La dermatite par allergie aux piqûres de puces chez le chat

La dermatite par allergie aux piqûres de puces (DAPP) est la dermatose prurigineuse la plus fréquente de l'espèce féline. On la différencie de la pulicose, qui désigne une infestation par des puces, mais sans phénomène d'hypersensibilité.
L'infestation est alors bien souvent massive, mais elle s'accompagne d'un prurit nul à modéré.
Les mécanismes immunopathogéniques de la DAPP restent inconnus chez le chat, alors qu'ils sont relativement bien identifiés dans d'autres espèces comme le chien.
La DAPP affecte les chats âgés de 3 ans en moyenne, mais elle peut survenir à tout âge, sans prédisposition raciale ou sexuelle.

Symptômes

On observe principalement une alopécie auto-induite, localisée aux lombes, à l'abdomen, ou aux faces externes ou internes des cuisses, ou alors une dermatite miliaire. Plus rarement, elle peut se manifester par des plaques éosinophiliques ou un granulome linéaire. Le prurit est toujours présent et il peut même être intense. C'est notamment ce qui explique que l'on observe peu de puces dans le pelage de ces animaux. Contrairement au chien, la DAPP féline se complique rarement d'une infection bactérienne secondaire.

Diagnostic :

Le diagnostic de la DAPP n'est pas toujours aisé. Il repose sur un motif de consultation précis, une anamnèse soignée, un examen dermatologique rigoureux, l'élimination des autres causes de dermatoses prurigineuses, et sur la réponse au traitement antipuce pour établir un diagnostic de quasi-certitude. Cette démarche est imposée par le manque de fiabilité des examens allergologiques et l'absence de spécificité des manifestations cliniques, dans cette espèce.

Motif de consultation

Etant donné qu'il s'agit de la principale cause de prurit, on pourrait suspecter cette dermatose chez tous les animaux qui se grattent ou se lèchent. Dans la réalité, il n'en est rien. En fait, la DAPP féline sera évoquée, en première intention, lors de dermatite miliaire, d'alopécie extensive, et plus rarement, de plaques éosinophiliques récidivantes.

Anamnèse

Concernant l'anamnèse, différents éléments devront scrupuleusement être notés.

Présence de congénères

L'existence de congénères canins ou félins dans l'appartement est un élément important du diagnostic. Ceux-ci pourront notamment expliquer les récidives.

Observation de piqûres de puces sur le propriétaire

En effet, lors d'infestations massives avec contamination de l'environnement par les stades immatures, les propriétaires de l'animal peuvent être piqués par de jeunes puces nouvellement émergées qui sortent de leur cocon à la recherche d'un hôte. Les personnes rapportent alors l'existence de papules sur leurs jambes, sur le tronc, la ceinture ou les bras. Un prurit est associé.

Existence d'un prurit saisonnier

Les saisons de développement des puces sont très irrégulières en fonction des zones géographiques et des conditions d'environnement. De manière générale, les manifestations cliniques de DAPP sont surtout observées de mars à octobre. Toutefois, l'apparition d'une crise en hiver ne permet pas d'exclure cette hypothèse.

Variations en fonction des lieux de séjour

En effet, un chat qui se gratte plus dans une maison que dans une autre, est probablement allergique aux acariens de la poussière de maison ou aux puces.

Prurit corticosensible

La corticosensibilité de cette dermatose, même si elle existe dans toutes les dermatoses inflammatoires, peut aider à poser le diagnostic de DAPP. Néanmoins, si elle est corticosensible à ses débuts, cela est moins vrai lors d'évolution chronique.

Réponse aux traitements insecticides

La réponse aux insecticides de cette dermatose, est une aide anamnestique importante, même si elle n'est pas spécifique d'une pulicose, et encore moins d'une DAPP. Si elle est nulle, voire partielle, il faut alors rechercher les causes d'échecs du traitement, ou bien s'orienter vers une autre hypothèse.

Environnement

Tout environnement favorable au développement des puces augmente le risque d'apparition d'une DAPP. De même les conditions qui vont empêcher le contrôle antiparasitaire sont autant de facteurs de risque.

