicalm ND),  hors amm chez le chat) ont aussi une action analgésique en particulier dans les douleurs chroniques liées aux cancers. L’action est plus faible et inconstante sur les douleurs arthrosiques, lorsqu’elle est utilisée en monothérapie.

Les corticoïdes peuvent être intéressants lors de douleurs osseuses ou hépatiques .

En cas d’arthrose, un traitement de fond à base de chondroprotecteurs est intéressant.

Molécule
Nom déposé
Posologie chat âgé
Carprofène
Rimadyl
2mg/kg/4j SC CI per os
Méloxicam
Métacam
0.05 mg/kg/ jour PO (nouveau)
Acide Tolfénamique
Tolfédine
1 à 2 mg/kg/7j SC PO
Kétoproféne
Kétofen
0.5 à 1 mg/kg/7j
Morphine
 
0.1 à 0.5mg/kg/j SC PO
Amantadine
Mantadix
3mg/kg/j PO
Clomipramine
Clomicalm
0.25 à 0.5 mg/kg/j PO
Prednisolone
 
1 à 2 mg/kg SC PO

Posologie des molécules permettant de gérer la douleur chez le chat

D’autres causes sont à envisager

Troubles du comportement

Le vieillissement « normal » se manifeste par un ralentissement de l’activité, mais parfois le processus peut devenir pathologique. Suite à des altérations cérébrales le chat perd ses capacités d’adaptation et peut avoir des signes de dépression sénile (dépression d’involution, syndrome confusionnel, syndrome hypersomnie, dysthymie). Certaines affections organiques peuvent aggraver le tableau : tumeurs cérébrales (tout de même rares), dysendocrinies (diabète sucré, hyperthyroidie) ou insuffisance rénale chronique. D’une manière générale, des publications récentes démontrent que toute cause de douleur chronique, jusqu’à présent peu prise en compte chez le chat âgé, peut aussi aggraver, voire être à l’origine des ces troubles du comportement.

D’un point de vue dermatologique, ces troubles du comportement étant le plus souvent de type dépressif, cela conduit à un manque de toilettage , d’où un état kératoséborrhéique en particulier sur le tronc. Les propriétaires consultent plus pour d’autres raisons : vocalises et miaulement de détresse le jour et surtout la nuit, malpropreté, troubles du sommeil, troubles du comportement alimentaire (boulimie ou anorexie), agressions.

Parfois chez le chat hyperthyroïdien, une anxiété intermittente est présente et peut se traduire par une alopécie auto-induite (voir paragraphe suivant)

Le diagnostic n’est donc pas facile et passe par un examen clinique approfondi, associé à un bilan hématologique et biochimique pour rechercher les causes sous jacentes, sans oublier le côté comportemental.

Hyperthyroïdie

Les troubles cutanés sont des signes fréquents, mais pas systématiques chez les chats hyperthyroïdiens. On observe le plus souvent des états kératoséborrhéiques, et parfois des zones d’alopécie, secondaires à un poil plus cassant et à un léchage excessif  secondaire à une anxiété intermittente (alopécie auto-induite).

D’autres signes cliniques plus caractéristiques sont présents. De façon presque systématique, le chat présente un amaigrissement et des troubles du comportement (en particulier hyperactivité et agitation), avec en plus la présence d’un goitre détecté par palpation minutieuse au niveau du cou (90% des cas). Les autres symptômes fréquemment observés (environ 50% des cas) sont une polyuro-polydipsie, une polyphagie, des symptômes digestifs (vomissements et/ou diarrhée, ou selles en bouses), et des symptômes cardiovasculaires (tachycardie, galop cardiaque, et/ou souffle systolique). Les symptômes plus rares: anorexie avec abattement, dyspnée (hyperventilation même au repos), thermophobie, ventroflexion de la tête. Nous ne reviendrons pas sur le diagnostic.

Obésité

L’obésité est également à l’origine d’un manque d’entretien, souvent secondaire à une perte de souplesse de l’animal. Les surcharges lipidiques hépatiques contribuent aussi à la séborrhée observée sur le dos.

Ces problèmes de surpoids sont le plus souvent observés chez des chats seniors de moins de 12 ans (20 à 50% des chats de cet âge), car souvent les chats plus âgés, nommés gériatriques par certains auteurs, ont tendance à maigrir malgré leur augmentation d’appétit : 30 à 50% des chats de plus de 12 ans sont trop maigres, et moins de 20% obèses. Cet amaigrissement est probablement secondaire à une baisse de la digestibilité des nutriments.

Le traitement consiste avant tout à donner un aliment de régime adapté, associé à des médicaments favorisant la détoxification hépatique et à des compléments alimentaires adaptés pour le pelage.

Dermatophyties

Certaines dermatophyties, en particulier chez des chats de race à poil long, peuvent se présenter sous la forme de séborrhée. Il convient de donc de les rechercher avec un examen à la lampe de Wood, un trichogramme voire une mycologie.

En présence d’un état kératoséborrhéique plus marqué et plus généralisé, il faut envisager d’autres hypothèses diagnostiques  comme les folliculites lymphocytaires murales, et les dermatites à Malassezia souvent secondaires à des maladies internes graves. Nous ne rentrerons pas dans les détails car les signes cliniques sont assez différents.

Traitement topique de la séborrhée :

Il est souvent difficile de pratiquer des shampooings chez les chats âgés. Les traitements de type spot on (DOUXO SEBORRHEE spot on ® ou DERMOSCENT ®) sont tout à fait indiqués et donnent de bons résultats, associés à un brossage.

Pour en savoir plus

  • Michon P. Gestion de la douleur chez le chat âgé. Proceedings congrès national de l’AFVAC 10 au 12 décembre 2004 Paris.
  • Florant E. Les dermatoses du chat âgé. Proceedings congrès national de l’AFVAC 10 au 12 décembre 2004 Paris.
  • Florant E. Les dermatoses du chat âgé Le Point Vétérinaire 2006 ; 37 (265) 30-35
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