Ce mois-ci, je voudrais partager un article publié par un groupe de confrères à Barcelone. Ce document, par Laura Ramió-Lluch et colls, est intitulé : « Allergen-specific immunotherapy in dogs with atopic dermatitis : is owner compliance the main success-limiting factor? » ; son résumé peut être trouvé ici : Allergen-specific immunotherapy in dogs with atopic dermatitis: is owner compliance the main success-limiting factor? – PubMed (nih.gov)
Thierry Olivry
Professeur de recherche en immunodermatologie
NC State University College of Veterinary Medicine, Raleigh, Caroline du Nord, États-Unis
Conseiller scientifique et consultant en dermatologie et allergie
Nextmune, Stockholm, Suède
Ce qui m’a fait souhaiter résumer les résultats de cet article avec vous, c’est que, pour autant que je me le rappelle (et en tenant compte des limites d’une mémoire vieillissante) et après recherches dans des bases de données, c’est le premier article qui établit que la durée de l’ immunothérapie spécifique aux allergènes (ISA) a une influence profonde sur le succès du traitement des chiens atopiques.
Les dossiers de 145 chiens atteints de dermatite atopique (DA) qui ont été traités avec de l’ISA dans 16 cliniques vétérinaires Espagnoles ont été examinés. Tous les patients avaient reçu l’ISA par voie sous-cutané, et la composition de ce traitement avait été sélectionnée—de façon conventionnelle—après une sérologie de détection des IgE spécifiques d’allergènes. Les dermatologues vétérinaires ont ensuite rempli un formulaire de 13 questions sur le succès perçu de l’ISA, les médicaments toujours pris par le chien et, dans le cas de l’abandon de l’ISA, la nature des raisons de l’arrêt du traitement.
Au total, 81 (56 %), 14 (10 %) et 50 chiens (34 %) ont été traités avec de l’ISA contenant des acariens, du pollen ou une combinaison des deux, respectivement. Il est important de noter que la composition spécifique du traitement individuel n’a pas semblé influencer l’efficacité de l’ISA, une constatation qui diffère des études précédentes.
Sur les 145 chiens inclus, 36 (25 %) avaient arrêté les injections d’ISA avant 12 mois, tandis que les 109 autres (75 %) l’avaient continué au-delà d’un an. Cette durée de traitement a permis de répartir facilement les chiens en deux groupes distincts qui pouvaient être alors comparés.
Le principal résultat de cette étude, montré dans la figure ci-dessous, est qu’un succès de traitement significativement plus élevé (c’est-à-dire entrainant une réduction plus élevée de la gravité des signes cliniques) a été trouvé chez les chiens recevant l’ISA pendant plus de 12 mois par rapport à ceux traités pendant moins d’un an.
Cette réduction des scores cliniques subjectifs évalués par le propriétaire a également été reflétée par une diminution des médicaments concomitants toujours pris par les chiens traités. En effet, chez 87 % des chiens ayant reçu de l’ISA pendant au moins 12 mois, les médicaments anti-allergiques ont été réduits ou abandonnés, alors que cela s’était produit dans un pourcentage beaucoup plus faible (39 %) des chiens traités avec l’ISA pendant moins d’un an.
Les implications cliniques de ces résultats sont essentielles, car elles mettent en évidence la nécessité de sélectionner soigneusement les chiens – ou peut-être devrais-je dire les propriétaires des chiens – avant de se lancer dans ce long traitement. Cette considération fait écho aux recommandations des premières lignes directrices internationales pour le traitement de la DA canine ( lien ici : Treatment of canine atopic dermatitis: 2010 clinical practice guidelines from the International Task Force on Canine Atopic Dermatitis (wiley.com) ), qui précisaient comme l’une des indications de l’ISA : « Les propriétaires du chien doivent pouvoir se donner le temps, les moyens et le respect des contraintes techniques de ce traitement. » Identifier les propriétaires qui se confirmeront à ces exigences semble être la clé du succès!
Une autre conséquence, qui reflète la situation observée chez les humains allergiques traités avec l’ISA, est que les effets immunomodulateurs complets pendant le traitement sont susceptibles de prendre plus d’un an avant d’apparaître, donc une immunothérapie de quelques mois ne pourrait réussir que chez une minorité de chiens.
Ces conclusions sont-elles transposables aux chats et aux chevaux traités avec l’ISA ? D’une part, nous n’en sommes pas sûrs, car cela n’a pas été étudié. D’autre part, comme on a montré qu’un traitement long est nécessaire pour atteindre son bénéfice optimal dans deux espèces différentes (les humains et les chiens), on pourrait penser que la même durée est aussi probablement nécessaire chez les chats et les chevaux.
En conclusion, lorsque vous décidez de faire des tests intradermiques ou sérologiques avant de concevoir un protocole d’ISA individuel, vous devez vous assurer que les propriétaires sont disposés à continuer les injections pendant au moins une année complète. S’ils ne sont pas prêts à prendre cet engagement, le seul autre recours sera des années d’ordonnances de médicaments anti-allergiques, car l’ISA est le seul traitement connu qui pourrait mener au retrait complet des médicaments anti-allergiques pour leur animal.
Confraternellement