Auteur : Christian Collinot – Juin 2011
Clinique vétérinaire du ROC
117, avenue du maréchal LECLERC
86100 CHATELLERAULT
Commémoratifs
Fidji est un chiot mâle Berger Belge Tervueren de 3 mois. Il vit à la campagne, est en cours de vaccination. Il est régulièrement déparasité (APE et API). Il est nourri avec une alimentation industrielle pour chiot de bonne qualité.
Anamnèse
Au cours de la visite vaccinale, le vétérinaire note des lésions essentiellement faciales. Des raclages cutanés sont négatifs et il nous est transféré pour la suite du diagnostic.
Examen général
L’examen général est bon, il n’est pas noté d’amyotrophie. Il n’y a pas de dysphagie ni de perturbation dans la prise de boisson. Le chiot est turbulent sans fatigue apparente.
Examen dermatologique
Les lésions siègent au niveau de la face. On note une dépigmentation associée à une alopécie.
Photo 1 : alopécie et dépigmentation de la face
Les zones atteintes sont le tour des yeux,
Photo 2 : lésions autour des yeux
Le bord des lèvres,
Photo 3 : lésions du bord des lèvres
Photo 3 bis : dépigmentation au niveau des lèvres
Le chanfrein.
Photo 4 : lésions du chanfrein
De plus, la peau est ou atrophiée ou légèrement lichénifiée, avec plus ou moins un aspect cicatriciel,
Photo 5 : peau atrophiée, ou lichénifiée selon les endroits
On note la présence de squames et de squames-croûtes très compactes adhérentes à la peau autour des yeux,
Photo 6 : squames autour des yeux
Sur le chanfrein, avec des images linéaires,
Photo 7 : squames compactes sur le chanfrein
Ou une forme plus en amas, comme autour de yeux sur la face externe des pavillons auriculaires, sur l’oreille gauche, elles soulignent le tatouage (alors que sa cicatrisation préalable avait eu lieu sans problème).
Photo 8 : squames en paquets oreille gauche,
Photo 9 : squames en paquets oreille droite
Enfin, une petite lésion dépigmentée nodulaire est notée sur la truffe.
Photo 10 : lésion de la truffe.
Diagnostic différentiel
Nous sommes en présence de lésions faciales d’un très jeune chien avec une alopécie, une dépigmentation, une dystrophie (atrophie/ lichénification/ squames-croûtes très compactes). Les lésions du bord des lèvres et la lésion de la truffe ne sont pas en faveur d’une démodécie (pas de follicules) et un premier examen a déjà envisagé cette hypothèse (raclage négatif). Le même raisonnement pour une dermatophytose, zones sans follicules sauf pour microsporum persicolor. Une pyodermite est possible mais là aussi très atypique. Une maladie auto-immune type lupus érythémateux discoïde est évoquée, mais elle apparaît bien tôt (3 mois) et en plein hiver bien gris pour une maladie photo aggravée. Une maladie génétique comme l’épidermolyse bulleuse est possible mais l’atteinte réduite à la face et un manque d’ulcération n’est pas dans le schéma classique. Le résultat de brûlures physiques ou chimiques a été évoqué, mais rien, dans un recueil de commémoratifs minutieux, ne permet d’étayer cette hypothèse. Enfin, et même si la race n’est pas décrite comme prédisposée, une dermatomyosite semble avoir le pattern qui correspond le mieux à celui observé. Pour être complet, évoquons, la cellulite vaccinale post rabique, mais le vaccin a été effectué par le vétérinaire le jour de la première consultation, alors que les lésions étaient déjà présentes.
Examens complémentaires
Compte tenu du raisonnement, des biopsies s’imposent. Il n’en reste pas moins que les examens de première intention peu coûteux et de réponse rapide sont effectués. Les raclages, calques, trichogramme n’apportent pas d’élément de réponse. Un DTM est ensemencé et on a pris le soin d’une attente plus longue pour le cas ou M. persicolor se développerait.
Des biopsies sont examinées au LAPVSO :
« L’épiderme montre une hyperplasie modérée sous forme d’une acanthose régulière associée à une hyperkératose ortho et très ponctuellement parakératosique. L’assise basale est le siège d’une exocytose discrète de quelques petits lymphocytes, éventuellement associés à la présence de rares corps apoptotiques et de discrets foyers de dégénérescence hydropique des cellules de l’assise basale.
Photo 11 : biopsie cutanée
Il s’agit donc d’une discrète dermatite d’interface pauci cellulaire.
Photo 12 : biopsie cutanée
Par endroits, la jonction dermo-épidermique est manifestement fragilisée avec apparition de fentes et tendance à la disjonction dermo-épidermique. Des lésions élémentaires similaires, mais exprimées avec beaucoup moins d’intensité, intéressent les infundibula. Le derme montre une discrète mucinose diffuse, la présence, en situation périvasculaire et périannexielle à sub-lichénoïde, d’un infiltrat cellulaire discret essentiellement lymphocytaire. Des lésions de folliculite d’interface murale lymphocytaire sont également, ponctuellement, notées. Dans l’ensemble, les unités folliculo-glandulaires sont normalement développées, mais il existe une tendance à l’atrophie des follicules pileux avec, en particulier, atrophie des gaines épithéliales. En profondeur, l’infiltrat est volontiers angiocentré, quelques cellules inflammatoires mononuclées peuvent être présentes dans les parois vasculaires.
Ponctuellement, le muscle peaucier est visible. Ses fibres sont atrophiées, montrant des images d’hypercontraction. Les septa interfibrillaires sont assez abondamment infiltrés par des petits lymphocytes matures.
Photo 13 : biopsie cutanée, muscle peaucier
Photo 14 : agrandissement fibres muscle peaucier (PAS)
Absence d’élément figuré pathogène parasitaire et fongique.
Conclusion : dermatite d’interface lymphocytaire pauci-cellulaire associée à une discrète folliculite d’interface lymphocytaire pauci-cellulaire, atrophiante et à un infiltrat cellulaire inflammatoire angiocentré et des lésions de myosite interstitielle mononuclée. »
Diagnostic
Même s’il ne s’agit pas d’une race prédisposée, la clinique et l’histologie sont en faveur d’une dermatomyosite, sans atteinte musculaire importante ni amyotrophie à l’heure du diagnostic.