Auteur : Jean-Loup Mathet – Mai 2004
Clinique vétérinaire des glycines
45100 Orléans
Identification
« Gaspard », chat mâle entier, Exotic short-hair âgé de 5 mois est présenté à la consultation pour des pertes de poils et des croûtes sur le cou et le thorax évoluant depuis son acquisition il y a un mois.
Commémoratifs
Le chat provient d’un élevage amateur plutôt mal entretenu selon les propriétaires, est vacciné pour le typhus, le coryza et la leucose ; il a été traité contre les puces à son arrivée par une application de fipronil (FRONTLINE Chat Spot-On®). Il n’a pas reçu de traitement antiparasitaire interne, et présente également des diarrhées malodorantes et un appétit capricieux. Il est nourri avec des croquettes et des aliments humides de la grande distribution et vit en appartement en compagnie d’un autre chat de race européenne âgé de 2 ans en bonne santé.
Anamnèse
Dès son achat, les propriétaires ont constaté des petites zones croûteuses évoquant une sensation granuleuse « miliaire » lors des caresses sur la zone de la tête, du cou et du dos de leur chat, et plus récemment des pertes de poils en extension depuis la zone cervicale.
Plus récemment, un prurit modéré caractérisé par un grattage de la région faciale et du thorax est rapporté.
Après questionnement approfondi, une lésion érythémateuse circulaire est apparue récemment sur l’avant-bras du propriétaire.
Examen clinique général
Le chat présente un amaigrissement modéré, un pelage terne, ainsi qu’une légère déshydratation (estimée à 5%) ; sa température est normale ainsi que le reste de l’examen général.
Examen clinique dermatologique
A distance, on constate une alopécie discrète, diffuse et mal délimitée visible en région cervicale. Des zones squameuses et croûteuses sont également présentes et intéressent le cou et les épaules. (photo 1)
Photo 1 : J0 après tonte : placard croûteux cervical, lésions nummulaires
L’examen rapproché confirme l’alopécie du cou, et révèle des croûtes épaisses en « plaques », des collerettes épidermiques réparties sur la base de la tête, sur la zone cervicale et la zone inter-scapulaire, ainsi que des squames généralisées à l’ensemble du pelage. (Photos 2 et 3)
Aucune puce ni déjections de puces ne sont observées par peignage sur l’ensemble du pelage.
Photos 2 et 3 : J0 (après tonte) : croûtes, collerettes épidermiques
Un cérumen noir abondant est observé sur chaque pavillon auriculaire, et une otite bilatérale cérumineuse est confirmée à l’examen otoscopique. (Photo 4)
Photo 4 : otite cérumineuse, cérumen noirâtre
La lésion observée sur le propriétaire est une lésion d’herpes circiné due à une probable dermatophytie féline. (photo 5)
Photo 5 : lésion d’herpes circiné sur l’avant-bras du propriétaire
Bilan clinique
(silhouette topographique cf. figure 1 en annexe)
Dermatose subaigüe, modérément prurigineuse, localisée initialement à la région cervicale, en extension vers la tête et la zone inter-scapulaire, caractérisée par une alopécie discrète, par la présence de croûtes et de collerettes épidermiques, et d’un squamosis généralisé. Elle s’accompagne d’une otite cérumineuse bilatérale et d’une entérite.
Hypothèses diagnostiques (et tableau I)
Dermatophytie
Dermatite allergique : DAPP, allergie alimentaire
Ectoparasitoses : phtiriose, cheyletiellose, otacariose extensive
Complication de pyodermite secondaire
Otite cérumineuse : otacariose, démodécie
Association avec une entérite virale ou parasitaire et une possible rétrovirose.
Tableau I : Hypothèses diagnostiques
Hypothèses diagnostiques | Arguments en faveur | Arguments contre | Examens complémentaires |
Dermatophytie |
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DAPP |
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Allergie alimentaire |
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Ectoparasitoses (phtiriose, cheyletiellose, otacariose) |
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Pyodermite secondaire |
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Otite cérumineuse : otacariose, démodécie |
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Examens complémentaires
Les raclages réalisés au niveau des croûtes et des zones alopéciques ne montrent aucun parasite, ni les brossages et peignages.
Les cytologies sous-crustacées ne sont pas spécifiques (neutrophiles, quelques éosinophiles, rares macrophages), sans présence de bactéries intra ou extracellulaires.
L’examen avec une lampe à ultraviolets de Wood dans l’obscurité est positif : présence d’une fluorescence bleutée caractéristique en région cervicale. (photos 6 et 7)
Photos 6 et 7 : examen en lumière de Wood au niveau cervical : fluorescence caractéristique
La positivité est confirmée par le trichogramme de poils fluorescents : il met en évidence des spores fongiques microsporiques réfringentes, organisées en manchons irréguliers autour des poils et des filaments mycéliens intra-pilaires en mode endo-ectothrix (photos 8 et 9).
Le trichogramme et l’examen en lumière de Wood sont également positifs pour le chat congénère.
Photos 8 et 9 : Trichogramme : envahissement endo-ectothrix de type microsporique (*40 à G et *100 à D à l’immersion)
Une moquette stérile ensemencée est envoyée au laboratoire DPM-ONIRIS du Pr P. BOURDEAU pour mise en culture. En parallèle un milieu rapide DTM (Dermatophyte Test Medium FUNGASSAY®) est ensemencé avec des poils fluorescents à la clinique.
Le résultat de la culture mycologique est obtenu rapidement, avec un résultat positif dès trois jours montrant de très nombreuses colonies d’une souche atypique dysgonique de Microsporum canis, avec des aspects morphologiques aberrants – d’après les commentaires du Pr BOURDEAU :
- aspect macroscopique : aspect cireux inhabituel des colonies, de couleur beige à marron (photos 10 et 11)
Photos 10 et 11 (Pr P. BOURDEAU) : aspect macroscopique de la culture fongique (recto et verso)
- aspect microscopique après prélèvement par la technique du drapeau de Roth mettant en évidence quelques microconidies en bâtonnets, le mycélium est peu reconnaissable, fractionné en bambous (photo 12)
Photo 12 (Pr P. BOURDEAU) (*100 bleu lactophénol) : microconidies piriformes
Le DTM vire au rouge en une semaine, avec pousse de colonies blanchâtres. Un drapeau de Roth est réalisé mais ne permet pas d’observer de macroconidies.
Photo 13 : milieu FUNGASSAY® avec virage positif suite à la pousse du dermatophyte
La cytologie du cérumen montre une grande quantité d’acariens Otodectes cynotis (photo 14).
Photo 14 : examen cytologique du cérumen, nombreux otodectes (*40)
Les tests de dépistage rapide sanguin des rétroviroses FeLV et FIV (WITNESS FeLV-FIV MERIAL) sont négatifs.
Enfin, le médecin consulté confirme la lésion d’origine fongique sur l’avant-bras et la traite par application d’une pommade antimycosique PEVARYL ND.
Diagnostic
Teigne diffuse squamo-croûteuse à Microsporum canis associée à une otacariose, avec transmission zoonotique au propriétaire