Un cas de dermatose féline due à un calicivirus


eric-florantAuteur : Eric Florant – Mars 2012
Ces de Dermatologie – Ex chargé de consultation de dermatologie ENVA
Clinique vétérinaire Les Sablons
78370 Plaisir

 


Motif de consultation

Une chatte nous est présentée pour saignement de la truffe

Commémoratifs et anamnèse

Cette chatte de 7 ans stérilisée vit en pavillon avec un autre chat, elle n’est pas vaccinée, mais est vermifugée 2 fois par an. Quelques jours avant les propriétaires ont remarqué une baisse de forme et d’appétit avec des éternuements et un écoulement nasal. Des saignements sont apparus en plus motivant la consultation.

Examen clinique

L’examen général est bon. Le chat n’a plus de fièvre. Il a des signes de rhinite (éternuements et écoulements au niveau des narines). Une ulcération importante est présente au niveau du philtrum de la truffe jusqu’au milieu de la lèvre supérieure, avec une croûte centrale, entourée d’une large zone érythémateuse. L’ulcération étant profonde la truffe saigne. A l’ouverture de la gueule, un ulcère est remarqué sur la langue.

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Diagnostic

Face à un tel tableau clinique, de maladie respiratoire brutale avec fièvre au départ, de nécrose du philtrum et d’ulcère de la langue, le diagnostic est clinique et peut être posé sans examen complémentaire : ce chat est atteint d’une calicivirose.

Traitement

Nous proposons au propriétaire un traitement antiviral à base d’interféron oméga recombinant (VIRBAGEN OMEGAâ) à raison de 3 injections à 2 jours d’intervalle J0 J2 J4 puis une dernière injection 1 semaine après, à la dose de 2,5MU/kg afin d’accélérer la guérison et tenter d’éviter un portage chronique.
Un traitement antibiotique (marbofloxacine (MARBOCYLâ) est rajouté pendant 12 jours pour éviter les surinfections suite à la nécrose, mais aussi éviter les complications infectieuses au niveau des sinus fréquentes lors des coryzas en général chez le chat. Un anti-inflammatoire non stéroïdien meloxicam (METACAMâ) est également prescrit pour calmer la douleur et l’inflammation des voies respiratoires, pendant 5 jours.

Évolution

Les saignements ont stoppé rapidement en 2 jours, les signes respiratoires ont disparu en 1 semaine et la cicatrisation de l’ulcère a été effective en une dizaine de jours.

Discussion

Les maladies virales à expression cutanée sont de découverte récente en dermatologie. Le calicivirus fait partie des virus courants chez le chat, associé habituellement à des maladies respiratoires de type rhinite, voire pneumonie, des conjonctivites, des gingivites, ou des boiteries. Les signes généraux, comme la fièvre, sont souvent présents, plus rarement un ictère peut être observé. Les formes cutanées sont rares, mais probablement sous estimées.

Étiologie

Le calicivirus est un virus très résistant dans l’environnement (plus d’un mois à 20°C), mais il est sensible à l’eau de javel diluée. Il peut persister dans l’oropharynx de nombreux chats infectés. Il existe un grand nombre de souches de calicivirus, de virulence, d’antigénicité et de tropisme tissulaire différents. L’intensité et la nature des signes cliniques est par là même variable. Les lésions provoquées par le calicivirus sont liées à son tropisme pour les cellules endothéliales, ainsi qu’à l’action cytotoxique de certaines souches sur les cellules épithéliales.

Signes cliniques

Les lésions peuvent ou non être accompagnées de signes respiratoires, ou des autres signes généraux décrits précédemment, qui peuvent être parfois sévères.
Un des signes d’appels est la présence d’ulcères sur la langue ou/et le palais.
Pour les formes cutanées, la topographie des lésions est le plus souvent faciale (truffe, en particulier le philtrum, lèvres, plus rarement les oreilles), au niveau des articulations des carpes ou des tarses, ou au niveau des extrémités (espaces interdigités, et coussinets). Il existe également une forme particulière décrite après des chirurgies, comme des stérilisations, avec apparition de lésions au niveau de la zone opérée : le virus se transmettrait dans ces cas lors du léchage de la cicatrice chez des chats porteurs « sains » du virus.
Les lésions sont des vésicules, rarement des pustules, un œdème diffus douloureux (qui précède la nécrose) en particulier au niveau des pattes voire des coussinets, des croûtes, des ulcérations, et rarement des ecchymoses.

Diagnostic différentiel

Il inclus les abcès suite à des morsures ou de griffures, pour les chats chasseurs une poxvirose, et les infections par streptococcus canis.

Diagnostic

Le diagnostic peut être clinique, comme dans le cas présenté, lors d’association de plusieurs signes: fièvre, signes respiratoires, ulcération du palais ou de la langue, nécrose du philtrum. Dans les cas incertains, le diagnostic peut être confirmé par la réalisation de biopsies. L’histologie montre une nécrose épidermique segmentée, avec occasionnellement une extension folliculaire, et la présence du virus dans la peau est confirmée par immunohistochimie ou identification du virus par PCR. Cependant il existe des faux négatifs, du fait de la présence transitoire du virus, et de part l’existence de nombreuses souches qui ne sont pas toutes détectées par les anticorps existant pour réaliser les immunohistochimies.

Le traitement est symptomatique : antibiotiques pour traiter les surinfections, anti-inflammatoires non stéroïdiens en particulier en cas de fièvre ou de boiteries, voire corticoïdes à dose NON immunosuppressive pour calmer l’inflammation.
Lors d’épisode aigue et récent un traitement par l’interféron VIRBAGEN OMEGA est intéressant. C’est ce traitement que nous avons utilisé avec succès dans le cas présenté

Quand suspecter une calicivirose cutanée :

  • En présence d’une dermatite nécrosante de la face et/ou des pattes
  • En présence d’œdème douloureux avant l’apparition des lésions cutanées
  • En présence d’ulcération orale
  • En présence de signes respiratoires
  • En cas de contagion

Références

  • Les informations données dans la discussion sont issues de la conférence présentée par le Pr Yann Declercq au congrès de l’ESVD à Bruxelles en septembre 2011
  • Pr Yann Declercq, The diagnosis, prognosis and management of feline cutaneous viral infections, 25th annual congress of the ESVD, Brussels, 8-10 sept 2011.
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