Un cas d’hyperplasie nodulaire sébacée traitée au LASER CO2

Lila est une chienne Yorkshire terrier femelle stérilisée de 5 ans, adoptée à l’âge de 2 mois et demi chez un particulier. Elle vit en appartement avec un hamster.

 

Estelle Buendia

Mars 2021

 

COMMEMORATIFS

Aucune contagion n’est observée.
Elle est correctement vaccinée et vermifugée, et protégée contre les parasites externes avec Advantix* les mois pendant l’été.
Elle mange des croquettes Royal Canin avec des morceaux de poulet.
Elle voyage régulièrement en Sardaigne l’été.

ANAMNESE

Elle est suivie depuis 2016 pour une dermatite atopique.
Un dosage d’IgE avait été réalisé par son vétérinaire traitant, et avait révélé un résultat positif pour des herbacées et des graminées.
Le prurit a été pris en charge avec de l’oclacitinib.
Un régime d’éviction alimentaire à base de viande de cheval, haricots verts et pommes de terre n’a pas permis d’amélioration.
Des tests cutanés ont montré un résultat positif pour Dermatophagoïdes farinae.
De janvier 2017 à février 2018, la dermatite atopique a été contrôlée avec de l’oclacitinib (Apoquel*) 2,7 mg/jour, un traitement d’immunothérapie spécifique et de l’acéponate d’hydrocortisone (Cortavance*).
En février 2018, une sévère poussée infectieuse a motivé un changement d’antiprurigineux pour le lokivetmab (Cytopoint*) chaque mois.
La prise en charge de sa dermatite atopique est multimodale et consiste en l’administration d’oclacitinib (Apoquel*) à la dose recommandée en cas de crise, une injection de lokivetmab (Cytopoint*) tous les 15 du mois et d’immunothérapie spécifique.
La dermatite atopique est contrôlée malgré quelques poussées prurigineuses et infectieuses.
En octobre, Lila est vue en consultation de dermatologie car elle présente une folliculite persistante malgré un traitement antibiotique de 18 jours.

EXAMEN CLINIQUE

Lila présente des lésions de folliculite avec un nodule sur la face interne du pavillon auriculaire droit et un sur l’antérieur droit, des croûtes sur le ventre et des plaques verruqueuses multicentriques hyperpigmentées sur le dos.

Un cas d’hyperplasie nodulaire sébacée traitée au LASER CO2
Figure 1: Vue éloignée du l’état cutané de Lila

 

Un cas d’hyperplasie nodulaire sébacée traitée au LASER CO2
Figure 2: Vue rapprochée des lésions de plaques verruqueuses

 

Un cas d’hyperplasie nodulaire sébacée traitée au LASER CO2
Figure 3: Vue éloignée après tonte

 

Un cas d’hyperplasie nodulaire sébacée traitée au LASER CO2
Figure 4: Vue rapprochée des lésions après tonte

 

HYPOTHESES DIAGNOSTIQUES

° lésions croûteuses sur le ventre et plaques sur le dos
Folliculite bactérienne résistante
Traitement antibiotique trop court
Plaques papillomateuses
°Nodules
Histiocytome

EXAMENS COMPLEMENTAIRES

• Bactériologie sur l’exsudat issu du pincement d’une plaque : Staphylococcus intermedius, résistante à l’amoxicilline et la pénicilline G.
• Exérèse chirurgicale du nodule sur le membre thoracique pour examen histopathologique.
Résultat : Kyste folliculaire infundibulaire bénin à paroi proliférative. L’exérèse est complète et curative. Surveiller une possible éclosion multicentrique.
• Exérèse chirurgicale du nodule sur la face interne du pavillon pour examen histopathologique.
Résultat : Histiocytome cutané canin dont l’état d’involution est avancé.
• Trois biopsies cutanées de plaques hyperpigmentées pour examen histopathologique.
Résultat : 3 foyers d’hyperplasie nodulaire sébacée, un débutant et deux formant des plaques verruqueuses surinfectées.