Mise en évidence des puces (stades parasitaires et non parasitaires)

La mise en évidence de puces adultes, de larves, d'œufs ou de leurs déjections est un élément déterminant du diagnostic, parce qu'il permet d'étayer une suspicion clinique et de persuader le propriétaire de l'animal de la pertinence du diagnostic. Toutefois, la présence de puces sur un animal qui se gratte ne suffit pas à poser le diagnostic. La mise en évidence des puces ou de leurs déjections est souvent difficile sur un chat présentant une DAPP. Ceci est notamment lié au fait que ces animaux allergiques aux puces se lèchent et se mordillent plus fréquemment que ceux qui ne sont pas allergiques, et de ce fait éliminent plus de puces présentes dans leur pelage. Une étude a montré que les chats qui ne sont pas allergiques aux puces éliminent quotidiennement 4 à 18 % de leurs puces, tandis que ceux qui présentent une DAPP en élimine 25 % en moyenne. De plus, il a récemment été montré que les chats allergiques aux piqûres de puces produisent des facteurs qui vont diminuer la fécondité de celles-ci. Chez le chat, ces parasites devront principalement être recherchés en région périnéale, inguinale et sous le menton.

Le recueil des puces présentes sur l'animal peut être réalisé par un peigne à puce. L'application préalable d'un produit insecticide constituerait même la méthode la plus efficace. Cet examen complémentaire, s'il ne permet pas de récupérer des puces, peut toutefois permettre de retrouver des déjections. Pour confirmer le fait qu'il s'agisse bien de cela, il suffit de les déposer sur un papier ou un coton humide. Etant donné qu'il s'agit de sang digéré, elles se délitent en une tache brunâtre. Elles peuvent également être observées au microscope, et leur forme typique permettra de les identifier. Cette découverte permet également de montrer aux propriétaires que l'animal est infesté, ce qui les motive bien souvent pour traiter leur animal.

La mise en évidence d'une infestation par des puces peut également être réalisée par l'observation d'œufs ou de larves sur la couche de l'animal, ou de ses congénères. Finalement, même si cela n'est pas totalement spécifique d'une infestation par des puces, l'existence d'anneaux de Dipylidium caninum, sur l'animal ou dans son environnement, permet généralement d'objectiver l'infestation par ces insectes.

Diagnostic différentiel

Il est extrêmement vaste, puisqu'il comprend toutes les dermatoses prurigineuses, à savoir diverses dermatites allergiques, tels que l'allergie alimentaire ou l'atopie, ainsi que les infestations par divers parasites tels que Otodectes cynotis, Cheyletiella blakei, ou Felicola subrostratus, ou encore les dermatoses comportementales. On peut bien entendu avoir plusieurs dermatoses concomitantes sur le même animal.

Diagnostic allergologique

Les extraits allergéniques utilisés en diagnostic ou en immunothérapie sont des extraits de corps totaux de Ctenocephalides felis felis obtenus après broyage de corps totaux et extraction protéique. Il s'agit d'un mélange de protides de poids moléculaires variables. La composition des extraits de corps totaux, et donc leur antigénicité est variable, ce qui pose des problèmes de reproductibilité en diagnostic, et d'efficacité en thérapeutique. La production par génie génétique d'antigènes de Ctenocephalides felis felis a été réalisée pour certaines des fractions. Ce qui permettra de profiter d'outils de diagnostic offrant une meilleure reproductibilité in vivo, et surtout in vitro.

Les intradermoréactions

Les batteries de tests cutanés proposent des extraits non standardisés de corps totaux de Ctenocephalides felis felis prêts à l'emploi à la concentration de 0,1 % p/v. La préparation de l'animal et réalisation de ces tests cutanés sont les mêmes que ceux employant les extraits d'aéroallergènes. A la différence du chien, on doit toujours réaliser au préalable une tranquillisation ou une anesthésie générale. La lecture des tests s'effectue après 15 à 20 minutes, et après 48 heures. A 20 minutes, on considère comme positive une réaction nettement érythémateuse dont le diamètre est supérieur au diamètre moyen des témoins positif, à savoir l'histamine, et négatif, le solvant. Si la lecture est négative à 20 minutes, on en refait une à 48 heures. La plupart des réactions observées, le sont à 20 minutes, celles à 48 heures sont plus rares. A cet instant, la seule existence d'une induration par palpation peut être considérée comme un résultat positif. Dans la pratique, les tests cutanés sont souvent de lecture difficile, voire ininterprétables chez le chat. De plus, faute d'études sur de grands échantillons de chats sains et atteints de DAPP, on ignore la valeur de cet examen. Ainsi, un test positif ne permet pas de conclure à une DAPP, et un test négatif ne permet pas d'exclure cette hypothèse.

