Auteur : Eric FLORANT – Septembre 2011
 Ces de Dermatologie – Ex chargé de consultation de dermatologie ENVA
 Clinique vétérinaire Les Sablons
 78370 Plaisir
Motif de consultation
Un braque allemand de 5 ans nous est présenté à la fin de l’été pour des lésions cutanées localisées sur une patte
Commémoratifs et anamnèse
Ce chien qui n’a aucun antécédent dermatologique revient de vacances à la campagne où il s’est beaucoup promené dans les bois et s’est baigné. La propriétaire a remarqué la présence depuis quelques jours de lésions sur la patte avant droite
Examen clinique
Le chien est en bon état général. Il présente 2 lésions alopéciques en plaques épaissies érythémateuses et un peu suintantes près du carpe droit. Quelques croûtes et exulcérations sont visibles. Les lésions sont modérément prurigineuses. Son comportement est normal depuis le retour de vacances (photos)
 
Hypothèses diagnostiques
kérion, plaies de léchage suite anxiété, néoplasie en particulier mastocytome, pyodémodécie
Tableau arguments pour et contre
| Hypothèses | Arguments en faveur | Arguments contre | Examens complémentaires à envisager  | 
| Kérion | 
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| Dermatite de léchage suite anxiété | 
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| Néoplasie type mastocytome | 
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| Pyodémodécie | 
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Examens complémentaires immédiats
- Examen à la lampe de Wood négatif
 - Calques : neutrophiles, éosinophiles, macrophages en grand nombres, rares coccis extracellulaires
 
 
Trichoscopie : présence de spores (arthrospores de petite taille
ectothrix disposées en chainettes au tour des poils
 
Macroconidies moyennement abondantes en forme de cigare à paroi mince et lisse
constituée de 3 à 6 logettes
 Vrilles à pas de vis serré
Macroconidies nombreuses en grappe
Raclage négatif
Examens complémentaires à résultats ultérieurs :
Mycologie positive à Trichophyton mentragrophytes
Photos de Xavier Langon
 croissance rapide avec surface poudreuse blanche puis crème,
brun jaune à rouge
 verso: incolore à brunâtre
Diagnostic
Il s’agit donc de kérions provoqués par Trichophyton mentragrophytes
Traitement
Nous instaurons un traitement pour un mois:
- par voie orale à base de ketoconazole (KetofungolÒ) à raison d’environ 1mg/kg/jour au moment d’un repas, en prévenant le propriétaire des risques d’intolérance hépatique en particulier.
 - par voie locale à base d’enilconazole (ImaveralÒ) 2 fois par semaine en repréparant à chaque fois la dilution (1/50).
 
Évolution
Après 1 mois de traitement, il ne persiste qu’un léger érythème, avec encore quelques traces d’alopécie. Le propriétaire signale qu’il a vraiment vu une nette amélioration 2 semaines après le début du traitement . Le trichogramme et l’examen de squames sont négatifs. Nous préconisons de continuer le traitement local seulement en attendant le résultat de la mycologie de contrôle qui se révèlera négatif
Discussion
Le kérion est une lésion peu fréquente d’origine fongique.
 La pathogénie correspond le plus probablement à une réaction d’hypersensibilité de type allergie de contact vis à vis de toxines produites dans le stratum corneum par le dermatophyte, mais d’autres mécanismes ont été évoqués tels qu’une réaction à une infection bactérienne concomitante (ce qui ne semblait pas être le cas chez notre braque) ou une réaction à corps étranger vis-à-vis de la pénétration du champignon dans le derme. Les dermatophytes le plus souvent responsables sont selon certaines études Trichophyton mentagrophytes et Microsporum gypseum, et selon d’autres Microsporum canis est aussi souvent impliqué.
 Les kérions sont des lésions très inflammatoires nodulaires, bien délimitées et en relief, isolées ou multiples, érythémateuses, dépilées et suintantes voire suppuratives. Ils se localisent préférentiellement au niveau de la tête, de l’encolure et des membres. Le plus souvent la contagion est faible. Dans le cas présenté, l’aspect est plus en plaques que nodulaire ce qui est peu évocateur.
 Lors de nodule unique, le diagnostic différentiel inclut une réaction à corps étranger, un abcès, une tumeur (mastocytome, histiocytome…) ou à un granulome secondaire à une piqûre ou une morsure d’arthropode. Lors de lésions multiples, il inclut les tumeurs (mastocytomes en particulier), les pyodermites secondaires, et les pyodémodécies.
 Le diagnostic des kérions peut parfois être difficile et nécessiter la réalisation de biopsies cutanées car la culture fongique comme le trichogramme et l’examen à la lampe de Wood peuvent être négatifs. La cytologie par impression est souvent utile et permet d’observer fréquemment des spores mycéliennes se présentant sous la forme d’organites ronds optiquement vides, soit libres soulignés par la coloration, soit présents dans les vacuoles de phagocytose des macrophages. (Photos de Xavier Langon)
Dans le cas présenté, nous n’avons pas vu ces organites mais nous avons pu faire le diagnostic dès le trichogramme, avec confirmation et diagnose du dermatophyte responsable suite à la mycologie, Trichophyton mentagrophytes
 Trichophyton mentagrophytes est un champignon zoophile et tellurique, responsable de 5 à 35 % des cas de dermatophyties canines. La contamination se fait directement ou indirectement à partir d’un rongeur, hôte réservoir ou de son environnement proche Le séjour à la campagne, et la race du chien (chien de chasse) en faisait un hôte potentiel pour T. mentagrophytes. L’infection ne peut cependant avoir lieu que si une altération de la structure cutanée existe. Outre les kérions, T . mentagrophytes peut être responsable d’autres types de lésions : des folliculites/furonculoses faciales ressemblant à des dermatoses auto-immunes (pemphigus foliacé), des folliculites/furonculoses podales, des paronychies ou des onychodystrophies asymétriques, des séborrhées grasses généralisées ou des formes classiques de teigne avec des lésions nummulaires alopéciques et squameuses.
 Le traitement associe en général une antisepsie locale à base de chlorhexidine, un traitement topique à base d’enilconazole (IMAVERALÒ) dilué au 1/50 à appliquer 2 fois par semaine, et un traitement par voie orale antifongique. Le kétoconazole (KETOFUNGOLÒ) est souvent préféré à la dose de 1mg/kg/ jour au moment d’un repas pendant 1 mois, la durée étant à adapter selon les résultats de la mycologie.
 Le traitement local peut suffire dans certains cas.
 Les surinfections bactériennes associées peuvent justifier dans certains cas d’une antibiothérapie
Conclusion
En présence de lésions ressemblant à une dermatite de léchage pensez à inclure dans le diagnostic différentiel les kérions !
Bibliographie
(sélection)
 GROSS T.L., IHRKE P., WALDER E.J., AFFOLTER V.K., Skin diseases of the dog and cat, Blackwell, 2006, 413-415.
 SCOTT D.W., MILLER W.H., GRIFFIN C.E., Small animal dermatology 6th Edition, Saunders, 2001, 336-374.
 CORNEGLIANI L.C., Cytological diagnosis of nodular dermatophytosis (kerion) in dogs: preliminary results. 22nd Congress ESVD-ECVD Abstracts. 2007, Mainz.






