Un cas de gale sarcoptique canine

Un chien croisé Berger allemand, âgé de 6 ans, pesant 40 kilos, est présenté en consultation du fait de l’existence d’une dermatose fortement prurigineuse évoluant depuis près de quatre mois.


Auteur : William Bordeau 
Consultant exclusif en dermatologie
Clinique de château-Gaillard,
3 avenue Foch 94700 MAISONS-ALFORT


Un chien croisé Berger allemand, âgé de 6 ans, pesant 40 kilos, est présenté en consultation du fait de l’existence d’une dermatose fortement prurigineuse évoluant depuis près de quatre mois.

L’animal vit en pavillon avec un chat. Ce dernier a un libre accès à l’extérieur, mais il ne présente aucun prurit ni aucune dermatose. En dehors de celui-ci, il n’a aucun contact privilégié avec d’autres animaux.

La prévention antipuces est réalisée régulièrement sur les deux animaux, par application mensuelle d’une pipette contenant du fipronil (FRONTLINE spot-on®). Aucune application d’un régulateur de croissance des insectes n’est réalisée aussi bien sur les animaux que dans l’environnement.

La dermatose est apparue il y a près de quatre mois. Elle s’est initialement manifestée par un prurit abdominal associé à la présence de quelques papules et pustules. Ce chien ne présente aucun antécédent dermatologique. Différents traitements antibiotiques et corticoïdes ont été réalisés précédemment qui n’ont amené qu’une résolution partielle du prurit et des lésions.

Examen clinique

L’animal est en bon état général, et aucun symptôme n’est relaté par le propriétaire.

D’un point de vue dermatologique, on constate une atteinte multifocale. Au niveau des oreilles, des coudes, de l’abdomen, des testicules et des membres, la peau est érythémateuse et on y observe de nombreuses papules, des pustules, des croûtes, ainsi qu’une alopécie diffuse auto-induite (Photos 1 et 2). Au niveau des coudes, la peau est également épaissie et hyperpigmentée (Photo 3). Une cheilite est une pododermatite modérée sont présentes. Le chien présente par ailleurs un othématome au niveau de l’oreille gauche depuis quelques jours (photo 4).

La dermatose est très prurigineuse, et lorsque le chien est caressé il se met rapidement à se gratter (Photo 5). Le réflexe otopodal s’avère positif. Le prurit auriculaire a probablement été à l’origine de l’apparition de l’othématome.

cas-de-gale-sarcoptique-canine1

Photo 1 : Papules et pustules abdominales

 

cas-de-gale-sarcoptique-canine2

Photo 2 : Sévère érythème et croûtes testiculaires

cas-de-gale-sarcoptique-canine3

Photo 3 : Érythème, épaississement cutané et croûtes au niveau du coude gauche

cas-de-gale-sarcoptique-canine4

Photo 4 : Othématome au niveau de l’oreille gauche

cas-de-gale-sarcoptique-canine5

Photo 5 : Prurit très important se manifestant dès que l’animal est touché

Synthèse clinique

Nous sommes donc en présence d’un chien âgé de 6 ans, non castré, qui présente une dermatose multifocale très prurigineuse et papulo-croûteuse, se localisant essentiellement au niveau des oreilles, des coudes, de l’abdomen, et des membres.

Hypothèses diagnostiques

Après recueil de l’anamnèse et des commémoratifs, et observation des signes cliniques, il convient essentiellement d’envisager l’existence d’une dermatite atopique, qu’elles soient dues à des trophallergènes ou à des aéroallergènes, une pyodémodécie et une gale sarcoptique.

Examens complémentaires

De nombreux raclages cutanés sont réalisés au niveau des oreilles, des coudes et de l’abdomen. Ils permettent de mettre en évidence de nombreux sarcoptes adultes, des larves, des oeufs et des pellets.

Une cytologie est réalisée à partir de pustules abdominales. Elle permet de mettre en évidence l’association avec une pyodermite bactérienne due à des coques (très probablement des staphylocoques). 

Diagnostic

Cet animal présente donc, au moins, une gale sarcoptique. Les propriétaires sont prévenus de l’association possible avec une dermatite atopique.  Toutefois, pour l’instant, aucune exploration atopique n’est réalisée. Celle-ci ne sera effectuée qu’en l’absence de rémission complète.

cas-de-gale-sarcoptique-canine6

Photo 6 : Sarcoptes scabiei femelle

cas-de-gale-sarcoptique-canine7

Photo 7 : Œuf de sarcoptes

cas-de-gale-sarcoptique-canine8

Photo 8 : Pellets de sarcoptes

Traitements

Un traitement antibiotique à base de céfalexine (RILEXINE®) à la dose de 30 mg/kg/jr par voie orale est mis en place pendant six semaines. Un traitement acaricide est réalisé chez le chien et le chat (même si la contamination féline est très rare), par application d’une pipette contenant de la sélamectine (STRONGHOLD®), trois fois à 15 jours d’intervalle. Il est également demandé aux propriétaires d’appliquer un acaricide sur les lieux de couchage des animaux tous les mois (TIQUANIS habitat®). Concernant l’othématome, un rendez-vous chirurgical est pris.