Tests biologiques

Fautes d'intradermoréactions fiables dans cette espèce, il est difficile de situer la fiabilité des tests biologiques.

Actuellement, aucune technique de dosage d'IgE spécifiques n'a été validée chez le chat. Toutefois, dans le cadre du diagnostic de la DAPP, 2 approches sont prometteuses, à savoir les tests d'activation in vitro des basophiles, et les dosages d'IgE spécifiques utilisant une chaîne alpha recombinante du FceRI humain. Toutefois, la fréquence des sensibilisations dans cette espèce est si importante chez les chats sains, que la valeur prédictive positive de cet examen est médiocre.

Traitement

Il repose avant tout sur un contrôle antipuce draconien sur le chat atteint, ses congénères, et son environnement. Cette étape passe par une bonne compréhension par le propriétaire du cycle biologique et du mode de vie de la puce, ainsi que des modalités d'apparition de la DAPP. Cela permettra ainsi d'avoir une implication totale de la part de celui-ci.

Associé à ce traitement spécifique, divers anti-prurigineux peuvent être employés pour permettre à l'animal et à son propriétaire de retrouver une vie normale. Les corticoïdes à courte durée de vie biologique comme la prednisone, la prednisolone ou la dexaméthasone peuvent être employés aux doses anti-inflammatoires habituelles.

Lors de prurit important, la dexaméthasone s'avère souvent plus efficace, moyennant des effets secondaires plus rapides. Lorsque le prurit a diminué, on peut alors passer à de la prednisone ou de la prednisolone, à la dose de 0,25 à 0,5 mg/kg, 2 fois par jour. Lors d'administration prolongée, il est préférable de réaliser une corticothérapie à jour alterné, plutôt qu'une forme parentérale. Le risque de survenue d'effets secondaires est en effet moindre.

Lors de lésions ou de prurit moins important, les antihistaminiques peuvent être employés. Les molécules les plus satisfaisantes, chez le chat, sont alors la chlorphéniramine, à la dose de 1 à 2 mg/kg en 2 prises, ou l'hydroxyzine, à la dose de 4 mg/kg en 2 prises. L'effet est moins rapide, mais l'apparition d'effets secondaires est plus rare. L'association à des corticoïdes en début de traitement est intéressante, car elle permet d'augmenter l'efficacité, et d'accélérer la diminution du prurit. L'utilisation de l'acétate de megestrol, n'est actuellement plus recommandée dans le contrôle du prurit. En effet, elle est à l'origine de trop nombreux effets secondaires comme le pyomètre, le diabète sucré, une gynécomastie, une hyperplasie ou adénocarcinome mammaire, une polyuropolydipsie, ou encore une augmentation de la pression artérielle.

L'immunothérapie spécifique à l'aide d'extraits de corps totaux de Ctenocephalides felis felis n'est pas souvent employée. Ceci est lié à plusieurs éléments, notamment les résultats inconstants de la désensibilisation dans cette espèce, ce qui peut être à relier à la faible qualité allergénique des extraits de corps totaux. De plus, il reste encore à déterminer si cette désensibilisation peut entraîner l'apparition d'une tumeur du complexe fibrosarcome félin.

Conclusion

La DAPP est une dermatose extrêmement fréquente chez le chat, elle n'en demeure pas moins difficile à diagnostiquer. Ceci est notamment lié au pléomorphisme clinique de celle-ci. De plus, sa résolution est bien souvent plus difficile à obtenir que dans l'espèce canine, ce qui est notamment à relier au fait que les chats sont plus souvent à l'extérieur, et de ce fait rencontrent potentiellement plus d'individus.