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SUIVI

CONTROLE J+7

Cicatrisation en cours, présence de croûtes sur les sites de traitement au Laser CO2.
Prurit podal modéré : renforcer les shampoings des pieds et Cortavance* sur les pieds 2 fois par semaine.

Un cas d’hyperplasie nodulaire sébacée traitée au LASER CO2

Figure 8: Vue éloignée à J+7

 

Un cas d’hyperplasie nodulaire sébacée traitée au LASER CO2

Figure 9: Vue rapprochée à J+7

 

CONTROLE J+14

Cicatrisation quasi complète.
Prurit podal quasi nul.

Un cas d’hyperplasie nodulaire sébacée traitée au LASER CO2

Figure 10: Vue éloignée à J+14

CONTROLE J+45

Présence de papules et de croûtes surtout sur le dos.
Pyodermite superficielle.
Continuer avec Cytopoint* pour le prurit, Cortavance* pour le prurit podal.
Antibiothérapie à base de céfalexine 3 semaines et shampoings 2 fois par semaine.

 

CONTROLE J+60

Nouvelles par téléphone : va beaucoup mieux.
Prurit quasi nul, presque plus de croûtes.

Un cas d’hyperplasie nodulaire sébacée traitée au LASER CO2

Figure 11: Vue éloignée à J+60

 

DISCUSSION

L’hyperplasie nodulaire sébacée

L’hyperplasie nodulaire sébacée appartient au groupe des tumeurs des glandes sébacées alors qu’histologiquement, il ne s’agit pas de tumeur à proprement parler mais plutôt d’une zone de multiplication excessive des cellules sébacées. Elle affecte les chiens d’âge moyen de 9 ans, et atteint surtout les Beagles, les Cockers Spaniels, les Caniches, les Teckels et les Shnauzers nains.
Dans 73% des cas les lésions sont uniques, et prennent l’aspect d’une verrue bien circonscrite, en chou-fleur, graisseuse à hyperkératosique. Parfois les lésions sont multicentriques, hyperpigmentées ou ulcérées. Elles peuvent être localisées n’importe où sur le corps mais apparaissent principalement sur les membres, le tronc, et les paupières. L’exérèse chirurgicale complète est curative, mais il est fréquent que de nouvelles lésions primaires et indépendantes apparaissent à d’autres endroits du corps.
L’hyperplasie sébacée est probablement un précurseur du développement d’adénomes sébacés ou d’adénocarcinomes.

Le traitement au Laser CO2 et intérêt sur des lésions multicentriques superficielles.

Lorsque le tableau clinique présente des lésions multicentriques, l’exérèse chirurgicale peut rapidement devenir invasive, lourde, longue, sur un animal d’un âge avancé.
Le LASER peut devenir très utile en dermatologie vétérinaire.
LASER est l’acronyme pour Light Amplification by Stimulated Emission of Radiation.
C’est un appareil qui produit un rayonnement lumineux reposant sur le processus d’émission stimulée. Une source laser comporte 3 éléments : un milieu amplificateur (gazeux, solide, ou liquide), un système d’excitation du milieu actif et une cavité de résonnance limitée par deux miroirs (Figure 12). Une source d’énergie extérieure stimule les électrons des atomes du milieu amplificateur. Ces électrons vont à leur retour en orbite stable émettre un faisceau de lumière caractérisé par une longueur d’onde : le faisceau laser.

