Saton est un chat européen mâle castré de 7 ans, présenté en consultation pour de multiples masses sous cutanées sur l’abdomen et hypertrophie des nœuds lymphatiques inguinaux.
Laetitia PIANE
LAPVSO, Toulouse
Examen cytologique en première intention
Une cytoponction à l’aiguille fine d’une des masses et des nœuds lymphatiques a été réalisée.
Photo 1 : Cytologie de la masse à faible grossissement (x200)
Observation à faible grossissement
– Qualité technique : bonne
– Cellularité : élevée
– Fond de frottis : un peu gras
– Population cellulaire d’intérêt :
o Organisation : cellules isolées ou en tapis dense
o Forme ronde
o Hétérogène et inflammatoire : cellules mononucléées et polynucléaires
Photo 2 : Cytologie de la masse à moyen grossissement (x400)
Observation à moyen grossissement
– Qualité technique : bonne
– Cellularité : élevée
– Fond de frottis : un peu gras, quelques noyaux nus et filaments chromatiniens (nécrose de liquéfaction)
– Population cellulaire d’intérêt :
o Organisation : cellules isolées ou en tapis dense
o Hétérogène et inflammatoire : cellules mononucléées et polynucléaires
o Neutrophiles
o Cellules de taille moyenne à grande
§ Forme ovoïde à pseudo-fusiforme
§ RNP moyen à relativement élevé
§ Cytoplasme : basophile moyen aux contours plus ou moins bien délimités
§ Noyau : ovoïde à allongé, à la chromatine fine
§ Atypies : anisocytose et anisocaryose modérées, quelques binucléations
Photo 3 et 4 : Cytologie de la masse à fort grossissement (x1000)
Observation à fort grossissement
– Qualité technique : bonne
– Cellularité : élevée
– Fond de frottis : un peu gras, quelques noyaux nus et filaments chromatiniens (nécrose de liquéfaction)
– Population cellulaire d’intérêt :
o Organisation : cellules isolées ou en tapis dense
o Hétérogène et inflammatoire : cellules mononucléées et polynucléaires
o Neutrophiles
o Cellules de taille moyenne à grande
§ Forme ovoïde à pseudo-fusiforme
§ RNP moyen à relativement élevé
§ Cytoplasme : basophile moyen aux contours plus ou moins bien délimités
§ Noyau : ovoïde à allongé, à la chromatine fine à poussiéreuse dévoilant un moyen nucléole
§ Activité phagocytaire (flèches jaunes) : cellules compatibles avec des macrophages
– Autre : Présence d’éléments ronds, de taille petite à moyenne (7-10µm), au contenu azurophile hétérogène et entouré d’une fine paroi (flèches rouges), parfois phagocytés par les macrophages (flèches jaunes)
Les prélèvements cytologiques obtenus sont de bonne qualité technique : les lames sont suffisamment riches en cellules intactes et suffisamment étalées. Les caractéristiques cytonucléaires sont ainsi aisées à évaluer.
La cytologie met en évidence une population abondante de cellules rondes hétérogènes, isolées ou en tapis dense. Cette population est composée de neutrophiles, ainsi que d’un contingent de cellules rondes à pseudo-fusiformes, de taille moyenne à grande, avec un rapport nucléocytoplasmique moyen.
A fort grossissement, les neutrophiles sont souvent hypersegmentés à parfois dégénérés. Les cellules mononucléées présentent un noyau ovoïde, à la chromatine fine à poussiéreuse dévoilant un moyen nucléole, et un cytoplasme basophile moyen aux contours plus ou moins bien délimités. Ces cellules évoquent des macrophages et sont parfois phagocytaires.
On note également la présence de nombreux éléments ronds de taille petite à moyenne (7-10 µm), au contenu granuleux azurophile, entourés d’une fine paroi et dépourvue de capsule épaisse non colorée. Ces éléments sont retrouvés libres sur le fond de frottis ou phagocytes par les macrophages.
Suspicion diagnostique
En faveur d’un pyogranulome fongique. Les éléments fongiques évoquent très fortement des cryptocoques (forme acapsulaire).
Suivi clinique
Une PCR a été réalisée, qui confirme la cryptococcose. Le chat est décédé une semaine après le diagnostic, des suites de la progression vers une forme nerveuse de la maladie.
Discussion
La cryptococcose est l’infection fongique la plus fréquente chez le chat. Elle est causée par un champignon du complexe Cryptococcus neoformans-Cryptococcus gattii. La maladie est présente dans le monde entier, mais plus fréquente dans les régions chaudes et humides. Elle est non contagieuse et l’infection se fait pas inhalation de spores contenues dans l’environnement (ex : fientes de pigeons ou substances végétales en décomposition). Les cavités nasales sont le premier site d’infection. La maladie peut s’étendre localement au système nerveux central depuis les voies respiratoires supérieures à travers l’os ethmoïde. Il existe différentes formes cliniques : une forme nasale, une forme nerveuse, une forme cutanée, et une forme systémique1.
Les mâles semblent plus souvent touchés. De même certaines races (Ragdoll, Sacré de Birmanie, Siamois, Himalayen) sont considérées comme étant plus atteintes que les chats européens. Toutefois ces données n’ont pas été confirmées dans des études plus récentes. Les chats de tout âge peuvent être concernés par la maladie. Certaines études ont montré une prévalence plus élevée chez les chats FeLV et FIV positifs ou les chats sous chimiothérapie, rendant possible le rôle de l’immunocompétence dans la pathogénicité de la maladie. Ainsi, un dépistage FIV/FeLV sera à envisager en cas de suspicion de crytococcose1.
L’examen cytologique (calque sur lésions ulcérées, cytoponction de nodules, lavage broncho-alvéolaire, ponction de liquide céphalo-rachidien…) peut être un outil utile dans le diagnostic de la cryptococcose compte tenu de l’aspect caractéristique des éléments fongiques et de leur nombre généralement élevé dans les lésions. Les éléments fongiques sont ronds ou bourgeonnants (bourgeonnement à base étroite) de taille (4-15 µm) et forme variables, de couleur rose à violacée et typiquement entourés d’un halo épais non coloré (capsule) en coloration standard (MGG) et coloré positivement en coloration de Gram. Il existe toutefois certaines formes acapsulaires comme dans le cas présent. Une inflammation pyogranulomateuse est généralement observée1,2.
Le diagnostic peut ensuite être confirmé par culture fongique ou PCR (sur biopsies de préférence)1.
L’examen sérologique (détection d’antigène dans le sang) est également un examen de choix, si disponible, en raison de sa rapidité, de sa fiabilité et de son caractère peu invasif. L’antigène capsulaire peut ainsi être détecté (test d’agglutination au latex) sauf dans les rares cas de forme acapsulaire1,3.
Le pronostic est favorable dans la plupart des cas, si le diagnostic est posé suffisamment tôt. La présence d’une atteinte nerveuse est, en revanche, un facteur péjoratif1.
- Pennisi MG, et al. Cryptococcosis in cats : ABCD guidelines on prevention and management. J Feline Med Surg, 2013;75:611-618.
- Raskin RE, Skin and subcutaneous tissues, in : Raskin RE, Meyer DJ, Canine and Feline cytology : a color atlas and interpretation guide. Elsevier, Saint Louis, Missouri, 2016, pp47.
- K Tintelnot, S Adler, F Bergmann, K Schönherr, M Seibold Case reports. Disseminated cryptococcoses without cryptococcal antigen detection, Mycoses, 2000;43:203-207.