Deux cas de gale sarcoptique canine sévère


Auteur : Arnaud Muller – Mai 2015
Dip ECVD, Spécialiste en Dermatologie Vétérinaire, CES Derm
Clinique Vétérinaire Saint Bernard
598 avenue de Dunkerque
F-59160 Lomme
www.clinvetsaintbernard.com


Anamnèse

Nous recevons en consultation les chiens Chipie et Fidji, Croisé Griffon et Bouvier Bernois, respectivement de 2 et 4 ans pour une dermatose prurigineuse chronique (apparue depuis 6 mois environ). Chipie a été adoptée à la SPA 8 mois auparavant.

Examen clinique

L’examen clinique montre des chiens amaigris et présentant surtout un prurit intense, estimé à 10/10, associé à des dépilations extensives, de nombreuses excoriations et des croûtes et squames-croûtes parfois très épaisses (Photos 1 à 6). Fidji présente en outre une plaie de léchage très profonde (avec visualisation des structures tendineuses) sur le carpe de l’antérieur droit (Photo 7). Une contagion des propriétaires à type de prurigo est notée (Photo 8).

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Photos 1 à 4 : Nombreuses lésions dépilées
et squamo-crouteuses sur le Bouvier Bernois (Fidji)

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Photos 5 et 6 : Alopécie et croûtes épaisses sur le crâne
et les pavillons auriculaires du Croisé Griffon (Chipie)

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Photo 7 : Plaie de léchage sur le carpe droit du Bouvier Bernois

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Photo 8 : Lésions de prurigo sur l’un des propriétaires

Examens complémentaires

  • Les raclages cutanés mettent en évidence des agents de gale (Sarcoptes scabiei) (Photo 9)
  • Les calques cutanés révèlent la présence de nombreuses bactéries (cocci et bacilles) en position extra et intracellulaire, au sein de polynucléaires activés
  • Un test à la cellophane adhésive montre en outre une prolifération de levures (Malassezia) en grand nombre.

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Photo 9: Produit de raclage montrant un sarcopte

Diagnostic

Le diagnostic est donc celui d’une gale sarcoptique surinfectée

Traitement

Compte tenu de leur état général, les chiens sont alors hospitalisés pendant 48 heures pour tonte lésionnelle (Photos 10 et 11), mise en place de soins topiques antiseptiques et apaisants (Malaseb ND), application du premier traitement antiparasitaire (association moxidectine-imidaclopride, Advocate ND spot-on), surveillance de la tolérance de ce traitement et début de l’antibiothérapie orale (amoxicilline-acide clavulanique, Synulox ND ). Un traitement par pansement de la plaie de l’antérieur droit est également instauré (tonte, antisepsie, pansement avec application de miel de Manuka, Activon ND)

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Photos 10 et 11 : Aspect du Bouvier Bernois après tonte

Après ces 48 heures, le traitement prescrit à la sortie est le suivant :

  • Shampooings antiseptiques et antifongiques (alternance Malaseb et Pyoderm) bihebdomadaires pendant 1 mois
  • Synulox pendant 3 semaines minimum
  • Traitement antiparasitaire en spot-on (Advocate) tous les 15 jours
  • Pansement quotidien (antisepsie et Activon) sur la plaie de léchage

Suivi

Les contrôles effectués à 2, 4 et 6 semaines montrent une très nette amélioration des lésions cutanées, une disparition du prurit, une reprise de poids évidente et une guérison du prurigo des propriétaires (Photos 12 à 18). La plaie de l’antérieur droit est en voie de cicatrisation (Photos 19 et 20).

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gale-sarcoptique-canine-severe15Photos 12 à 15 : Aspect clinique à T0+15 jours

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Photos 16 à 18 : Aspect clinique à T0+ 1 mois

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Photos 19 et 20 : Aspect de la plaie de léchage
sur le carpe droit du Bouvier Bernois
à T0+15j et T0+1M

Discussion

L’intérêt de ce cas réside essentiellement dans la sévérité des lésions cutanées et du prurit (plaie d’automutilation) et l’efficacité du traitement spot-on même sur des formes aussi étendues.

Critères épidémiologiques

La majorité des chiots amenés en consultation proviennent de collectivités (animalerie, élevage, centres de protection animale …). Pour la gale sarcoptique, compte tenu du mode de contamination (contagion directe par contact avec un animal parasité ou du matériel contaminé), et de la durée d’incubation (variable, 3 semaines environ), ce mode de vie prédispose à une telle infestation.
Cette parasitose est extrêmement contagieuse : cycle évolutif des sarcoptes rapide (10 à 13 jours), femelles très prolifiques (2 à 3 œufs par jour, soit 50 œufs par femelle) ; après fécondation, les femelles creusent des poches dans l’épiderme pour pondre, puis les œufs donnent naissance en 2 à 3 jours à des larves hexapodes qui se transforment en nymphes puis en adultes.

Polymorphisme clinique

Le motif de consultation est généralement l’apparition d’un prurit intense (voire démentiel !) et de lésions cutanées : lésions primaires (papules érythémateuses et croûteuses très prurigineuses, érythème généralisé), lésions secondaires (excoriations, dépilations en mouchetures, croûtes, EKS, pyodermite secondaire). Dans les 2 cas présentés ici, les lésions secondaires prédominent avec un prurit à l’origine de véritables plaies (automutilation) sur les membres.

La topographie lésionnelle est très évocatrice en début d’évolution : face (bords libres des pavillons auriculaires, oreillon : zone de Henry), coudes, sternum. La ligne du dos est le plus souvent épargnée. La forme juvénile, plus rare et non spécifique du jeune âge, se manifeste uniquement par des signes plus discrets : prurit plus faible et squamosis tronculaire. Des formes uniquement localisées existent.

Des examens diagnostiques immédiats

Le contexte épidémiologique (contagion) est généralement évocateur. Les examens à mettre en œuvre pour le diagnostic de la gale sarcoptique sont relativement simples et de résultat immédiat. Ainsi, lors de suspicion de gale sarcoptique, la recherche d’un réflexe otopodal positif doit toujours être réalisée (bon élément d’orientation diagnostique, présent dans 50% des cas de gale sarcoptique). La mise en évidence des sarcoptes est difficile (50% des cas seulement). Il faut s’attacher à rechercher les adultes, les œufs ou les excréments. Les raclages doivent être faits de préférence sur les zones de prédilection du parasite (zone de Henry, boutons de gale). Ces raclages doivent être nombreux et profonds (rosée sanguine).
Dans les cas rapportés ici, les parasites ont été aisément retrouvés et en grand nombre.
Attention, car les tests cutanés peuvent être positifs aux acariens des poussières de maison lors de gale sarcoptique (réaction croisée).

Limites diagnostiques

Compte tenu de la difficulté à mettre en évidence les parasites (possible dans la moitié des cas), la gale sarcoptique est une des seules dermatoses pour lesquelles on puisse se contenter d’un diagnostic thérapeutique. Un test sérologique (dosage d’IgG spécifiques par méthode ELISA) est maintenant disponible avec une bonne spécificité et une bonne sensibilité. En revanche, les biopsies cutanées constituent une mauvaise méthode de diagnostic de la gale sarcoptique.

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