Un cas d’hyperplasie nodulaire sébacée traitée au LASER CO2

Figure 12: Le laser : principe d’émission stimulée

Le faisceau d’un laser est unidirectionnel, intense, monochromatique et cohérent.
La couleur du faisceau laser (longueur d’onde) conditionne la profondeur de pénétration mais aussi la cible biologique touchée.
Dans un Laser CO2, le milieu amplificateur est un milieu gazeux : le dioxyde de carbone. La longueur d’onde du faisceau fait partie du spectre infra-rouge lointain et est invisible pour l’œil humain. Elle permet une très forte absorption de l’eau. Etant donné que 75-95 % des tissus mous sont composés d’eau, la vaporisation des tissus est instantanée avec une nécrose thermale minimale autour. L’absorption spectrale de l’eau permet au laser CO2 de coaguler, ou couper les tissus en fonction de l’intensité d’énergie appliquée. Lorsque le faisceau laser est focalisé, il peut couper comme un scalpel, tandis que lorsqu’il est défocalisé, il vaporise (passage de l’état liquide à l’état gazeux) les tissus.
L’utilisation d’un laser présente de nombreux avantages par rapport aux techniques chirurgicales classiques :
• Réduction de la douleur : le rayon laser sectionne et « ferme hermétiquement » les terminaisons nerveuses et évite les extrémités « brutes » caractéristiques des incisions au scalpel.
• Réduction des gonflements : le rayon laser cautérise les systèmes circulatoires et lymphatiques, ainsi le gonflement post-opératoire est moindre. De plus, l’énergie laser n’écrase pas le tissu, ne le déchire pas et n’occasionne aucune contusion étant donné qu’il n’y a pas de contact direct avec le tissu. Le rétablissement post-opératoire est plus rapide.
• Diminution des saignements opératoires : les petits vaisseaux sanguins sont refermés au fur et à mesure de la coupe.
• Contrôle des infections : le rayon laser stérilise la zone infectée au fur et à mesure qu’il élimine les tissus malades, laissant les tissus sains indemnes et peut permettre de réduire l’utilisation des antibiotiques.
• Diminution de la durée de cicatrisation : la chirurgie au laser est moins invasive et réduit la durée de cicatrisation.
• Précision et exactitude : le laser peut éliminer les tissus malades sans affecter les tissus sains avoisinants. L’incision sans saignement permet un meilleur contrôle visuel et une meilleure précision dans l’acte.
Dans le cas de Lila, une intervention chirurgicale classique n’aurait pas été envisageable par le caractère multicentrique et le nombre important de lésions. Le Laser CO2, dont la cible est l’eau, vaporise de façon non spécifique les tumeurs superficielles d’hyperplasie nodulaire sébacée de Lila. En post-opératoire, Lila n’a ni suture, ni gonflement, ni saignement, et ni couverture antibiotique. On remarque qu’à la visite à J+14, on n’observe plus que des cicatrices et une repousse satisfaisante du pelage.
Les lasers sont des outils innovants qui peuvent donner des résultats spectaculaires et qui ouvrent des perspectives de traitements pour des troubles qui jusque-là pouvaient difficilement être traités.
La prise en charge chirurgicale au laser peut concerner de multiples affections dermatologiques superficielles comme la kératose actinique, le carcinome bowenoïd in situ, les tumeurs folliculaires, les adénomes des glandes sébacées, les hamartomes…
En dermatologie vétérinaire, l’utilisation de lasers est pour le moment restreinte pour des raisons financières surtout. Cette nouvelle technologie en est à ses balbutiements et nécessiterait l’organisation de formations afin d’en tirer le meilleur parti.

 

Lien avec Apoquel ?
Lien avec sommation des effets DAC + infections + prurit ?

 

BIBLIOGRAPHIE

• David M. Vail, Stephen J. Withrow, in Withrow & MacEwen’s Small Animal Clinical Oncology (Fourth Edition), 2007

• https://www.marvistavet.com/sebaceous-gland-tumors.pml

• Dermatologic Laser Surgery Procedures. David Duclos. Book Editor(s): Christopher J. Winkler DVM, DABLS, VMLSO
First published: 29 April 2019

• Laser in Dermatology. Clinical Techniques in Small Animal Practice
Volume 21, Issue 3, August 2006, Pages 145-149
MonaBoordDVM, DACVD

• Le laser CO2 en ophtalmologie : perspectives d’utilisation chez l’animal
Masset, Mikaël. Le laser CO2 en ophtalmologie : perspectives d’utilisation chez l’animal. Thèse d’exercice, Ecole Nationale Vétérinaire de Toulouse – ENVT, 2011, 118 p.

 

 

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