Emile est un chien mâle carlin de 14 ans et 8.1kg présenté en consultation de dermatologie pour une dermatose associant alopécies nummulaires squameuses et plaques suintantes et crouteuses initialement peu prurigineuses évoluant depuis 6 mois.
Catherine Laffort, esther Piccirillo
Clinique vétérinaire Alliance, 33300 Bordeaux
Février 2025
Anamnèse
Emile est un chien mâle carlin de 14 ans et 8.1kg présenté en consultation de dermatologie pour une dermatose associant alopécies nummulaires squameuses et plaques suintantes et crouteuses initialement peu prurigineuses évoluant depuis 6 mois. La réponse à une antibiothérapie orale (cefalexine, Therios ND, 18.5 mg/kg 2 fois par jour) associée à des shampooings Douxo Calm ND 2 fois par semaine a été mauvaise.
Emile est par ailleurs suivi pour une kératite pigmentée à droite et une kératoconjonctivite sèche avec pigmentation complète à gauche. Il reçoit du tacrolimus, protopic 0.03% ND, 1 à 3 fois par jour dans l’œil gauche. Ses vaccins, traitements APE et API sont à jour. Son alimentation est de type industrielle premium (Virbac Joint and Mobility ND).
Aucune contagiosité humaine ou animale n’est rapportée. Les propriétaires rapportent un prurit modéré qui a tendance à s’intensifier.
Examen clinique
Emile présente un état général et un appétit conservés sans autres anomalies que cutanées.
Celles-ci sont majoritairement constituées de plaques rondes à arciformes, coalescentes, hyperpigmentées, hypotrichosiques, parfois surmontées de squames-croutes. Elles sont présentes sur le tronc et la racine proximale des membres (photo 1, 2 et 3). Une vaste plaque ulcérée englobe la quasi-totalité du fourreau, d’épaisses croutes la recouvre à l’extrémité distale (photo 4). Les lèvres sont infiltrées, dépigmentées et ulcérées (photo 5).
Photo 1 : plaques hyperpigmentées et squameuses en région abdominale, atteinte majeure et crouteuse du fourreau
Photo 2 : plaques hyperpigmentées hypotrichosiques et squameuses sur la face latérale du thorax et les membres thoraciques
Photo 3 : plaques hyperpigmentées hpotrichosiques et squameuses sur les membres pelviens
Photo 4 : vue rapprochée du fourreau, vaste plage ulcérée
Photo 5 : infiltration, dépigmentation et ulcérations des lèvres
Hypothèses diagnostiques
L’anamnèse et l’examen clinique sont compatibles avec les hypothèses diagnostiques de lymphome cutané T épithéliotrope (mycosis fongoïdes), de plaques pigmentées (papillomavirus) et carcinome épidermoïde, d’érythème polymorphe du vieux chien, de pyodermite superficielle extensive.
Examens complémentaires
L’examen cytologique de calques cutanés met en évidence la présence de nombreux granulocytes neutrophiles dégénérés avec des images de colonisation bactérienne (cocci).
L’examen histopathologique de biopsies cutanées montre une infiltration tumorale de la partie basse de l’épiderme ainsi que du derme par de cellules lymphoïdes de taille moyenne. L’intensité de l’infiltrat efface les annexes sébacées. Ceci permet de confirmer le lymphome cutané épithéliotrope à moyenne cellules.
Un immunophénotypage confirmera que ces cellules sont bien des lymphocytes T (CD3+ et CD20 -). L’index de proliferation Ki67 est estimé à 5% sur les biopsies transmises.
Photo 6 : examen histopathologique de biopsies cutanées (HES, x 200 ) Epithéliotropisme des cellules lymphoïdes tumorales
Conclusion diagnostique
Il s’agit d’un lymphome cutané T épithéliotrope (mycosis fungoïdes) de bas grade.
Pronostic
Le pronostic est très réservé dans le contexte d’un lymphome T épithéliotrope à lésions cutanées multiples. Cette prolifération tumorale est réputée faiblement chimiosensible avec une évolution lentement progressive vers la généralisation métastatique.