Suivi

Un contrôle est réalisé quatre semaines plus tard, après application de deux pipettes. A cette occasion, les points de la chirurgie de l’othématome sont retirés. L’animal ne présente globalement plus aucun prurit, et une très nette amélioration lésionnelle est observée. De ce fait, aucune exploration atopique ne sera réalisée chez ce chien. Aucun prurit ni aucune lésion ne sont apparus sur le chat. Il est demandé aux propriétaires d’appliquer la troisième et dernière pipette de sélamectine sur les animaux, et de conserver ce produit en prévention antipuces. Il est également demandé de maintenir le contrôle acaricide environnemental par application du régulateur de croissance des insectes tous les trois mois.

Aucune récidive n’a été signalée par les propriétaires.

Discussion

La gale sarcoptique est une dermatose parasitaire rare, due à un acarien appartenant à la famille des sarcoptidés,  Sarcoptes scabiei var. canis. Il s’agit toutefois d’une dermatose qui est très probablement sous diagnostiquée, notamment du fait qu’elle mime parfaitement une dermatite atopique extrêmement fréquente dans cette espèce.

Il s’agit d’une dermatose extrêmement contagieuse entre chien, puisqu’on considère qu’elle se transmet aux congénères canins dans un tiers à la moitié des cas. Très rarement, elle peut également se transmettre au chat, mais cela n’a été relaté dans la littérature qu’une dizaine de fois. Ce parasite peut être également transmis à l’homme dans 10 à 50 % des cas de gale sarcoptique canine. La contagion entre animaux, ou même à l’homme, peut être réalisée par voie directe, mais aussi par voie indirecte par le biais de divers objets comme les couvertures ou les coussins. Dans notre cas, aucune origine de cette contamination n’a pu être déterminée.

Le cycle parasitaire est rapide, puisqu’il ne dure que trois semaines environ. Il se déroule entièrement sur l’hôte, bien que les sarcoptes puissent également survivre dans le milieu extérieur quelques jours à quelques semaines selon la température et l’humidité ce qui nécessite donc un contrôle environnemental acaricide.

Les sarcoptes se localisent de manière préférentielle sur les zones peu velues, et on va ainsi initialement observer des lésions papuleuses et/ou papulo-croûteuses sur le bord des pavillons auriculaires, sur la face externe des coudes, au niveau des jarrets et un niveau de l’abdomen. Sur ces sites, on peut également observer un érythème, des excoriations, un épaississement cutané et une hyperpigmentation.

Le prurit est systématiquement présent, il est bien souvent important à démentiel. Le réflexe otopodal, provoqué par la friction de la zone de l’oreillon du pavillon auriculaire est positif dans plus des trois quarts des cas. Il n’est toutefois pas systématique, et des chiens présentant notamment une dermatite atopique peuvent également avoir un réflexe positif.

Le diagnostic final passe par la réalisation de raclages cutanés multiples sur les sites préférentiels d’atteinte lésionnelle ci-dessus évoqués. Sur le produit obtenu par les raclages, déposé dans du lactophénol entre lame et lamelle, et observé au microscope à l’objectif 10, on va rechercher des adultes, des larves, des oeufs, et des pellets. Il s’agit toutefois d’un parasite difficile à observer, et on considère que ces différents éléments ne sont observés que dans un tiers des cas environ, d’où la nécessité de parfois réaliser une épreuve thérapeutique. En l’occurrence, des raclages négatifs ne permettent en aucun cas d’écarter une suspicion clinique de gale sarcoptique. La gale sarcoptique n’est pas une indication de la réalisation de biopsies cutanées, car il y a une très forte probabilité qu’ils ne puissent être observés lors d’analyse histologique.

Le diagnostic différentiel comprend les dermatites allergiques, essentiellement la dermatite atopique, mais aussi diverses dermatoses parasitaires, comme la cheylétiellose, l’otacariose ou la pulicose.

Pour traiter une gale sarcoptique il faut traiter l’animal galeux, mais aussi les congénères, et l’environnement. Concernant le traitement des animaux, on privilégiera les molécules présentant une AMM dans cette indication. En France, on conseillera donc l’utilisation de la sélamectine (STRONGHOLD®) ou de la moxidectine (ADVOCATE®), sous forme de spot-on, toutes deux agissant de manière systémique. Les laboratoires respectifs recommandent deux applications à un mois d’intervalle. Pour le traitement de l’environnement, on peut appliquer les produits insecticides et acaricides habituellement employés dans la prévention antipuces.

Bibliographie

Grellet A (2007) La gale sarcoptique chez le chien. Partie 1 : Actualités diagnostiques. Informations Dermatol Vet 16 : 6-13
Grellet A (2007) La gale sarcoptique chez le chien. Partie 2 : Actualités thérapeutiques. Informations Dermatol Vet 17 : 6-16
Bordeau W (2000) Atlas des parasites cutanés du chien et du chat : La gale sarcoptique. Editions MedCom :18-25.

Retour en haut